• il y a 7 mois
Avec Bruno Montpied, chercheur et médiateur d'art brut.
Retrouvez "La question qui" sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out

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😹
Amusant
Transcription
00:00 Jusqu'ici, tout va bien !
00:03 Marie Nyssey et Marine Bausson sur France Inter
00:06 Avec le réalisateur Nicolas Philibert, aujourd'hui vous venez d'achever votre trilogie en psychiatrie
00:12 après Sur l'adamant, Averroës et Rosa Parks, on pourra aller voir La machine à écrire
00:16 et autres sources de tracas dès mercredi au cinéma.
00:20 Alors dans Sur l'adamant, on voit des patients et des soignants faire des ateliers d'art thérapie
00:24 ce qui interroge sur le surgissement de l'art dans des lieux où on ne l'attend pas toujours
00:28 et ça, ça nous a donné envie de vous faire rencontrer un homme spécialiste d'art brut.
00:32 C'est Patients Art Brut sur France Inter, introduit aujourd'hui par un extrait du documentaire
00:37 de Rémi Ricordo, bricoleur de paradis où le gazouille des éléphants.
00:40 Vous avez fait ça avec des bidons de peinture ?
00:48 Ah des bidons, c'est tout des bidons.
00:49 La machine à laver.
00:50 Ici c'est un pot d'échappement.
00:52 Là c'est une bouteille d'huile.
00:54 Là ça fait tout.
00:56 J'ai l'impression que les campagnes par ici c'était un véritable dépotoir.
00:59 Oui, tout est gratuit.
01:00 Tout est gratuit en fait.
01:01 C'est l'art brut.
01:03 Vous avez entendu parler du mot art brut ?
01:05 Oui, encore.
01:06 Et vous, vous considérez que vous êtes un artiste brut ?
01:10 Oui, un peu bon.
01:12 L'artiste brut c'est quelqu'un qui fait des choses avec deux fois rien.
01:16 Avant qu'on vous parle de l'art brut, comment vous appeliez ça ?
01:20 Eh ben.
01:21 Vous ne disiez rien ?
01:22 Non.
01:23 Il n'y avait pas de mot ?
01:24 Non.
01:25 On ne voulait rien.
01:26 Un documentaire inspiré par votre livre "Éloge des jardins anarchiques".
01:30 Bruno Monpier, bonjour.
01:32 Bonjour.
01:33 Alors peut-être que pour commencer Bruno, on peut préciser un peu les choses et distinguer
01:36 tout de suite l'art brut de l'art thérapie.
01:38 Alors, l'art brut c'est quelque chose qui a été inventé en 1945 par Jean Dubuffet
01:43 qui était un artiste et un écrivain, un philosophe, un théoricien.
01:48 Donc c'est déjà vieux.
01:50 Et à l'époque, il s'intéressait à mettre au jour un ensemble d'œuvres produites
01:57 par des non-professionnels de l'art qui auraient été particulièrement inventifs
02:01 mais qui seraient totalement à l'écart des beaux-arts, de la culture artistique.
02:06 De la culture artistique essentiellement.
02:08 Ça ne voulait pas dire forcément qu'il n'y avait pas de culture.
02:11 Au départ, il était très radical.
02:13 Il pensait qu'il s'agissait de chercher des gens qui étaient une sorte d'aérolithes
02:18 qui sortaient de nulle part et qui n'avaient pas de culture.
02:20 Bon, il a changé de point de vue par la suite.
02:23 L'art brut, ça a commencé en 1945 et ça dure encore aujourd'hui.
02:27 Il y a des fêtes des outsiders art fair.
02:30 L'année prochaine, il va y avoir une grande exposition au Grand Palais.
02:34 C'est dire à quel point ça devient une consécration.
02:37 Alors évidemment, pendant toutes ces décennies, l'art brut a changé d'allure et de théorie aussi.
02:44 On a reconnu qu'il y avait de la culture dans l'art brut.
02:46 Et depuis quelques temps, le marché s'est emparé de l'art brut.
02:52 Ils ont du mal à trouver des marchandises, à trouver des créateurs.
02:55 Et donc, ils sont allés du côté de l'art thérapie.
02:57 Ils sont allés voir dans les hôpitaux, dans les ateliers comme la Daman, s'ils trouvaient des artistes.
03:02 Alors, je ne sais pas s'ils sont allés sur la Daman, mais ils ont vu.
03:06 Effectivement, ils se sont mis en contact avec des artistes thérapeutes et avec des ateliers.
03:11 Il y en a beaucoup en Belgique.
03:12 La Belgique, une des matières premières de la Belgique, ce sont les handicapés mentaux.
03:18 En fait, la France leur envoie les gens dont ils ne veulent pas s'occuper.
03:22 En fait, il y a même des subventions de la part de l'État français ou de la région.
03:27 Pour envoyer des handicapés mentaux ?
03:29 Oui, pour que les associations belges et ateliers puissent aider,
03:35 travailler avec les handicapés qui viennent généralement de la région nord.
03:40 D'où ce lien qu'on fait parfois entre art thérapie et art brut, sans savoir exactement où est-ce qu'on met les pieds.
03:46 Mais le distinguo que vous me demandiez au début, en fait, il réside dans le fait qu'au départ, l'art brut,
03:50 les gens qui créent dans ce cadre-là, ce sont des gens qui n'ont rien demandé à personne.
03:56 Ils ont créé de leur côté, de manière extrêmement sauvage, sans être stimulés pour ça.
04:01 Alors que l'art thérapique, au contraire, il y a un artiste thérapeute.
04:05 Vous êtes peintre, archiviste, historien de l'art spontané.
04:07 Parce que depuis les années 80, vous sillonnez la France à la recherche des lieux habités par un art qui ne s'en réclame pas forcément.
04:14 Vous vous êtes inspiré, c'est joli, aux inspirés des Bordes des Routes.
04:17 Ces gens sans formation spécifique qui consacrent du temps et des efforts à construire des choses de leur main,
04:22 mais qui, pour plein de raisons qu'on va explorer peut-être ensemble, ne se définissent pas vraiment comme des artistes.
04:26 Comment s'est né votre intérêt ? Comment le truc est parti chez vous ?
04:31 Moi, j'étais un étudiant qui s'intéressait au surréalisme et à la littérature.
04:35 Et dans le surréalisme, ce qui m'a frappé, c'était la volonté des principales têtes pensantes du surréalisme
04:43 de chercher une sorte de fusion entre l'art et la vie.
04:47 Et par la suite, je me suis intéressé aussi aux situationnistes qui préconisaient une confusion de l'art et de la vie également.
04:55 La fin de l'économie, la réalisation de l'art, ils étaient pour considérer que l'art était mort lui-même.
05:00 Et très curieusement, ils avaient raison d'un certain point de vue.
05:04 Moi, j'estime que l'art contemporain aujourd'hui est mort et que le véritable art, il est du côté de l'art brut justement.
05:10 Et alors, on connaît le Palais imaginaire du facteur cheval, qui est peut-être le truc le plus connu en France pour parler de cet art.
05:15 Est-ce que dans votre recensement, parce que vous avez fait ça dans un livre qui est assez extraordinaire,
05:20 que j'ai vu il y a longtemps, de tous ces lieux à travers la France, il y a un endroit ou une histoire qui vous fait grand effet ?
05:24 Ou en tout cas, que vous aimez raconter ?
05:27 Il y en a plusieurs. Il y en a un.
05:29 Il y a trois sites importants, c'est évidemment le facteur cheval dans la Drôme, les rochers de Rothenheuf,
05:34 qui ont été sculptés par un abbé au début du XXe siècle, et puis la maison de Picassiette.
05:39 Mais parmi tous les sites que j'ai pu aller voir, il y avait celui de Marcel Landreau,
05:44 qui était un ancien pâtissier, ancien cheminot, qui avait assemblé les silex,
05:49 un peu comme des pièces montées pour les gâteaux, avec les choux à la crème.
05:55 J'ai l'impression que c'était une des influences qu'il avait, c'était de réaliser avec des silex des pièces montées,
06:01 comme lorsqu'il était pâtissier.
06:03 Et alors il montait des personnages en assemblage de silex, et il les faisait danser.
06:08 Il n'y a rien de plus extraordinaire que d'avoir vu ça.
06:12 Il les avait fait sonoriser par un ami électricien.
06:15 Malheureusement, son site était en face d'un stade, c'était à Montlaville,
06:19 et les gens qui fréquentaient le stade venaient lui casser de temps en temps ses statues,
06:24 il en a eu assez, et il a décidé de partir, de rentrer dans son pays natal qui était dans les Deux-Sèvres.
06:29 Et il est mort très peu de temps après, d'ailleurs, en 92.
06:32 - Et donc ces statues monumentales, c'est... ?
06:34 - C'était des statues qui faisaient 40 cm à peu près de haut.
06:38 Il y avait tout un cortège de noces qui descendait d'une cathédrale, la cathédrale s'ouvrait,
06:42 il avait sonorisé avec les cloches de son pays.
06:45 Ces statues se sont retrouvées, il les a transportées,
06:48 il paraît qu'il se serait blessé en les ramenant, et il serait mort d'une sorte de septicémie en quelque sorte.
06:55 Et les statues, je les ai retrouvées il n'y a pas très longtemps chez un antiquaire,
06:59 et on a réussi avec le musée de la création de Franche, qui est un lieu qui se trouve à Bègles,
07:03 qui est actuellement fermé pour travaux, mais qui rouvrira dans deux ans,
07:06 on a réussi à en faire entrer une trentaine.
07:10 Donc on pourra... Alors il y en avait quelques-unes des pièces déjà, et parsent un peu partout,
07:15 mais c'est un peu le problème de tous ces sites, c'est difficile à envisager de les conserver.
07:21 Donc on les conserve parfois en fragments, ce qui n'est pas leur rangs de justice.
07:25 - Bruno Montpierre, est-ce qu'il y a des artistes qui disent qu'ils font de l'art brut,
07:28 et vous vous dites "Maaaaaah, non, je te mets pas sur ma carte" ?
07:31 - Tout le temps, tout le temps je croise des gens qui...
07:34 Parce que le mot "art brut" est employé de 36 manières aujourd'hui, c'est un mot très fort,
07:38 une espèce d'oxymore, où vous avez l'art opposé à la sauvagerie ou brut,
07:43 normalement il n'y aurait que la poésie naturelle qui pourrait y correspondre.
07:46 Et d'ailleurs, il y a eu une confusion à ce niveau-là dans les années 50.
07:51 On a beaucoup parlé de Charlotte Perriand, la designeuse qui était amie avec Le Corbusier,
07:55 et le frère de Le Corbusier, ils allaient ramasser des épaves au bord de la mer du côté de Dieppe,
08:01 et lorsqu'elle a raconté ça... - Des bois aussi, des bois.
08:04 - Des bois flottés, toutes sortes d'épaves naturelles qu'ils ramassaient,
08:08 et qui les frappaient beaucoup, ça c'est dans les années 20.
08:10 Mais elle a raconté ça très postérieurement, en 1998, elle a sorti chez Odile Jacob un livre qui s'appelle "Une vie de création",
08:17 où elle dit "Ah ben c'est ce qu'on appelle l'art brut".
08:21 Et du coup, les gens ont cru que l'art brut avait été inventé avant Dubuffet.
08:24 Mais non, pas du tout, en fait elle a réutilisé ce mot-là, mais a raison, l'art brut et la poésie naturelle, il y a des rapports.
08:30 - Et alors Nicolas Philibert, dans le premier documentaire du "Truptik" sur la dame,
08:33 on observe patient et soignant partager cette péniche un grand nombre d'activités créatives,
08:37 il y a des fois où vous vous êtes dit "Ah ça j'aimerais bien que les gens le voient quand même, parce que c'est beau,
08:41 parce que c'est dérangeant", justement intrinsèquement, sans avoir le contexte de la péniche, ou de la dame en haut, ou de leur histoire ?
08:50 - Art brut ou pas, il y a des oeuvres magnifiques, des gens qui ont des talents pour dessiner,
08:55 qui fréquentent ce centre de jour, et c'est parfois très très beau, très très beau, ben oui.
09:04 - Merci Bruno Monpier, on n'a malheureusement pas plus de temps, merci d'être venu.
09:07 Je rappelle que vous êtes vous-même peintre passionné par l'art brut, on retrouve votre quête des plus beaux sites en France,
09:12 dans le gazouille des éléphants, aux éditions du Cendre, qui devraient être republiées l'année prochaine.
09:17 - Non, non, pas l'année prochaine, cette année, à la fin de l'année.
09:20 - Et aux éditions Oebec. - Et éditions du Cendre, oui c'est des noms un peu...
09:24 Mais Oebec fait partie du groupe Gallimard, donc ça sera très bien diffusé.
09:28 - On l'attend avec impatience ce livre. - Beaucoup d'amateurs me le demandent,
09:31 donc là il y aura moyen de le trouver. - Oui, c'est cherché par les collectionneurs.
09:35 Et on peut aussi vous lire sur votre blogue Le Poignard Subtil.
09:38 Merde !
09:39 Sous-titres par Leo, Leo, Leopold, et Sous-Titres par SousTitreur.com

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