• il y a 8 mois
Le spécialiste des questions géostratégiques était l'invité du "8h30 franceinfo", dimanche 17 mars 2024.

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00:00 - Bonjour Nicolas Tenzer. - Bonjour.
00:01 - Peut-être qu'à un moment donné, il faudra avoir des opérations sur le terrain,
00:05 quelles qu'elles soient, pour contrer les forces russes.
00:07 Voilà ce qu'a déclaré Emmanuel Macron dans son avion de retour de Berlin, selon le Parisien.
00:11 Emmanuel Macron qui précise qu'il ne le souhaite pas, mais néanmoins il réitère des propos
00:16 en se faisant même un peu plus concret.
00:19 Est-ce qu'il a raison ou tort de penser que c'est la bonne méthode face à Vladimir Poutine ?
00:22 - Alors selon moi, il a totalement raison.
00:24 C'est quelque chose que personnellement, je propose depuis maintenant plus d'un an,
00:28 que j'ai aussi essayé de développer dans mon dernier livre, "Notre guerre".
00:31 J'ai essayé de montrer que de toute manière, à un certain moment,
00:35 comme on est attaqué directement par la Russie,
00:38 que c'est véritablement notre guerre, c'est pas uniquement la guerre des Ukrainiens,
00:41 parce que tout simplement, Poutine nous attaque.
00:43 - Nous attaque à travers des raisons un peu moins conventionnelles.
00:47 - Un peu moins conventionnelles et peut-être qu'un jour de manière totalement militaire,
00:50 je veux dire, c'est pas du tout quelque chose qu'il faut exclure,
00:52 alors pas dans les trois mois qui viennent, bien sûr,
00:54 mais peut-être dans les six mois ou dans les années qui viennent, il ne faut pas l'exclure.
00:58 Eh bien, à un certain moment, on ne peut pas laisser uniquement les Ukrainiens combattre à notre place.
01:03 C'est-à-dire qu'on n'a jamais gagné une guerre quand on combat en quelque sorte en arrière de cours.
01:09 Quand on fait combattre notre guerre par quelqu'un d'autre,
01:13 il y a un certain moment où il faut se poser directement la question de l'engagement.
01:16 Et c'est ce tabou qu'Emmanuel Macron a voulu lever.
01:19 Et je pense qu'il a eu raison de le faire.
01:21 C'est-à-dire que c'est pas uniquement en donnant des armes aux Ukrainiens,
01:24 et il faut continuer à le faire, il faut faire beaucoup plus.
01:27 – Nicolas Tenzer, ce que vous êtes en train de nous dire,
01:29 c'est que ce n'est pas que de l'ambiguïté stratégique,
01:31 c'est qu'il y a vraiment un scénario où on envoie des troupes en Ukraine.
01:35 – Alors, il y a un scénario où on peut effectivement envoyer des troupes en Ukraine.
01:38 Encore une fois, ce n'est pas souhaitable,
01:40 ce n'est certainement pas souhaitable d'avoir des troupes combattantes.
01:42 C'est pour ça aussi que nous devons accélérer la fourniture de munitions et d'armes de toute nature,
01:48 je dis bien de toute nature aux Ukrainiens, autant que possible,
01:51 le plus d'avions de combat possible, le plus de missiles à longue portée possible.
01:54 Il faut donner l'autorisation aux Ukrainiens et leur fournir les armes pour ce faire,
01:59 pour attaquer le territoire russe, ce qui est parfaitement légal,
02:02 en vertu de l'article 51 de la Charte des Nations Unies.
02:04 – Mais les troupes, elles serviraient à quoi alors, dans l'hypothèse où on allait juste…
02:06 – Et alors, là on peut avoir effectivement,
02:08 l'idée d'avoir des troupes au sol, c'est pour trois choses.
02:10 D'abord, effectivement, c'est ce qui a été souvent présenté,
02:13 aide à la formation, déminage, action, je dirais, pour contrer les cyberattaques,
02:19 tout ça c'est très bien.
02:20 Deuxième hypothèse, c'est pour avoir des troupes qui sécurisent
02:24 les zones qui sont aujourd'hui libérées de l'Ukraine,
02:26 c'est-à-dire que si vous avez des troupes des pays de l'OTAN
02:29 ou de certains d'entre eux au sol, dans les zones libérées de l'Ukraine,
02:33 la Russie n'osera pas les attaquer, parce que là elle sait qu'il y a un risque.
02:37 Et que deuxièmement, alors que vous voyez, on a encore vu ça à Odessa,
02:40 des frappes meurtrières quasiment tous les jours contre des civils,
02:43 contre des immeubles d'habitation, contre des hôpitaux,
02:46 contre des écoles, contre des marchés,
02:48 et bien là aussi si nous avons des troupes, ce sera une façon de dissuader la Russie d'attaquer.
02:52 Et troisième hypothèse, et espérons effectivement qu'on n'en viendra pas là,
02:56 ça voudra dire participer à des opérations de combat.
03:00 Mais c'est pour éviter cette hypothèse-là,
03:02 que nous devons aujourd'hui aller jusqu'au bout de notre effort,
03:05 parce que sinon nous serons conduits d'une manière ou d'une autre à entrer en guerre.
03:09 Alors ce n'est pas souhaitable, encore une fois, ni de notre point de vue,
03:11 ni du point de vue des Ukrainiens, et c'est pour ça que le président Zelensky d'ailleurs l'a refusé,
03:16 parce que pour l'instant il considère qu'il a la capacité de le faire tout seul,
03:20 c'est aussi une question de fierté,
03:21 et il comprend parfaitement aussi les opinions publiques occidentales,
03:25 mais si nous n'allons pas plus vite, plus loin, plus fort, nous y serons contraints.
03:30 – Et il y a cette phrase d'Emmanuel Macron aussi rapportée dans cet entretien avec le Parisien,
03:34 "il ne faut pas se laisser intimider, nous n'avons pas face à nous une grande puissance".
03:37 Est-ce que c'est de la provocation ? Est-ce que c'est de la méthode couée ?
03:40 Est-ce que la Russie n'est pas finalement si puissante que ça ?
03:43 – La Russie n'est pas si puissante que ça, je veux dire, c'est un pays qui a le PIB de l'Espagne,
03:48 mais qui est à 7 fois plus…
03:50 – Mais quand Emmanuel Macron dit ça, c'est un peu une manière de provoquer ?
03:53 – Non, c'est pas de la provocation, c'est de la réalité, c'est-à-dire que économiquement,
03:55 la Russie est un nain, c'est un nain qui est en train de décliner,
03:58 c'est un nain qui perd la population,
04:01 qui connaît une fuite de capitaux massive depuis déjà de très nombreuses années,
04:04 une fuite des talents, voyez l'état des hôpitaux,
04:07 on l'a bien vu pendant la crise de la Covid-19,
04:09 voyez l'état des infrastructures, des écoles…
04:11 – Ils ont du pétrole, ils ont du gaz…
04:13 – Oui, mais attendez, une économie qui est fondée uniquement sur des économies de rentes,
04:16 ce n'est pas une économie qui se développe,
04:18 c'est-à-dire que derrière, quand vous voyez le tissu quasiment inexistant de PME en Russie,
04:22 c'est un pays pauvre.
04:23 – Mais c'est un nain qui tient tête à tous les Européens et aux États-Unis
04:26 et qui fait la guerre à l'Ukraine depuis plus de deux ans.
04:28 – Et qui a l'arme nucléaire.
04:29 – Alors qui a l'arme nucléaire, mais en même temps,
04:31 si vous prenez par exemple les troupes de l'OTAN et les troupes russes,
04:34 leur rapport est de 1 à 20, c'est-à-dire que, je veux dire,
04:36 l'ensemble des pays de l'OTAN, France compris, États-Unis compris,
04:40 c'est 20 fois plus que les troupes russes.
04:42 Je veux dire, quand on a un rapport de 1 à 20, sur le plan conventionnel,
04:46 je dis bien sur le plan conventionnel,
04:48 eh bien on voit très bien qu'il peut gagner la guerre.
04:51 Alors bien sûr, c'est un pays qui a la bombe atomique, qui en a plus que nous,
04:54 mais d'une certaine manière, nous, nous avons 290 ogives nucléaires à peu près,
04:58 la Russie en a environ 5000, mais en même temps, je dirais,
05:02 si nous avions une attaque nucléaire russe,
05:05 et encore une fois, je n'y crois absolument pas,
05:07 c'est surtout un outil dans la bouche de Poutine pour essayer de nous dissuader,
05:11 eh bien nous serions nous aussi capables de détruire physiquement la Russie.
05:16 Encore une fois, on est dans un scénario absurde, impossible vraisemblablement,
05:20 en tout cas qu'on verra tout pour éviter.
05:22 On ne vous entend pas parler de négociation.
05:23 Négocier avec Vladimir Poutine, c'est utopiste ?
05:26 C'est totalement impossible.
05:28 J'avais déjà écrit un article en 2016, je me souviens,
05:31 où j'avais dit "il n'est pas possible de négocier avec la Russie de Vladimir Poutine"
05:34 pour quelles raisons ?
05:35 D'abord parce que dès qu'on a eu un accord dans le passé avec Vladimir Poutine,
05:40 que ce soit à propos de la Syrie, que ce soit à propos de n'importe quel territoire, etc.,
05:44 il a toujours violé.
05:45 Que deuxièmement, la négociation, qui serait par exemple une négociation territoriale,
05:49 qu'est-ce que ça voudrait dire ?
05:50 Ça voudrait dire que nous acceptons que la force paye,
05:53 que des territoires annexés par la force,
05:56 eh bien finalement, peuvent rester à l'agresseur.
05:59 Et que troisièmement, si nous avions encore des territoires occupés par les Russes,
06:04 nous aurions ce qui s'est passé,
06:05 et ce qui se passe malheureusement toujours dans les territoires occupés,
06:08 on l'a vu dans le Danbas, on le voit en Crimée, on l'a vu dans la région de Kersaune,
06:11 c'est-à-dire des tortures, des exécutions sommaires,
06:15 y compris d'enfants devant les yeux de leurs parents,
06:17 ça voudrait dire des disparitions forcées,
06:19 et encore plus de déportations d'enfants, c'est-à-dire un crime de génocide.
06:22 - Mais si on ne peut pas négocier avec Poutine, si on vous écoute bien,
06:25 comment expliquez-vous qu'une partie, par exemple, de la classe politique française,
06:27 dise "il faut négocier, il faut accepter certaines conditions" ?
06:31 - Alors il y a deux possibilités,
06:32 soit c'est de la compromission, voire de la corruption,
06:34 je le dis les choses de manière extrêmement claire,
06:36 soit c'est de la bêtise,
06:38 alors je ne peux pas désigner quelqu'un évidemment de manière particulière,
06:40 mais je pense effectivement qu'il y a un certain nombre de partis politiques
06:43 ou de personnalités politiques qui ont des liens assez forts avec la Russie,
06:46 ou qui en tout cas en ont eu,
06:48 soit c'est de la bêtise, soit c'est de la bêtise,
06:51 soit c'est tout simplement de la bêtise,
06:52 c'est des gens qui n'ont aucune idée de ce qu'est ce régime,
06:56 c'est-à-dire qu'ils n'ont rien lu, qu'ils n'ont rien appris,
06:58 qu'ils n'ont rien écrit, qu'ils n'ont rien compris
07:00 à la nature véritable de ce régime mafieux.
07:02 – Nicolas Tenzer, géopolitologue enseignant à Sciences Po,
07:06 on se retrouve dans quelques instants,
07:07 juste après le Fil info de Elie Habergel à 8h40.
07:10 C'est un scénario écrit d'avance,
07:12 Vladimir Poutine va être réélu pour un cinquième mandat,
07:15 sans surprise en Russie, dernier jour du scrutin aujourd'hui,
07:19 l'opposition a été totalement éradiquée.
07:21 Le parquet de Marseille annonce la mise en examen
07:23 de dix membres présumés de la DZ Mafia,
07:26 un des principaux gangs de la ville.
07:28 Les suspects sont poursuivis pour une tentative d'assassinat en Espagne.
07:32 L'an dernier, ils font partie des 13 personnes interpellées.
07:35 Lundi, 7 sont désormais en détention provisoire.
07:38 Plusieurs milliers de personnes rassemblées pour dire non
07:41 à un projet de golf dans les Pyrénées-Orientales.
07:43 Mobilisation hier autour du lac de Villeneuve de la Rao,
07:47 alors que le département fait face depuis des mois
07:49 à une sécheresse chronique.
07:51 Le 15 de France termine avec Panache,
07:53 le tournoi des 6 nations les Bleus finissent.
07:55 Deuxième en gagnant contre l'Angleterre,
07:57 33 à 31 à Lyon.
07:59 Hier, victoire arrachée grâce à une pénalité à la dernière minute.
08:03 Les Irlandais gagnent le tournoi après leur victoire contre l'Ecosse.
08:06 Nicolas Tenzer, géopolitologue enseignant à Sciences Po,
08:18 vous publiez "Notre guerre, le crime et l'oubli"
08:20 pour une pensée stratégique aux éditions de l'Observatoire.
08:23 Et dans ce livre, vous dites notamment
08:26 qu'il y a eu un aveuglement face à Vladimir Poutine
08:29 de la part des Occidentaux.
08:31 C'est-à-dire qu'on a été naïf ?
08:33 Ou c'est Vladimir Poutine qui a changé ?
08:35 C'est ce qu'avait dit Emmanuel Macron
08:36 il y a un peu plus de deux ans, juste avant la guerre.
08:37 Il avait dit Vladimir Poutine a changé.
08:39 Alors où est la vérité ?
08:40 À mon sens, il n'a absolument pas changé.
08:43 Toutes les personnes qui connaissent la Russie,
08:45 qui y sont allées, qui ont étudié les textes
08:48 de Vladimir Poutine ou de ses lieutenants,
08:51 savent que depuis 2000,
08:53 voire 1999 en fait,
08:55 quand il était encore Premier ministre
08:57 et qu'il s'est lancé dans la présidentielle,
08:59 Vladimir Poutine avait une volonté de détruire l'Ukraine
09:02 ou en tout cas de la soumettre,
09:03 de soumettre d'ailleurs l'ensemble des pays
09:06 issus de l'ancien Empire soviétique.
09:09 Tout le monde savait que c'était un sort de petit criminel mafieux
09:12 qui avait aidé aussi, par exemple,
09:14 la Rotterdam-Effraktion, le groupe terroriste,
09:16 la bande Abadère en Allemagne,
09:18 quand il était agent du KGB,
09:20 que c'était un petit mafieux de Saint-Pétersbourg
09:21 quand il était à côté du maire de Saint-Pétersbourg,
09:23 Anatoly Sobchak,
09:24 qu'il avait en 1999 explosé trois immeubles
09:29 pour déclencher la guerre de Tchétchénie,
09:31 donc par le FSB en imputant ces explosions au Tchétchène.
09:34 - Donc Emmanuel Macron a été naïf ?
09:36 Nicolas Sarkozy a été naïf ?
09:37 - Emmanuel Macron a été totalement naïf,
09:41 il n'est pas le seul,
09:42 il y a d'autres dirigeants,
09:43 aussi bien en France que dans d'autres pays de l'Union Européenne
09:45 et d'ailleurs aux États-Unis,
09:47 qui ont été totalement naïfs.
09:48 Pensez également au RICET lancé à l'époque,
09:50 en 2009 par Barack Obama et sa secrétaire d'État Hillary Clinton,
09:55 avec la Russie,
09:56 alors même que Poutine avait déjà attaqué la Géorgie
10:01 dont il avait occupé, dont il occupe toujours d'ailleurs,
10:04 20% du territoire.
10:05 Non, c'était totalement naïf
10:07 et il y a eu un certain moment, je pense,
10:08 où le président français, comme beaucoup d'autres,
10:12 finalement ont écouté des gens
10:15 qui, pour des raisons diverses,
10:18 ont été fascinés par la Russie,
10:20 enclins totalement à ne pas le regarder,
10:24 accepter le fait accompli,
10:25 qui se présentaient comme réalistes
10:27 et qui en fait étaient, ce que Raymond Haron appelle en fait,
10:30 des pseudo-réalistes,
10:31 qui ne considéraient pas la menace.
10:33 Donc il y a eu effectivement une sorte de voile posée
10:36 sur les yeux du président,
10:38 de d'autres encore une fois,
10:39 je n'en ai pas le seul,
10:41 et il y a eu un réveil qui a commencé effectivement en 2022,
10:44 alors que beaucoup de personnes, y compris moi-même évidemment,
10:47 et beaucoup d'autres depuis plus de 10 ans, voire 15 ans,
10:50 nous avertissions sur la réalité de ce régime.
10:53 Mais nous étions tous considérés à ce moment-là
10:55 comme des vatanguers,
10:56 des gens qui cherchaient un conflit avec la Russie, etc.
10:59 Alors qu'on avertissait, tout simplement.
11:01 Il y a eu effectivement une volonté de ne pas écouter
11:04 tous ceux qui étaient annonceurs de mauvaises nouvelles.
11:06 La réalité, c'est que ça a coûté.
11:08 C'est ça aussi la réalité,
11:09 c'est que non seulement ça nous a coûté en termes de sécurité,
11:11 parce que si nous avions défait Poutine en 2008 ou en 2014,
11:15 on n'en serait pas là aujourd'hui.
11:18 Et ça a coûté de manière encore plus grave,
11:19 au-delà de notre sécurité, des dizaines de milliers de vies.
11:22 Et ça, il ne faut jamais l'oublier.
11:23 Poutine, je termine juste si vous m'entendez, sur un mot.
11:26 Poutine a tué plus de civils dans le monde
11:30 qu'Al Qaïda, Daesh et le Hamas combinés.
11:33 Et ça, c'est la réalité des faits.
11:34 – Nicolas Tensa, on est donc dimanche,
11:36 troisième et dernier jour de l'élection présidentielle en Russie.
11:39 Le triomphe de Vladimir Poutine, évidemment, ne fait aucun doute.
11:42 Une présidentielle en forme de mascarade.
11:45 Le chiffre qui va sortir ce soir, il nous dira quelque chose
11:47 ou tout ça est vraiment complètement maquillé ?
11:49 – Non, d'abord, il n'y a pas d'élection présidentielle en Russie.
11:52 Je veux dire, il y a formellement,
11:54 mais ce n'est pas une élection présidentielle.
11:55 Je veux dire, si élection était un nom propre et non un nom commun,
12:00 je dirais que ce serait une insulte, en quelque sorte.
12:02 Parce qu'évidemment, il n'y a pas d'élection.
12:03 On va avoir un chiffre qui ne veut évidemment rien dire,
12:05 parce que non seulement, évidemment,
12:07 vous savez bien que les candidats démocratifs ne peuvent pas se présenter,
12:10 mais que même les gens sont incités à aller voter,
12:13 que vous avez des frottes massives, donc il y aura des faux votants.
12:16 – Mais il a besoin de ce vote malgré tout pour asseoir quelque chose dans son pays ?
12:19 – Vous savez, ce qui est aussi très frappant,
12:21 et moi ça me rappelle ce que disait déjà Montesquieu sur la tyrannie,
12:25 c'est qu'en fait, Poutine est quelqu'un qui a peur,
12:27 qui a peur de tout, qui veut tout contrôler,
12:30 qui a même besoin de cette mascarade d'élection,
12:33 et dans cette mascarade d'élection,
12:34 d'un taux de participation le plus haut possible,
12:38 et évidemment, de vote, le nombre de votes le plus important en sa faveur.
12:42 C'est quelqu'un qui a peur de tout,
12:44 qui a peur d'abord, effectivement, de se faire assassiner,
12:47 on voit effectivement, c'est bien détaillé,
12:49 le luxe de précaution, de sécurité qu'il prend,
12:54 on l'a vu aussi pendant la crise de la Covid-19,
12:56 c'est quelque chose d'assez effrayant.
12:58 Il fait assassiner ses principaux rivéraux.
13:01 – Il est terrifié par la moindre opposition ?
13:03 – Il est terrifié, mais non.
13:05 – Les personnes qui ont contesté, par exemple, ce scrutin,
13:07 qui ont commis des incidents, des petits incendies,
13:10 voilà, il risque très gros en fait.
13:12 – Non seulement eux-mêmes risquent très gros,
13:14 c'est-à-dire qu'ils risquent effectivement de la prison,
13:16 mais il faut savoir que quand vous avez quelqu'un qui s'oppose à Poutine,
13:19 c'est toute la famille qui est concernée.
13:21 C'est-à-dire que c'est l'épouse ou l'époux qui va perdre son travail,
13:24 les enfants qui ne vont pas pouvoir accéder à l'université,
13:28 s'il y a des enfants en bas âge,
13:29 ils ne vont pas pouvoir accéder à une crèche,
13:31 ils vont perdre leur boulot dans leur entreprise.
13:34 Je veux dire, vous avez ces persécutions au quotidien,
13:36 dans un régime qui devient de plus en plus totalitaire,
13:40 au sens propre du terme, au sens où l'entendait Anna Arendt,
13:42 c'est-à-dire pas uniquement une dictature,
13:44 mais véritablement un régime totalitaire.
13:45 – Et c'est là où on se demande pourquoi il avait besoin d'une élection, finalement.
13:48 – Pour garder la forme, c'est-à-dire qu'il y a une forme d'élection,
13:52 parce qu'il a besoin de dire "mais il faut absolument qu'on me reconnaisse comme président",
13:56 et la meilleure chose aujourd'hui que les dirigeants d'ailleurs du monde entier pourraient faire,
14:00 ce serait de ne pas reconnaître en fait les résultats de l'élection.
14:04 Après tout, ils l'ont bien fait, vous savez,
14:06 pour la fausse élection en 2020 au Belarus de Lukashenko,
14:11 on lui dit "ben voilà, Alexandre Lukashenko,
14:13 mais non, en fait on ne vous reconnaît pas comme président".
14:16 Et donc je pense qu'aujourd'hui il faudrait tout simplement dire "non, je ne le reconnais pas".
14:19 – Mais on n'arrive même pas à dire que c'est un dictateur en France,
14:21 Mme Macron ne le dit pas, plusieurs marchés d'opposition ne le disent pas.
14:23 – Si on essaye de rester sur le plan strictement légal,
14:27 c'est un fugitif recherché par 124 pionnistes du monde.
14:30 C'est ça, la réalité sur le plan strictement légal.
14:33 C'est quelqu'un qui a été, encore une fois, mis en examen,
14:38 ou on dirait inculpé dans les termes de la Cour pénale internationale,
14:41 donc par la Cour pénale le 17 mars 2023,
14:44 et qui est donc recherché par les 124 polices des 124 États
14:49 qui sont partis au traité de Rome, qui définissent la Cour pénale internationale.
14:53 – Mais qu'est-ce qu'il arrêtera, Nicolas Tenzer ?
14:55 On a l'impression que rien ne pourra l'arrêter.
14:56 On voit que même à l'étranger, ses opposants sont tabassés,
15:00 on l'a vu encore avec l'ancien bras droit de Navalny qui a été agressé…
15:04 – Oui, il y en a eu un en Espagne également, un ancien déserteur,
15:08 également de l'armée qui a été abattue en Espagne de manière mystérieuse
15:11 il y a deux ou trois semaines.
15:12 – Mais dans ces conditions, si la menace ne vient pas de la rue
15:15 ni de ses opposants, qui arrêtera Poutine ?
15:17 – Mais encore une fois, je pense que c'est le vrai sujet de la plupart des Occidentaux,
15:21 et même aujourd'hui, parce que tout ceci est lié aussi à la guerre russe
15:24 d'extermination contre l'Ukraine.
15:26 C'est-à-dire que nous sommes encore, il faut le savoir,
15:28 au milieu du guet dans cette guerre.
15:30 Alors, je pense qu'il y a une compréhension d'Emmanuel Macron,
15:33 d'autres dirigeants européens, etc.
15:35 devant les risques importants que pose Poutine.
15:37 Vous avez eu encore un ministre de la Défense allemand il y a trois semaines,
15:40 Boris Pistorius, qui disait qu'il n'excluait pas une attaque de la Russie contre l'Allemagne.
15:45 Mais quand on regarde les moyens dont nous disposons, l'absence de volonté,
15:50 on voit effectivement Emmanuel Macron, et j'en suis heureux,
15:53 reprendre un certain nombre d'idées que certains d'entre nous défendions depuis des années.
15:57 Mais quelle est la réalité ?
16:00 Nous restons, encore une fois, au milieu du guet.
16:02 Vous voyez les Etats-Unis.
16:03 Et Donald Trump pourrait être élu président.
16:05 Et Donald Trump pourrait être élu.
16:06 Qu'est-ce que ça aurait comme conséquence ?
16:07 Là, ce serait l'heure de vérité pour l'Europe.
16:09 C'est-à-dire que, soit les pays de l'Europe au sens large,
16:12 c'est-à-dire que j'inclus aussi le Royaume-Uni, la Norvège,
16:14 qui ne sont pas membres de l'Union européenne,
16:16 décident d'accélérer leur production d'armes, de munitions,
16:20 mais de passer réellement à l'économie de guerre.
16:23 Parce que l'économie de guerre, Emmanuel Macron en avait parlé le 13 juin 2022
16:26 au salon EuroSatory,
16:28 mais nous ne sommes pas, et aucun pays européen,
16:31 n'est véritablement aujourd'hui en économie de guerre.
16:34 Il ne faut pas l'oublier.
16:36 Donc nous ne sommes pas complètement sérieux.
16:39 Regardez les sanctions.
16:41 Les meilleures sanctions, elles ont été décidées par les Ukrainiens
16:44 quand ils ont attaqué les terminaux pétroliers en Russie.
16:46 Parce que là, on a des sanctions qui marchent.
16:48 Quand on détruit les terminaux pétroliers, nous, nous sommes très loin du compte.
16:50 On va suivre évidemment cette situation.
16:52 Merci beaucoup Nicolas Tenzer, géopolitologue, enseignant à Sciences Po.
16:55 Je rappelle votre livre "Notre guerre, le crime et l'oubli"
16:58 pour une pensée stratégique parue aux éditions de l'Observatoire.
17:01 Merci beaucoup d'avoir été l'invité du 8.30 France Info.