• il y a 2 mois

Tous les vendredis, samedis et dimanches soirs, Pascale de La Tour du Pin reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 19h30 à 20h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend

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Transcription
00:00Si je voulais juste, peut-être, Gabriel Cluzel, Nathan Devers, vous étiez dans ce studio, vous avez écouté les mots d'Anne Toulouse.
00:05C'est vrai qu'on se concentre, moi, avec nos problèmes franco-français sur l'élection présidentielle américaine.
00:12C'est dans 16 jours. Nous, on a un budget demain.
00:15On ne sait même pas ce qui va en ressortir de ce budget. En tout cas, ça va être des débats extrêmement animés.
00:20Peut-être un mot sur ce qu'a dit Anne Toulouse, le fait que c'est un peu partout pareil dans le monde.
00:25J'ai l'impression que le monde est un peu déstabilisé.
00:27On a du mal. Avant, c'est vrai qu'on voyait assez clairement qui pouvait l'emporter.
00:31Là, tout se délite. On ne sait pas qui pourrait l'emporter.
00:36Peut-être, Nathan Devers, un mot sur ce qu'a dit Anne Toulouse ?
00:38Oui, alors moi, à titre personnel, je suis vraiment passionné par les élections américaines,
00:42beaucoup plus que par l'actualité politique française, parce que je pense qu'elle est beaucoup plus importante.
00:46Ah, mais ça, c'est certain !
00:47D'ailleurs, c'est même pas je pense, c'est évident, en effet.
00:49Ah oui, ça, c'est sûr !
00:50L'avenir du monde dépend de ce que vont penser 10 000 électeurs en Pennsylvanie
00:54qui vont faire pivoter l'élection, ou en Géorgie.
00:57Il y a une chose qui est, à mon avis, centrale.
01:00Je dis ça sans me jeter des fleurs, mais en 2016, j'avais fait un pari la veille de l'élection avec des amis.
01:05J'étais persuadé que Trump gagnerait l'élection.
01:07Tout le monde s'était moqué de moi.
01:08Et le lendemain matin, j'avais gagné mon pari, ma petite cesse de champagne.
01:13Vous étiez très riche !
01:14C'était du champagne.
01:15Parce que moi, il y avait une chose qui m'avait marqué, je m'en souviens très très bien.
01:18C'était quand Donald Trump, pendant la première campagne présidentielle,
01:22quand il y avait eu ce fameux enregistrement audio qui était ressorti,
01:26on entendait Donald Trump dire qu'il attrapait les femmes, je ne vais pas répéter comment,
01:29mais tout le monde s'en souvient, c'était d'une vulgarité inouïe.
01:31Et quand cet enregistrement était sorti,
01:33tous les observateurs de la vie politique américaine disaient
01:36« Bon, Donald Trump, il est cuit, il est mort, c'est fini. »
01:38Et résultat, il avait eu le lendemain un débat avec Hillary Clinton à la télévision,
01:43et il avait fait du spectacle.
01:45Alors il avait fait venir plusieurs femmes qui avaient porté plainte
01:48et qui reprochaient à Bill Clinton des actions un petit peu de ce type.
01:53Et il avait réussi à retourner complètement la situation sans présenter ses excuses,
01:58sans faire un aveu, si vous voulez, qu'il avait eu tort.
02:01Et il était sorti, non seulement pas affaibli,
02:04mais même gagnant d'une situation qui aurait tué, symboliquement, n'importe quel homme politique.
02:09Et depuis, j'ai l'impression que c'est ce qui arrive fondamentalement après Donald Trump.
02:12Rappelez-vous quand même le nombre de fois où on a dit « C'est fini pour Trump »,
02:16après le Capitole, après sa défaite aux élections, pendant le Covid,
02:19après toutes les fake news qu'il a pu dire, on les compte même plus aujourd'hui,
02:22après ses affaires judiciaires, l'affaire Stormy Daniels,
02:25le jour où, à Stockholm, il avait dit qu'il accordait plus de confiance à Poutine
02:29qu'à ses propres services secrets, etc.
02:31Résultat, Trump arrive toujours à s'en relever.
02:34Je pense que ça dit quelque chose de très très profond
02:37sur le délitement de la vie démocratique, non seulement aux États-Unis,
02:40mais sans doute dans les sociétés occidentales en général.
02:44Moi, je trouve qu'on a toujours une analyse un peu paresseuse de Trump.
02:50On fait un peu la même chose d'ailleurs avec les populistes en Europe.
02:55Donc, on dit que Trump est vulgaire, que Trump est tout troncier,
02:59que Trump est un peu fou.
03:02Néanmoins, renotons que quand il a été président des États-Unis...
03:05C'est pas fou qu'il y ait des gens...
03:07Non, mais je ne dis pas qu'il n'est pas troncier et qu'il ne fait pas du Trump,
03:11mais cela dit, rappelez-vous,
03:13il a été pressenti pour être prix Nobel de la paix
03:17parce que finalement, c'est le seul président américain
03:20qui n'avait pas déclenché de guerre.
03:22Donc, pour un fou qui a le doigt potentiellement sur le bouton tragique,
03:28c'est quand même assez exceptionnel.
03:30Et je trouve qu'on a une analyse, oui, paresseuse.
03:32Alors, je suis intéressée, moi, par le TK Trump-Vance,
03:35parce que je pense que c'est un personnage que l'on peut moins caricaturer
03:39et qui donne une réelle vision de ce qu'est l'électorat Trump
03:43et qui en dit aussi sur ce qui se passe en Europe.
03:46Vous voyez ? Parce que passer son temps à dire
03:49que finalement, Trump est de tous les excès
03:53et que pour être du cercle de la raison, il faut voter contre Trump,
03:56quel que soit le candidat, je dirais presque,
03:58c'est un peu la même chose en Europe avec les populistes.
04:01C'est-à-dire qu'on dit, si vous voulez être du cercle de la raison,
04:03vous les laissez de côté et ils sont outranciers.
04:06Regardez les propos qu'ils tiennent.
04:08Et à mon avis, c'est se tromper.
04:11Là, ce qui se passe aux États-Unis, vous avez prodigieusement raison,
04:14et intéressant, mais intéressant parce que ce sont les mêmes analyses
04:18et les mêmes mouvements qui se passent.
04:20Vous savez, les rednecks, c'est un peu un imbeaumon.
04:23Et curieusement, on fait la même analyse depuis des années
04:27sans se demander si on ne se trompe pas d'analyse
04:29et s'il ne faut pas aller plus subtilement chercher
04:32quelles sont les raisons de ce vote.
04:35Oui, les raisons de ce vote, effectivement.
04:37Et c'est vrai que c'est quand même incroyable.
04:40C'est-à-dire que Donald Trump, on se souvient quand même,
04:42le capitole qui a été envahi, il se retrouve là,
04:46à un pas de remettre un pied à la Maison Blanche.
04:50Parce que tout peut basculer.
04:52C'est incroyable ce que dit Anne Toulouse, on n'a jamais vu ça nulle part.
04:55Mais ça dit aussi des choses de notre société à nous,
04:57de la France, regardez l'Europe,
05:00les personnalités qui se retrouvent à diriger des États,
05:04on a l'impression que le monde est en train de partir à plus de direction,
05:07mais nulle part, j'ai envie de dire nulle part.
05:09Est-ce que c'est un sentiment,
05:11ou est-ce que réellement l'Occident a des questions à se poser ?
05:13Nathan Devers ?
05:14Je pense qu'il y a en effet deux questions.
05:16Une première question, et je suis tout à fait d'accord avec vous sur ce point,
05:19c'est une caricature de décrire Trump comme fou,
05:22d'abord parce qu'il n'est probablement pas fou,
05:24et que pour avoir fait ce qu'il a fait,
05:26il faut avoir beaucoup d'intelligence stratégique,
05:28mais deuxièmement parce qu'en effet,
05:30il y a un débat très sérieux,
05:32et une faille idéologique très profonde aux États-Unis,
05:35en France, qui est à peu près la même,
05:37avec deux visions de la société qui sont très cohérentes.
05:40D'un côté, cette idée plutôt progressiste
05:43que ce qui fait une société, c'est un projet d'avenir,
05:46c'est la manière dont les démocrates parlent de l'Amérique comme pays des possibles,
05:49donc l'Amérique comme vraiment le pays de la futurition,
05:52refuser d'avoir, si vous voulez, une seule origine,
05:55une seule culture qui va être invoquée,
05:58cette idée que l'Amérique, elle existe avant tout par ses grands principes,
06:01et de l'autre, une vision où l'Amérique,
06:04c'est la grandeur de l'Amérique, c'est une culture,
06:07c'est des traditions, c'est une identité telle qu'elle a pu exister
06:10par le passé à tel ou tel moment ou qu'on imagine qu'elle a pu exister,
06:13ça c'est une chose. Mais à mon avis, il y a quand même un deuxième sujet
06:16sur la figure de Donald Trump, qui n'est pas seulement l'idéologie,
06:19qui est une question de méthode, mais souvent les questions de méthode sont plus importantes
06:22que les questions de fond, c'est que Donald Trump est quelqu'un quand même
06:25qui a rendu impossible la possibilité du débat.
06:28C'est quelqu'un qui, quand il était arrivé à la Maison Blanche,
06:31sa conseillère en communication avait eu cette fameuse phrase
06:34sur les faits alternatifs, on va inventer des alternative facts,
06:37c'est quelqu'un qui estime que, si vous voulez,
06:40il peut construire un réel de substitution, un réel différent
06:43dans lequel vont vivre ses électeurs.
06:46Il y a un très très grand nombre de ses électeurs qui, encore aujourd'hui,
06:49sont persuadés que Joe Biden n'a jamais gagné l'élection.
06:52Il y a un très grand nombre de ses électeurs qui pensent des choses délirantes sur les vaccins,
06:55sur à peu près tous les sujets, le fameux pizza-gate,
06:58sur la pédophilie des élites démocrates, etc.
07:01Et ça, je pense qu'il y a un sujet.
07:04Je pense précisément que c'est plutôt deux réalités qui s'affrontent.
07:07Parce que j'ai entendu un discours de Donald Trump,
07:12une petite déclaration qui a été relayée par Elon Musk,
07:15et il disait que moi, je suis le bon sens,
07:19c'est-à-dire que je crois qu'il y a des hommes et des femmes,
07:23il posait justement un certain nombre de postulats,
07:28que peut poser Gordia Meloni,
07:31que posent tous les populistes en Europe,
07:34et qui s'opposent au constructivisme, je ne sais pas comment appeler ça,
07:37mais à une reconstruction des réalités qui est propre au wokisme.
07:42Et cette reconstruction des réalités, elle est présente quand même.
07:47Vous ne pouvez pas, moi je veux bien qu'on dise que Trump est dans une réalité parallèle,
07:50mais pardon quand on nous explique du côté wokiste
07:54qu'il n'y a pas que les femmes qui ont leurs règles,
07:56et si vous prétendez qu'il n'y a que les femmes qui ont leurs règles,
07:58vous êtes un dangereux fasciste,
08:00c'est quand même une drôle de réalité parallèle également.
08:03Donc je crois qu'aujourd'hui, il y a une ligne de fracture très très forte,
08:05qui n'existait pas avant,
08:07parce qu'entre républicains et démocrates,
08:09il n'y avait pas une ligne de fracture de ce genre-là,
08:11et elle est sur deux conceptions du monde qui s'opposent.
08:17Oui, ça c'est évident.
08:18Là où j'aurais quand même un désaccord,
08:20c'est que ce que vous dites, c'est le clivage à mon avis idéologique central
08:24entre les progressistes et les conservateurs,
08:27ou les réactionnaires, ou les wokers,
08:29on fait ça comme on veut, peu importe,
08:30mais c'est ce clivage idéologique.
08:31En revanche, il me semble que chez Trump, il y a vraiment une autre dimension.
08:34Un de ses premiers engagements politiques,
08:38important en son nom,
08:39parce qu'avant il soutenait le parti démocrate,
08:41c'est quand il avait dit que Barack Obama
08:44n'était pas le président légitime des États-Unis,
08:47parce qu'il n'était pas né aux États-Unis,
08:49ce qui était absolument faux,
08:50qu'en tant que musulman, il était né dans un autre pays, etc.
08:55Il avait commencé à raconter n'importe quoi sur Barack Obama.
08:57Barack Obama s'était d'ailleurs moqué de lui
08:59au dîner des représentants de la Maison Blanche,
09:01et c'est là, selon la légende, qu'il avait voulu devenir président.
09:03La légende est sans doute vraie sur ce point.
09:05Il y a quand même quelque chose chez Donald Trump
09:07qui relève d'une telle agressivité.
09:09Comment il s'est imposé dans la vie politique des républicains ?
09:11Comment il a réussi à phagocyter ce parti ?
09:13C'est précisément quand il y avait eu les primaires,
09:15en décidant d'avoir cette stratégie
09:17consistant à insulter ses adversaires sur leur physique,
09:20sur leur tenue vestimentaire, sur leur vie privée,
09:23se moquer du handicap de tel ou tel journaliste qu'il interviewait,
09:26dire que les femmes ne pensaient pas.
09:28C'est quand même ça, Donald Trump.
09:30Donald Trump, c'est quelqu'un qui, le 11 septembre,
09:32quand il est interviewé par une chaîne de télé américaine,
09:34en direct, il dit
09:36« À partir d'aujourd'hui, c'est moi qui ai la plus grande tour aux États-Unis. »
09:39C'est sa déclaration.
09:41Les tours jumelles étaient en train de s'effondrer.
09:43Il y avait 3 000 Américains qui étaient en train de mourir.
09:45Et c'est la réaction de Donald Trump.
09:47C'est quand même ça.
09:49Si c'était Mike Pence en face, je serais totalement d'accord avec vous.
09:51Mais il me semble qu'il y a avec lui une autre dimension.
09:53Non mais je crois qu'il a une personnalité,
09:55je voudrais juste terminer là-dessus,
09:57qui séduit justement parce qu'il est
09:59dans la provocation de la bien-pensance.
10:01Simplement, ils ne sont pas tous élégants en face non plus.
10:04Je crois que c'est Obama qui a demandé
10:07s'il ne fallait pas acheter des couches pour Donald Trump.
10:09On n'était pas au sommet de la classe,
10:11on l'a rappelé du reste Madame Toulouse
10:13pendant cette campagne.
10:15Peut-être qu'il force le trait,
10:17il fait du Trump XXL,
10:19parce que précisément ça plaît,
10:21parce que ça permet de faire effondrer
10:23tout un monde de bien-pensance.
10:25C'est sans doute ce style-là qui séduit.

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