Mercredi 18 décembre 2024, SMART PATRIMOINE reçoit Guy Marty (président-fondateur, Pierrepapier.fr)
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00:00Quel impact du politique, de la décision politique sur le logement ?
00:07Voilà une question qu'on se pose en fin d'année 2024 dans les Clés de Limo.
00:12Et pour cela, nous avons le plaisir de recevoir sur le plateau de Smart Patrimoine Guy Marti.
00:15Bonjour Guy Marti.
00:16Bonjour Nicolas.
00:17Merci d'être avec nous aujourd'hui dans Smart Patrimoine.
00:19Je rappelle que vous êtes fondateur de PierrePapier.fr.
00:22Alors ce qui est sûr et ce qu'on voit et ce qu'on constate année après année,
00:25c'est que les Français aiment la pierre,
00:27mais regardent peut-être les décisions politiques récentes
00:30avec un petit peu plus d'inquiétude vis-à-vis de leurs futurs investissements immobiliers.
00:35On peut peut-être revenir un petit peu sur cet impact direct ou indirect
00:38que peut avoir le politique sur le logement.
00:41Tout à fait. Et alors vous avez commencé en disant que les Français aiment la pierre.
00:45Alors je voudrais préciser un peu que c'est vrai historiquement,
00:49mais historiquement c'était les grands du royaume
00:52ou les grands qui aimaient les châteaux, les belles demeures, etc.
00:56Là on remonte effectivement au Moyen-Âge par exemple.
00:59Oui, mais le peuple, il n'y avait pas d'immobilier.
01:02Au XIXe siècle, c'était le 1% des très très riches
01:07qui aimaient les beaux immeubles, notamment dans Paris, dans Lyon, Marseille, etc.
01:12Et c'est seulement au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale,
01:15c'est-à-dire avec le démarrage des trains glorieuses,
01:17que les Français ont joué à l'immobilier et se sont mis à adorer la pierre.
01:22Donc ce Français aime la pierre, c'est vrai, c'est profond,
01:25mais ce n'est pas si vieux que ça.
01:27Justement si on regarde avec cette expertise que vous avez
01:30qui mêle histoire et économie vis-à-vis de l'immobilier,
01:34l'impact du politique sur le logement, alors on connaît l'histoire récente,
01:38cette volonté de revenir sur la fiscalité,
01:40ces questionnements qu'il peut y avoir ou ce rapport de force
01:44qu'il peut y avoir entre professionnels de l'immobilier et politiques
01:47sur le nombre de logements à construire par an par exemple.
01:49Quelle analyse vous en faites à fin d'année 2024 ?
01:53Je pense qu'à fin 2024, on est comme à fin 2023,
01:55on est comme à fin 2011, on est comme à fin 99,
01:58on est dans le court terme.
02:00Et un peu de court terme plus un peu de court terme,
02:02ça ne fait jamais du bon long terme.
02:04En réalité, la politique par rapport à l'immobilier, c'est deux choses.
02:08C'est d'abord la vision de la ville, du logement,
02:12qu'est-ce qu'on veut comme mode immobilier pour la société.
02:19La deuxième chose, c'est la fiscalité.
02:21La première chose, c'est l'urbanisme, c'est ça ?
02:22Exactement, c'est l'urbanisme.
02:24Et le problème, c'est que pour l'urbanisme, il faut une vision.
02:28Vous voyez, par exemple, quand Napoléon III a appelé le Baron Haussmann
02:32pour refaire Paris qui était totalement vétuste,
02:35encombrée, sale, insalubre, etc.,
02:38il y a eu une grande vision.
02:41Et finalement, les travaux ont duré presque un demi-siècle.
02:45Bien au-delà d'ailleurs de Napoléon III et du Baron Haussmann.
02:49Or, aujourd'hui, on peut dire aussi qu'à partir des années 50-60,
02:54il y a eu une vision.
02:56Il y a eu une vision sur les villes nouvelles,
02:58il y a eu beaucoup sur la défense, sur certaines agglomérations.
03:03Aujourd'hui, est-ce qu'il y a une vision ?
03:05Est-ce qu'il y a besoin d'une vision aujourd'hui ?
03:07Il faudrait, parce qu'on est dans une société qui change.
03:10Ne serait-ce que le télétravail montre bien
03:13qu'il y a un problème dans la distance bureau,
03:16enfin, endroit où on travaille domicile.
03:19On voit bien, par exemple, puisqu'on parle parfois de crise du bureau,
03:22il n'y a pas de problème des bureaux aux endroits
03:25où les gens sont assez proches de leur bureau,
03:27où ils arrivent assez facilement.
03:29C'est dans les grandes agglomérations,
03:31où il y a trop de temps de déplacement,
03:34que finalement, les gens préfèrent ne pas venir au bureau, etc.
03:37Donc, si vous voulez, il y a une conception de la ville.
03:40Et ce qui est intéressant, il y avait eu, par exemple, en 2015,
03:44une énorme étude de l'OCDE,
03:46je dis énorme parce qu'elle avait mis plusieurs années à être faite,
03:49de l'OCDE, qui parlait de la civilisation des villes.
03:54Et en fait, ils avaient étudié 500 grandes villes dans le monde.
03:57Et ils avaient constaté que, un, la croissance, la prospérité,
04:03c'était les métropoles, c'était les villes.
04:05Deux, les villes qui réussissaient,
04:08étaient des villes qui avaient une sorte de globalité,
04:12c'est-à-dire, un, un véritable soin pour la proximité travail-domicile,
04:20et deux, un véritable soin pour l'organisation du lien social,
04:25malgré la quantité dans la ville.
04:27Et donc, il faut une vision.
04:29Or, quand on a un ministre du Logement tous les deux ans,
04:32elle est où, la vision ?
04:33Et alors, justement, en tant que particulier, investisseur ou non,
04:37est-ce que regarder l'immobilier uniquement sous l'angle de la fiscalité,
04:39c'est se tromper ?
04:41Alors, la fiscalité, là on rentre sur un autre chapitre.
04:44D'accord, oui.
04:45Là aussi, je vais me permettre de prendre un peu d'envol, si vous permettez.
04:47Bien sûr.
04:48La fiscalité, c'est le poison des civilisations.
04:52Je préfère le dire comme ça, c'est-à-dire que, dans l'histoire...
04:55Oui, on est très déformé intellectuellement,
04:58parce que les historiens qui nous ont appris plein de choses sur notre passé
05:02n'étaient pas économistes, n'étaient pas fiscalistes,
05:05donc ils n'ont pas vu ce qui s'est passé de ce point de vue-là.
05:08Alors, il y a très peu d'économistes qui sont historiens.
05:11Il y a eu une exception, c'est un historien, Fernand Braudel,
05:15qui a vraiment parlé d'économie.
05:16D'accord.
05:17On a une exception très récente, c'est Jean-Marc Daniel,
05:20qui est un économiste qui parle histoire.
05:21Mais c'est très rare.
05:22Or, il faut savoir que si on s'occupe de fiscalité,
05:25la fiscalité a été l'une des causes des chutes des sociétés.
05:31Il est très, très, très difficile pour un pays de corriger sa fiscalité.
05:36D'accord.
05:37Parce qu'il faudrait presque un coup d'État, si vous voulez.
05:39Je vous donne un exemple.
05:41On parle de 1917, révolution russe, etc.
05:45Mais il faut savoir que de 1905 à 1917,
05:48le Tsar n'a jamais réussi à réformer la fiscalité.
05:52Et la Russie s'enfonçait dans des problèmes terribles.
05:54Alors, je ne dis pas que c'est la cause, mais c'est l'une des causes.
05:57Je vais même prendre un exemple très lointain et amusant,
05:59enfin amusant, anecdotique, les incas.
06:01Oui.
06:02Il faut savoir que quand Cortès est arrivé chez les incas…
06:05Il est espagnol, donc.
06:06Oui.
06:07Il a d'abord été complètement battu.
06:09Et les incas étaient tellement sûrs de l'avoir battu qu'ils l'ont laissé sur la plage, avec quelques hommes.
06:14Le problème, c'est que, du coup, ils l'ont laissé se promener.
06:17Cortès a découvert que dans les villages où il allait, etc.,
06:21il y avait un mécontentement fiscal extraordinaire.
06:23Il a utilisé ce mécontentement fiscal pour, cette fois-ci,
06:27abattre pour de bon les incas.
06:28C'est-à-dire que la seule exception, le seul contre-exemple,
06:31mais il faut s'en souvenir, le seul contre-exemple…
06:34Rapidement, avant de revenir sur l'immobilier, parce qu'il nous reste peu de temps.
06:37Le seul contre-exemple d'une réforme de la fiscalité, c'est la pierre de Rosette.
06:41Vous savez, l'Égypte était ruinée.
06:43Et à cette époque-là, bon, 200 ans Jésus-Christ,
06:45quand un pays va mal, il est vite conquis.
06:48Et donc, ils ont fait une réforme extraordinaire, amnistie fiscale complète.
06:53On donne aux pharaons un budget et on exonère les temps.
06:56Et c'est pour ça qu'on a la pierre de Rosette.
06:58Mais ce que je veux dire, c'est que là…
06:59C'est ce qu'il faut pour l'immobilier aujourd'hui ?
07:00Pour transformer la fiscalité, c'est très difficile.
07:02D'accord.
07:03C'est un courage politique qui dit « Ok, on arrête d'épaissir le code de la fiscalité et on a une vision.
07:10Pourquoi, par exemple, aujourd'hui, la fiscalité immobilière est-elle différente de la fiscalité financière ? »
07:15Si on réfléchissait à aujourd'hui, juste aujourd'hui, on arrive aujourd'hui, on veut créer une fiscalité.
07:21On ne fera pas de différence entre l'immobilier et la finance.
07:24Parce que l'immobilier est un investissement aujourd'hui alors que ça n'a pas toujours été le cas, par exemple ?
07:27C'est ce qu'il faut comprendre ?
07:28Autrefois, on ne vendait pas l'immobilier, par exemple.
07:31Autrefois, il n'y avait quasiment pas d'immobilier de placement.
07:36Aujourd'hui, l'immobilier, il est dans l'épargne de tous les ménages.
07:39Ce que je veux dire, c'est que la seule façon de s'en sortir, ce serait non pas de toucher au LMMP ou un petit truc comme ça,
07:46c'est de dire « Ok, quelle serait une fiscalité adaptée à la société aujourd'hui telle qu'elle fonctionne ?
07:53Avec l'immobilier tel qu'il fonctionne, avec les placements tels qu'ils fonctionnent ? »
07:56Ça nécessiterait beaucoup de courage et de sortir du court terme.
08:00Et on revient à l'idée de vision que vous avez mentionnée au départ.
08:03Merci beaucoup Guy Marti de nous avoir parlé d'histoire, de fiscalité, d'urbanisme, tout ça,
08:08pour montrer qu'il faut peut-être regarder de manière un petit peu plus haute ou un petit peu plus lointaine ce sujet du logement et de l'immobilier.
08:16Guy Marti, je vous rappelle que vous êtes fondateur de PierrePapier.fr.
08:18Merci beaucoup.
08:19Merci Nicolas.
08:20Quant à nous, on se retrouve tout de suite dans Enjeu Patrimoine.