Tous les vendredis, samedis et dimanches soirs, Pascale de La Tour du Pin reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 19h30 à 20h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend
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00:0020h51, je voudrais aussi qu'on parle des commémorations du 11 novembre.
00:03Pourquoi je voulais qu'on parle des commémorations du 11 novembre ?
00:05Demain c'est férié, vous avez bien de la chance si vous ne travaillez pas.
00:07Savez-vous ce que sont les commémorations du 11 novembre ?
00:11Nous sommes allés dans la rue.
00:13Et voilà ce que ça donne quand on pose la question.
00:16J'ai dû le savoir ouais, mais là je ne sais plus.
00:19Savez-vous pourquoi le 11 novembre c'est un jour férié ?
00:22Je suis désolé mais non.
00:23C'est juste dans les notes sur le téléphone, on voit, je crois que c'est le jour de l'armistice.
00:28Mais je ne suis pas sûre.
00:29C'est une fête nationale donc voilà.
00:31Quelle fête nationale ?
00:3314-18 je crois.
00:34Je ne suis pas sûre du tout.
00:35Le devoir de mémoire, on le fait justement pour la dernière guerre.
00:40Mais pour la guerre d'avant, elle est passée dans l'oubli moi je pense.
00:43Elle est passée dans l'oubli, dit cette dame.
00:45Voilà des propos recueillis par Noémie de Loisel.
00:46À Lyon, ce micro-trottoir aurait pu être fait partout ailleurs.
00:51Enfin ça traduit quand même quelque chose.
00:52C'est terrifiant, j'avoue que je trouve ça terrifiant.
00:55Et à Tristan, vous savez on parle souvent de cancel culture, mais la cancel culture elle est là aussi.
00:59Quand on oublie ceux qui sont morts pour défendre le pays.
01:03Il faut se souvenir que pendant la guerre de 14-18, il y avait 900 français en moyenne qui tombaient par jour, qui mouraient.
01:09Vous imaginez ?
01:10C'est trop loin, je pense que les gens ont oublié.
01:12C'est trop loin, c'est pas si loin moi.
01:13Je n'ai pas non plus 80 ans, il se trouve que je suis la dernière d'un dernier, mon grand-père que je n'ai pas connu, avait fait la guerre de 14-18.
01:19Et il ne supportait pas de regarder la télévision, c'est mon père qui me racontait ça.
01:23Il parlait de la guerre de 14-18, il quittait la pièce tellement il avait trouvé ça épouvantable.
01:27Ça avait été vraiment un lieu commun de dire ça, mais une boucherie, la moindre des choses serait d'en garder mémoire.
01:36Il faut aller à l'ossuaire de Doumont.
01:38Alors vous savez il y a la statue du commandeur, parce qu'il y a trois corps, je ne sais pas si vous avez entendu parler de ça,
01:42trois squelettes qui m'étaient retrouvés très récemment à trois soldats, trois poilus, à Floride-Vendôment qui fait partie de ces villages rasés et qui n'existent plus à côté de Verdun.
01:50Et ils sont venus se rappeler à notre bon souvenir.
01:54Je trouve terrible, c'est quand même la défaite de l'éducation nationale, pardon.
01:58Oui, mais c'est sûr que Nathan Devers, Gabrielle Cluzel quand elle dit que c'est la défaite de l'éducation nationale,
02:04moi je suis assez d'accord avec vous parce que nous, on l'apprenait et c'était bien ancré dans nos mémoires.
02:11Qu'est-ce qui fait que sur 15 personnes interrogées, trois seulement ont répondu correctement ?
02:16Moi ça ne me fait pas beaucoup rire ce micro-trottoir du tout.
02:20Il y a eu plus d'un million de Français qui sont morts, comme vous le disiez, pendant la Première Guerre Mondiale,
02:24et on ne parle même pas à l'échelle européenne.
02:26Le crétinisme est une sorte de premier symptôme de la barbarie.
02:31Ne pas être capable de savoir quelle est la signification de cette date, quand on est Français, quand on est Européen, c'est éminemment problématique.
02:40Et c'est le signe d'une ignorance, c'est le signe d'une bêtise, c'est le signe d'une sorte d'opinion abrutie aux réseaux sociaux et à la dictature de l'instant,
02:49qui est incapable de savoir ce que valent les événements, on se demande pourquoi ces gens bénéficient d'un jour férié,
02:57s'ils ne savent pas ce qu'il signifie ce jour férié, c'est quand même drôle.
02:59Il y a des gens en France pour qui le 11 novembre, ça signifie une journée où on est payé sans travailler,
03:04et ce n'est pas une journée où on rend hommage à des morts.
03:07La Première Guerre Mondiale, ça a été le suicide de l'Europe.
03:10Ce n'est pas seulement des morts, c'est un événement qui a une portée métaphysique.
03:14Nous sommes aujourd'hui dans une conjoncture où l'Europe, en tant que bloc politique,
03:19en tant que continent, en tant que civilisation, mais surtout en tant qu'idée, en tant que concept, est aujourd'hui menacée.
03:25Et aujourd'hui menacée par une sorte de nihilisme intérieur,
03:28et aujourd'hui menacée par le déclin des Etats-Unis,
03:30et aujourd'hui menacée par des empires qui entendent la faire couler, la faire diminuer,
03:35lui faire perdre de son aura, et ne pas être capable, si vous voulez, d'avoir la gravité,
03:40d'avoir le regard lucide sur ce qu'a été notre passé,
03:43c'est le symptôme d'une dégradation très très profonde,
03:46non seulement du débat public, ça c'est le niveau de la démocratie représentative,
03:51mais des consciences collectives, et c'est très inquiétant.
03:54C'est très particulier, parce que le passé fait, et c'est valable pour chacun d'entre nous,
03:58notre passé fait de nous ce que nous sommes, c'est valable pour la France aussi,
04:02c'est-à-dire que si on ne connaît pas le passé de notre histoire commune,
04:06c'est ça qui est tragique.
04:08C'est vrai que ça a été une guerre fratricide, terrible,
04:12parce que des gens de cultures en plus très proches,
04:16on se souvient du film Joyeux Noël,
04:18où on voyait les Allemands et les Français qui fêtaient Noël chacun.
04:22Ils sont dans les tranchées.
04:23Exactement, donc ça a été quelque chose d'absolument tragique,
04:27il n'y a pas une famille française qui n'était épargnée de près ou de loin,
04:31donc c'est quand même fou de voir que, de fait,
04:35ça a été oublié si vite, parce que c'est pas si loin,
04:39il y a des monuments aux morts dans chaque village.
04:41Moi je suis terrifiée de voir, quand vous les regardez,
04:44il y a des noms de familles qui reviennent 4-5 fois,
04:46il y a la famille Ruelan à Saint-Malo,
04:48c'est une famille, il y a eu 10 enfants mobilisés,
04:51il y en a 6 qui sont morts.
04:52Moi je regrette que le cinéma français ne se saisisse pas de ces familles...
04:58Qui ont été décimées.
05:00Qui ont été décimées, je suis persuadée que le cinéma américain
05:02serait capable de le faire pour son propre pays,
05:05ils l'ont fait moult fois pour une autre guerre par exemple,
05:09il faut sauver le soldat Ryan,
05:11nous nous sommes incapables de garder cette mémoire.
05:14Je trouve terrifiant, et je suis comme Nathan,
05:16c'est comme la moindre des choses,
05:17on a un jour férié de se demander,
05:18tiens, c'est bizarre, pourquoi ne travaillons-nous pas ?
05:22En effet, la question de la comparaison
05:25entre la Première et la Seconde Guerre mondiale est intéressante,
05:27parce que dans la mémoire collective,
05:28on parle beaucoup de la Seconde Guerre mondiale,
05:29et on a raison,
05:30parce que c'est toute une image du mal qui est véhiculée,
05:32le mal de l'idéologie, le mal de Hitler,
05:35le mal de Mussolini, le mal d'une volonté,
05:38Excusez-moi Nathan,
05:39mais je pense que vous n'allez pas me contredire,
05:40quand on voit la montée de l'antisémitisme débridé aujourd'hui,
05:43pardon,
05:44mais je pense que les cours d'histoire de la Seconde Guerre mondiale,
05:46ce serait peut-être bien d'aller y refaire un tour.
05:48Bien sûr.
05:49Parce que si on oublie la Première Guerre mondiale,
05:51est-ce qu'un jour on ne va pas oublier la Shoah ?
05:52Vous avez raison,
05:53mais justement, j'ajouterais une chose,
05:54c'est qu'on ne parle pas assez de la signification,
05:57je reviens là-dessus,
05:58métaphysique de la Première Guerre mondiale,
06:00c'est une toute autre image du mal,
06:01ce n'est pas le mal avec des méchants
06:02qui ont des idéologies funestes,
06:04c'est le mal de faire en sorte que des millions de gens
06:07se fassent trouver la peau pour rien,
06:09alors que c'était des peuples frères,
06:10des peuples qui avaient la même culture,
06:12des peuples qui parlaient la même langue,
06:13des peuples qui priaient le même Dieu,
06:14qui se fassent trouver la peau pour rien.
06:16Et quand une civilisation,
06:18si elle n'est pas capable de se souvenir
06:20de ce que veut dire la Première Guerre mondiale,
06:21le fameux Moon Paul Valéry qui disait
06:23« nous autres civilisations savons désormais que nous sommes mortels »,
06:25si on n'est pas capable de savoir ça,
06:27ça veut dire qu'on est peut-être capable,
06:28demain,
06:29de redevenir des meutes qui se massacrent,
06:31qui se détruisent,
06:33ou qui tombent dans une sorte de barbarie,
06:34sans aucune raison,
06:36sans aucun motif.
06:36C'est pour ça que ce n'est vraiment pas drôle du tout.
06:38Non, mais vous avez raison.
06:39Merci beaucoup, en tout cas,
06:40c'était passionnant.
06:4220h58 sur Europe 1.
06:44Merci beaucoup Gabriel Cluzel, Nathan Devers,
06:48d'avoir été dans ce studio.