Mercredi 18 septembre 2024, SMART PATRIMOINE reçoit Pierre Sabatier (économiste prospectiviste, président, PrimeView) et Ludovic Huzieux (Cofondateur, Artémis Courtage)
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00:00Et c'est parti pour enjeu patrimoine, donc comme je le disais en introduction, la semaine dernière, la BCE jeudi a baissé son taux de la facilité de dépôt pour la seconde fois, passant ainsi de 3,75% à 3,50%.
00:19On va essayer de voir ensemble quel impact cette baisse de taux a sur le crédit immobilier avec Ludovic Usieux, cofondateur d'Artemis Courtage.
00:29Bonjour Ludovic.
00:30Bonjour Pauline.
00:31Et avec Pierre Sabatier qui nous accompagne en duplex, économiste, prospectiviste et président de Primeview et président de l'OREB. Bonjour Pierre.
00:39Bonjour Pauline.
00:40Alors Ludovic, pour commencer, est-ce que cette décision de baisse des taux de la BCE est accueillie favorablement pour le marché du crédit ?
00:48Elle est accueillie très favorablement pour le marché du crédit.
00:51Elle avait même été un peu anticipée par les banques commerciales qui nous avaient transmis un peu avant, dès le début du mois de septembre, des barèmes qui étaient orientés à la baisse.
01:01Ce qu'on peut dire c'est qu'après cette première baisse, un peu avant l'été, le marché se tenait déjà bien mieux.
01:09On a traversé deux années qui étaient compliquées sur le marché du crédit immobilier.
01:14Ça va mieux sur les volumes, ça va surtout mieux sur l'offre.
01:17C'est-à-dire que l'intégralité des banques commerciales est revenue autour de la table et qu'elles prêtent à nouveau à peu près à tous les profils.
01:25C'est une bonne nouvelle parce qu'on avait vécu deux années compliquées, notamment pour les primo-accédants et les investisseurs.
01:32Et qu'au moment où on se parle, on a vécu d'abord un meilleur été et que la reprise est elle aussi dynamique.
01:40Les autres années, l'année redémarre à peu près à la mi-septembre.
01:45Là, il n'y a pas vraiment eu de pause estivale et le mois d'août a été dynamique et la rentrée l'est tout autant.
01:50Donc vous dites que sur tous les types de profils, les banques vont recommencer à prêter.
01:55Ça veut dire que même par exemple pour des primo-accédants, les banques vont rouvrir les vannes du crédit ?
02:01Sans surprise, c'est la catégorie d'emprunteurs qui avait le plus souffert.
02:05Les barrières d'accès au crédit étaient les plus élevées pour ces primo-accédants parce qu'on a toujours un taux d'endettement un peu haut,
02:12on n'a pas beaucoup d'apports, on a des revenus qui sont des revenus en général de début de carrière.
02:16Donc ce n'est pas les profils les plus adéquats ou les plus opportuns pour les banques quand il y a des barrières à l'accès au crédit,
02:23ce qui était le cas pendant un long moment.
02:26On était passé, nous on avait perdu quasiment à l'intérieur de notre dispatch d'emprunteurs chez Artemis Courtage,
02:31on avait quasiment perdu un tiers de primo-accédants sur le financement de résidence principale,
02:35ce qui est énorme sur trois années, en repartant de l'année du Covid.
02:41Et ils sont de retour parce que les banques sont de retour et qu'elles reprêtent beaucoup plus facilement.
02:46Pendant un an et demi, on avait des régions dans lesquelles on avait une ou deux banques
02:51qui étaient prêtes à ouvrir les vannes du crédit pour tous les profils,
02:55et encore un peu moins parfois pour les primo-accédants.
02:58Aujourd'hui, la bonne nouvelle, c'est qu'elles sont toutes, vraiment sans exception,
03:01toutes autour de la table et qu'on peut envoyer un dossier de crédit à toutes les banques,
03:04qu'elles soient nationales, mutualistes, régionales,
03:06pour un dossier de primo-accession ou pour tout autre dossier et c'est une très bonne nouvelle.
03:11Est-ce que les banques rouvrent les vannes,
03:15mais est-ce que leurs conditions d'accès au crédit vont se détendre, je pense par exemple à un apport,
03:20quand on est primo-accédant, est-ce que le pourcentage d'apport pour acheter son bien immobilier
03:26va être un peu plus faible que ce qu'elle demandait pendant les taux hauts ?
03:30Il y a des réflexes ou des pratiques qui sont nées avec cette période
03:39et pour le coup, on n'est pas encore revenu dessus,
03:41c'est-à-dire que l'apport demandé est toujours, entre guillemets, conséquent.
03:45Il faut au minimum constituer 10% d'apport sur le total de l'opération.
03:49Et les banques prêtent à concurrence au plus haut, sauf exception, de la valeur du bien que vous visez,
03:55c'est-à-dire le montant d'achat de votre maison ou de votre appartement.
03:58Si c'est 200 000 euros, elles vont pouvoir prêter jusqu'à 200 000 euros.
04:01Il faudra quand même avoir l'intégralité des frais en apport,
04:04ce qui n'est pas toujours une mince affaire, notamment pour cette catégorie de primo-accédant.
04:07Et est-ce que, par exemple, sur les durées de crédit, la baisse des taux de la BCE va changer quelque chose pour les acquéreurs ?
04:13C'est un tout petit peu tôt pour en tirer des conclusions, en tout cas des grandes conclusions.
04:18Ce qui est réel, c'est qu'aujourd'hui, on a en moyenne observatoire crédit logement un peu au-delà de 20 ans,
04:24dans le groupe Artemis Courtage un peu au-delà de 22 ans, en durée moyenne d'emprunt de crédit.
04:28Donc on est vraiment sur le plus haut historique.
04:31C'est des durées qu'on n'a jamais observées.
04:34Peut-être effectivement qu'avec un petit peu plus de respiration sur les taux de crédit qui continuent à baisser
04:41et les prix du mètre carré qui stagnent ou qui baissent selon les régions,
04:44peut-être qu'on va observer effectivement une baisse des durées de crédit.
04:48Pour le moment, ce n'est pas le cas.
04:50Et je pense qu'il faudra quelques mois, voire quelques trimestres avant de pouvoir l'observer et d'en tirer des analyses profondes.
04:56Pierre Sabatier, je vous propose de revenir un petit peu sur le contexte plus globalement économique.
05:03Quel sera, selon vous, même si vous n'avez pas de boule de cristal,
05:07l'impact réel d'une baisse des taux de 25 points de base de la BCE sur le marché du crédit immobilier ?
05:16Le marché du crédit ne parie pas sur une baisse de 25 points de base.
05:20Si elle s'arrêtait là, ce serait presque l'épaisseur du trait.
05:23On aurait connu un rebond comme Ludovic vient de l'évoquer,
05:26un rebond légitime d'ailleurs, j'y reviendrai sur les raisons de ce rebond cet été,
05:30mais il s'arrêterait relativement rapidement si on s'arrêtait là.
05:33Pour que le marché véritablement reprenne de l'élan, il va falloir qu'on soit sur une tendance baissière des taux directeurs.
05:40Rassurez-vous, historiquement parlant, il n'y a aucune banque centrale qui baisse ses taux directeurs d'un coup de 1,5 ou 2 %.
05:49La question fondamentale, c'est la trajectoire.
05:51C'est quel est l'objectif donné par la BCE en termes de taux directeurs à horizon, on va dire un an.
05:58Et c'est là véritablement qu'il peut y avoir débat.
06:01Nous, on est assez confiants quant au fait que la BCE ne pourra pas faire autre chose que baisser ses taux directeurs à des niveaux
06:07qui n'étaient même pas envisagés par la place il y a encore quelques mois.
06:11On ne serait pas surpris d'avoir des niveaux entre 2 et 2,5 % de taux directeurs d'ici l'été prochain.
06:17C'est quand même substantiellement plus bas que ce à quoi on était habitués au cours des derniers mois.
06:23C'est cette tendance-là à la baisse structurelle des taux directeurs d'abord et donc des taux hypothécaires ensuite
06:30qui peut être susceptible de maintenir le retour à la normale, j'ai presque envie de dire, du marché du crédit, donc du marché de l'immobilier.
06:39Pour une raison toute simple, je le rappelle.
06:41Et c'est pour ça que pour le coup, sans boule de cristal, il y a un élément qui est relativement simple
06:46qui vous permet d'appréhender comment va fonctionner le marché de l'immobilier.
06:49Le marché de l'immobilier, Ludovic l'a évoqué, au max 10 % d'apports, le reste c'est du crédit.
06:54Donc vous comprenez bien que chaque % de plus en termes de taux de crédit qui va être imputé à l'emprunteur
07:02va ponctionner sa capacité d'emprunte.
07:05Et je vais vous donner un chiffre pour comprendre de là d'où on vient et du coup avoir une idée de là où on va.
07:09Lorsque les taux sont à 1 %, ils passent à 4 %.
07:12Et 3 % d'augmentation en fait des taux d'intérêt, des taux hypothécaires,
07:16si vous prenez par exemple, vous avez une mensualité de 1 000 € par mois pendant 20 ans,
07:21et bien le simple fait de passer de 1 % à 4 %, lorsque vous allez poser la question à la banque
07:26de quoi je peux bénéficier en termes de capacité d'emprunt, en termes de volume d'argent pour acheter mon billet immobilier,
07:32et bien il vous répond entre 25 et 30 % en deçà de ce qui était en fait le cas lorsque les taux étaient à 1 %.
07:39Donc vous comprenez bien que la claque reçue à la fois par le marché du crédit et le marché de l'immobilier,
07:43elle est automatique.
07:44C'est un dommage collatéral associé à la politique monétaire
07:47qui était implémentée par la Banque Centrale Européenne pendant 2 ans.
07:50Donc qui a fait passer les taux grosso modo de 0, les taux directeurs, à quasi 4 %,
07:55et les taux hypothécaires de 1 on va dire jusqu'à 4, 4,5.
07:58Alors aujourd'hui on est revenu en fait à des noms qui sont plus raisonnables,
08:01et c'est logique de voir en fait le marché des crédits et d'immobilier rebondir.
08:04Tout simplement encore une fois, le marché de l'immobilier c'est un proxy de la politique monétaire.
08:09C'est la banque qui fixe, c'est l'accessibilité du crédit et du volume d'argent que la banque vous met à disposition
08:15qui fait le marché de l'immobilier.
08:16Si les taux baissent de 1 %, vous avez compris que le même raisonnement fonctionne.
08:19Vous avez 8 % de capacité d'emprunt en plus.
08:22Ça veut dire quoi ? Ça veut dire que vous allez voir votre banquier, vous avez envie d'acheter.
08:25Et ça c'est l'élément central.
08:27Il n'y a jamais eu en fait d'effacement du désir d'acheter des Français en ce qui concerne l'immobilier,
08:31y compris au cours des dernières années.
08:32Ce n'était pas une question de désir si le marché a ralenti, c'était une question de survivabilité.
08:37Et bien lorsque les taux baissent de 1 %, le ménage peut bénéficier à conditions constantes
08:41de 8 % de plus en termes de volume d'argent.
08:43Donc naturellement, ça vient recevabiliser ce qu'il n'était pas
08:46et ça va en fait progressivement aussi se diffuser au reste du marché.
08:50Donc on peut voir tout à fait, si la tendance est effectivement baissière en termes de taux directeur,
08:54se prolonger, on va voir un marché immobilier, tout comme il était un dommage collatéral,
08:58c'est-à-dire un indicateur avancé de l'évolution de la conjoncture européenne
09:02au cours des deux dernières années, il le sera aussi en phase de retour.
09:05Et donc on peut tout à fait observer dès le premier semestre 2025, on va dire,
09:10s'il est au directeur continu de baisser, un marché qui sera bien plus puissant
09:14que ce qu'aujourd'hui d'ailleurs les gens anticipent.
09:17Comme d'habitude, le modèle de prévision plus partagé, c'est la prolongation
09:20de ce qu'on vient de connaître.
09:21Donc les gens étaient d'ailleurs relativement timides quant à l'anticipation de la baisse
09:25et des difficultés qu'elle a rencontrées ce marché au cours des deux dernières années.
09:28Et bien nous trouvons en fait les gens un peu timides quant à, en gros,
09:31le retour en forme de ce secteur-là à raison de l'année prochaine.
09:35C'est automatique, si les taux continuent de baisser, ce marché-là va rebondir.
09:39Oui, c'est ça en fait, la vraie question, c'est plutôt le cycle des baisses de taux.
09:45Comment le marché pourrait s'adapter si la BCE baisse, comme vous le disiez tout à l'heure,
09:52de, on va dire, 100 à 150 points de base sur plusieurs réunions, sur plusieurs mois ou trimestres ?
09:58Et bien comme elles l'ont fait, à savoir qu'elles vont anticiper,
10:01Ludovic évoquait le fait qu'il a reçu des offres en anticipation finalement
10:04de la baisse des taux qui allait venir relativement tôt.
10:07Vous savez que c'est un marché assez concurrentiel.
10:09Les banques, s'ils sont toutes remises, elles en ont besoin.
10:12Ce qu'il faut avoir en tête qu'avec la baisse des taux directeurs,
10:14en fait, c'est des choses qui sont liées.
10:17La hausse des taux directeurs a bénéficié finalement au compte de résultat des banques
10:21parce qu'elles ont eu ce qu'on appelle du monétaire.
10:24En gros, la rémunération de leur compte à terme et du monétaire, en fait,
10:27a été intéressante pour elles.
10:30Aujourd'hui, avec la baisse des taux directeurs,
10:32ces produits-là vont être de moins en moins attractifs.
10:35Donc, il va falloir trouver des relais de croissance.
10:37Les banques vont forcément faire preuve de comportement concurrentiel
10:43vis-à-vis du marché du crédit parce qu'elles vont en avoir besoin.
10:46Là, je parle de l'entreprise banque en tant que telle.
10:49Comme relais de croissance, on peut tout à fait envisager le fait
10:54que les banques se tirent un peu la bourre pour essayer d'attirer le chaland
10:58dans un marché de l'immobilier qui redevient plus sain.
11:01Là, on parle de l'immobilier ancien, de l'immobilier de transaction.
11:04L'immobilier neuf, c'est un sujet tout à fait particulier,
11:07à part qu'il faudrait traiter dans une émission,
11:09à part parce que c'est un sujet assez complexe.
11:11Là, pour le coup, on est sur un marché dans le neuf
11:13plus compliqué à appréhender, qui a plus souffert que l'ancien
11:17et qui continuera de souffrir plus longtemps que l'ancien,
11:20mais c'est vraiment un sujet particulièrement complexe.
11:22Juste un élément pour avoir une idée, simplement,
11:25parce que tout à l'heure, je vous ai un peu balancé
11:27un objectif de taux directeur à l'été prochain.
11:30Si on vous dit que les taux ne peuvent faire que baisser,
11:32c'est pour une raison toute simple.
11:33N'oublions pas les raisons qui ont fait augmenter
11:35les taux directeurs à nos banques centrales, c'était l'inflation.
11:37Aujourd'hui, la France, l'Europe, bénéficient en fait
11:40d'un régime d'inflation revenu dans le rang.
11:42Revenu dans le rang.
11:43Tout le monde disait qu'on allait atterrir
11:45à des niveaux d'inflation structurale qui seraient plus élevés
11:47que par le passé, entre 3 et 5 %, que nenni.
11:49Aujourd'hui, on est revenu à 2, voire en dessous de 2,
11:51en fonction des pays qu'on considère.
11:53À partir du moment où l'inflation rentre dans le rang,
11:55il n'y a strictement aucune raison pour que la Banque Centrale Européenne
11:59fixe des taux d'intérêt très élevés ou beaucoup plus élevés
12:02que notre niveau de croissance potentiel
12:04qui est relativement faible en Europe.
12:06Soyez rassurés sur ce plan.
12:08On ira plus ou moins vite vers ces objectifs-là,
12:10mais on ne peut pas maintenir des taux d'intérêt aussi élevés
12:13dans un moment où la croissance est si faible
12:16et l'inflation redevenue faible.
12:18Pierre Sabatier l'évoquait en plateau il y a quelques instants.
12:23Très rapidement, Ludovic Usieux,
12:25est-ce que vous pensez que l'immobilier ancien, c'est une chose,
12:29l'immobilier neuf, c'en est une autre ?
12:31Est-ce qu'il y a des catégories d'immobilier
12:33qui sont plus sensibles à cette baisse des taux ?
12:35Je pense par exemple à l'immobilier de bureau.
12:40Très sincèrement, ce qu'on vise nous,
12:43c'est plutôt le financement de résidences principales.
12:46Oui, bien sûr.
12:47Et c'est ce qui est renforcé de ces 18 ou 24 mois de crise,
12:53c'est que globalement, aujourd'hui,
12:56on a quasiment 90% en finances de l'immobilier de résidence principale.
13:02Les objectifs de taux sont sur le crédit IMO.
13:05Je pense qu'on va repasser symboliquement sous la barre des 3% sur 20 ans,
13:09ce qu'on n'a pas vu depuis un petit moment, maintenant plus d'une année.
13:12Ça va aussi potentiellement rouvrir une fenêtre de renégociation
13:16pour tout un tas d'emprunteurs qui ont emprunté au plus haut,
13:20aux alentours de 4,5%.
13:22Donc il va y avoir probablement une fenêtre de renégociation
13:24et même peut-être une fenêtre de rachat
13:26pour quelques centaines de milliers d'emprunteurs
13:29qui ont emprunté, eux, à pas très bon compte,
13:32il y a une petite année maintenant,
13:34et qui auront probablement une fenêtre plus sympa,
13:36plus opportune dans les mois à venir.
13:38Merci beaucoup, Ludovic Uzieux.
13:40Vous êtes cofondateur d'Artemis Courtage.
13:43Et merci, Pierre Sabatier, économiste prospectiviste,
13:46président de Primeview et président de l'OREP.
13:48Merci beaucoup à tous les deux.
13:50Quant à nous, on se retrouve tout de suite dans l'œil de l'expert.