Parlons Vrai chez Bourdin avec Luc Viehé, porte-parole du SPELC, syndicat du privé représentant plus d’un tiers des enseignants et Gilles-Marie Valet, pédopsychiatre.
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NewsTranscription
00:00 - Bien, partons pour Saint-Jean-de-Luz.
00:02 Cet après-midi, 15h, une minute de silence sera observée dans tous les établissements scolaires,
00:09 établissements scolaires, collèges, lycées qui ne sont pas en vacances,
00:13 à la mémoire de l'enseignante qui a été tuée hier par l'un de ses élèves.
00:19 Elle avait 53 ans, Agnès Lassalle.
00:22 Je suis avec Luc Veillet, qui est porte-parole du syndicat du privé,
00:27 représentant plus d'un tiers des enseignants.
00:30 Bonjour. - Bonjour.
00:31 - Et merci d'être avec nous.
00:32 Nous allons revenir sur les faits.
00:33 La classe se déroulait hier matin.
00:37 Agnès Lassalle était prof d'espagnol.
00:40 Tout se déroulait correctement.
00:42 Un élève assis au premier rang...
00:44 Vous m'arrêtez si je dis des bêtises.
00:46 - C'est les informations dont je dispose.
00:48 - Alors, un élève assis au premier rang se lève calmement, plein cours.
00:52 Il se lève calmement, il fouille dans son sac.
00:56 Il sort un couteau, longue lame...
01:00 - 10 centimètres.
01:01 - 10 centimètres, et il s'approche de son enseignante.
01:05 Et immédiatement...
01:06 D'abord, il ferme la porte, c'est cela.
01:08 Il ferme la porte de la classe.
01:10 - A clé.
01:11 - Calmement, à clé.
01:12 - Sereinement.
01:13 - Sereinement.
01:14 Il s'approche de son enseignante et il la poignarde.
01:17 - C'est exactement la version des faits dont nous disposons par nos délégués locaux,
01:22 absolument.
01:23 - Par vos délégués locaux.
01:24 - Elle est touchée au thorax et elle décède quelques minutes après avoir été poignardée
01:29 par cet élève.
01:30 - Voilà.
01:31 Un collègue a tenté de la ranimer d'ailleurs, il a fait un massage cardiaque en vain, et
01:36 ça n'a pas...
01:37 Effectivement, ça n'a pas fonctionné.
01:38 La blessure était létale dès le début.
01:40 - Bien.
01:41 Personne à peine n'a crié dans la classe, parce que c'était tellement subi.
01:46 - Absolument.
01:47 - Cet élève a déverrouillé la porte.
01:50 Il est sorti.
01:51 Que s'est-il passé ensuite ?
01:53 - Il est allé dans la classe à côté, la salle de classe à côté.
01:57 Il a rencontré le professeur en collègue.
02:01 Alors, je ne peux pas vous dire la discipline qu'il enseigne, mais il a rencontré un autre
02:04 professeur qui a réussi à engager le dialogue avec ce jeune, a réussi à lui prendre ce
02:10 couteau et pendant ce temps, les gens ont averti, bien entendu, les secours et la police
02:15 qui sont intervenus très rapidement.
02:17 Malheureusement, trop tard.
02:19 - Malheureusement, trop tard.
02:21 Il dit, il est en garde à vue, évidemment, il a 16 ans.
02:26 Apparemment, d'après ce que l'on sait, bon élève, calme, intelligent.
02:31 C'est bien cela ?
02:32 - Sans problème, comme on dit d'habitude.
02:33 C'est un élève sans problème.
02:35 C'est-à-dire que rien auprès de ce jeune n'avait été détecté, rien ne laissait
02:40 présager une telle folie, on va le dire comme ça.
02:43 Un acte d'une telle barbarie, c'est quand même extrêmement violent, cet acte.
02:48 Il est manifestement prémédité, puisque le jeune avait emporté un couteau de chez
02:54 lui, il a fermé la porte de la salle de classe avant d'aller poignarder sa professeure.
02:58 - Oui.
02:59 Il avait obtenu, je crois, la mention très bien au brevet l'année dernière, donc c'est
03:03 un très bon élève, apparemment.
03:05 Dans un établissement, il était nouveau, dans l'établissement, c'est bien cela ?
03:08 - Il était, d'après mes informations, effectivement, il était nouveau dans cet établissement
03:13 qui est aussi un établissement réputé sans problème.
03:17 Je dis bien réputé, parce qu'un établissement où il n'y a jamais de problème, je suis
03:21 responsable syndical depuis 30 ans, je n'ai jamais vu d'établissement où il n'y a jamais
03:26 de problème.
03:27 Il y a toujours quelque chose.
03:28 - Et là, il n'y avait jamais de problème.
03:29 - Et c'est là...
03:30 - Saint-Thomas d'Aquin, cette école privée, cet établissement privé, tout fonctionnait
03:35 par...
03:36 C'est un établissement très réputé, je crois.
03:37 - C'est un établissement très réputé, de bonne qualité, comme on le dit, pareil,
03:42 je n'aime pas trop cette expression, mais bien fréquenté, c'est un établissement qu'on
03:45 qualifie de sans problème, effectivement.
03:48 - De sans problème.
03:49 Vous avez eu, évidemment, plusieurs enseignants qui travaillent dans cet établissement.
03:54 La réaction doit être au-delà de la stupéfaction.
03:59 - Oui, c'est ce que je me disais hier, c'est de l'émotion.
04:03 D'abord, la première réaction que nous avons, nos collègues enseignants, c'est l'assidération.
04:09 On se dit en soi-même, comment est-ce qu'un acte pareil est possible ? Je vais peut-être
04:16 être grossier, mais comment un jeune peut-il, d'un seul coup, péter les plombs au point
04:22 d'assassiner sa professeure ? On est sidéré, on ne sait pas comment réagir.
04:25 Après, effectivement, c'est la peine.
04:28 C'est la solidarité envers la famille de cette enseignante, c'est la solidarité envers
04:33 la communauté éducative de cet établissement, c'est la solidarité envers tous les élèves
04:38 de cette professeure.
04:39 Et bien entendu, l'esprit de corps prédomine et nous pensons très fort à cette personne
04:44 et à sa famille.
04:45 Et ce n'est qu'après que la colère commence à monter.
04:49 - Évidemment.
04:50 Alors je vais recevoir, nous allons recevoir ensemble, dans quelques minutes, Gilles Marivalet
04:55 qui est pédopsychiatre, qui va essayer d'expliquer ce délire, cette poussée, cette forte poussée
05:02 de délire chez cet adolescent qui donc a dit être possédé, avoir entendu des voix
05:09 qui l'auraient conduit à cet acte criminel.
05:13 Comment expliquer cela ? S'il y a une explication, je me méfie de toutes les récupérations,
05:21 vous aussi j'imagine, vous avez vu, de toutes les récupérations.
05:24 - C'est insupportable.
05:25 Je ne sais pas si c'est le lieu de le dire, mais je vais le dire quand même.
05:29 Le spectacle que donnent certains de nos hommes politiques est absolument lamentable.
05:35 Je n'arrive pas à m'expliquer comment on peut se prétendre politique responsable
05:40 et récupérer un événement dramatique comme cela.
05:43 Enfin, je suis profondément outré après le spectacle qu'ils ont donné pour la réforme
05:48 des retraites à l'Assemblée nationale et maintenant cette récupération, je trouve
05:53 ça insupportable.
05:54 Notre pays a besoin de calme, a besoin de sérénité.
05:56 Les communautés éducatives ont besoin de se sentir entourées, aidées, accompagnées.
06:02 Comme le ministre l'a fait hier, je trouve qu'il a posé un geste très intéressant
06:06 qui a été apprécié par la communauté éducative en général.
06:09 Je dis bien communauté éducative parce qu'il n'y a pas que des enseignants, il y a beaucoup
06:12 d'autres personnels dans nos établissements qui sont toutes aussi touchés par cette catastrophe.
06:18 C'est un drame absolu ce qui s'est passé.
06:19 - Je rappelle que vous êtes porte-parole du syndicat des enseignants du privé, l'un
06:27 des principaux syndicats, le principal même.
06:30 - Le deuxième.
06:31 - Vous représentez plus d'un tiers des enseignants du privé.
06:35 Parce qu'on a toujours l'idée dans la tête que le privé est à l'abri de ce genre d'événements,
06:45 mais pas plus que le public.
06:46 - Non, alors je tiens à m'inscrire en faux contre cette illusion.
06:49 Le privé déjà très rapidement, ce sont 8500 établissements en France, de la maternelle
06:54 au post-bac, ce sont 143 000 enseignants, ce sont 90 000 salariés de droit privé,
07:00 donc des personnels d'éducation, des personnels d'entretien, de comptabilité, secrétariat.
07:04 Donc déjà ce n'est pas petit, ce n'est pas rien.
07:09 2 millions de jeunes français fréquentent l'école privée.
07:14 L'enseignement privé sous contrat est à 96% de l'enseignement catholique.
07:19 - Là c'est un établissement enseignement catholique ?
07:23 - C'est un établissement catholique, oui, Jean-Baptiste de Lassalle, donc c'est une
07:27 personnalité catholique.
07:28 C'est une illusion de croire que, parce que, et ça c'est vrai, les CSP, donc le niveau
07:36 socio-économique des familles, est supérieur dans le privé, puisqu'il faut payer, puisque
07:40 l'État ne donne pas autant à un établissement privé sous contrat qu'à un établissement
07:45 public.
07:46 C'est une charge qui reste justement à la charge de l'établissement et il faut bien
07:50 que quelqu'un paye, ce sont les familles.
07:51 Donc effectivement, de facto, il y a une espèce de sélection.
07:54 - Ça ne met pas à l'abri ?
07:58 - Ça ne met pas à l'abri justement.
08:00 Un élève du privé est un élève comme un élève du public.
08:06 On a des pathologies, on a des élèves qui ont des problèmes psychologiques, psychiatriques,
08:12 des problèmes à la maison.
08:13 Je ne vais pas me lancer dans des statistiques, de toute façon je ne les connais pas et ça
08:17 ne veut en général rien dire.
08:18 Mais oui, il y a, je l'ai dit en début d'entretien, un établissement zéro problème, ça n'existe
08:24 pas.
08:25 On est dans la société.
08:26 L'école est un pan de notre société.
08:29 - Alors je suis allé voir un peu dans les années précédentes ce qui s'était passé
08:33 en juillet 2014, une astitutrice de 34 ans avait été poignardée par la mère d'un
08:39 élève, poignardée à mort.
08:40 Ça s'était passé dans une école d'Albi.
08:43 Et puis plus haut, encore dans le temps, en août 1996, un professeur d'anglais se
08:48 promenait à Dax pendant la feria.
08:51 51 ans, il avait été tué par l'un de ses élèves recalés au baccalauréat.
08:56 Nathalie, bonjour.
08:57 - Bonjour.
08:58 - Vous êtes professeur d'anglais dans un lycée, évidemment choqué par ce qui s'est
09:05 passé et la mort de votre collègue.
09:08 Vous en avez beaucoup parlé avec vos collègues ?
09:12 - Oui, oui, absolument, dès hier soir, par SMS ou par WhatsApp, oui, oui.
09:17 - Que vous disiez-vous ?
09:18 - On a un deuxième coup de massue, on a eu le coup de massue de Samuel Paty que nous
09:26 n'avons pas du tout digéré.
09:28 On s'en est pas remis.
09:31 On a ce deuxième coup de massue.
09:32 Je suis d'accord pour dire que l'enseignement privé n'est plus un sanctuaire dans le sanctuaire,
09:38 c'est terminé.
09:39 Mais j'espère, je vais scruter, j'espère que l'enseignement catholique, c'est-à-dire
09:45 les dirigeants de l'enseignement catholique vont réagir.
09:47 J'ai pas trouvé de réaction très vive.
09:48 - Mais quelle réaction, Nathalie, attendez-vous, parce que la comparaison avec Samuel Paty
09:55 ne me paraît pas être la bonne.
09:57 Je vous le dis sincèrement.
09:59 - Alors, elle n'est pas la bonne, si vous voulez, ça concerne un collègue et ça concerne
10:04 de la violence.
10:05 - Oui, ça c'est certain.
10:06 - Je parle pas des fondements.
10:07 - Oui, ça c'est certain.
10:08 - Je parle de l'accord d'or et de la guerre.
10:09 - Parce que les raisons, on ne connaît pas encore les raisons qui ont guidé, enfin s'il
10:14 y a raison, ou des raisons d'ailleurs, qui a guidé l'enfant, l'adolescent de Saint-Jean-de-Luz.
10:20 - Je ne parle pas des raisons qui ont guidé, je parle du fait en fait, de la conséquence.
10:26 Donc on s'en est pas remis, cette fois-ci on est sidérés.
10:30 Certes, il y a eu le discours de notre ministre de l'Éducation nationale, à mon sens, oui,
10:39 fondamental, mais cafouilleux.
10:41 - Oui, mais c'est pas le sujet, Nathalie.
10:43 - Pour qu'il ne vous rassure pas trop.
10:45 - Mais c'est pas le sujet.
10:46 Qu'est-ce que vous vouliez dire au fond ?
10:47 - Que nous sommes, j'espère qu'on va passer aux actes.
10:52 - C'est-à-dire ?
10:53 - Parce que le Covid, je pense que le Covid, le marasme économique, sans s'en rendre compte,
10:59 a perturbé nos élèves.
11:01 - Mais les actes, qu'attendez-vous alors, Nathalie ?
11:07 - Des actes forts, c'est-à-dire des psychologues dans les établissements, des médecins scolaires,
11:15 des prévis, des classes allégées, peut-être plus de temps pour nos élèves.
11:22 On ne favorise pas nos élèves en les mettant à 35 par classe.
11:26 C'est du bétail qu'on passe d'année en année, de niveau en niveau.
11:31 - Même dans un établissement privé comme celui-là, Nathalie ?
11:35 - Surtout, puisqu'en fin de compte, on me voulait expliquer, je viens d'entendre M.
11:39 Villers, qui vous dit qu'en fin de compte, il y a des charges, des restes à charges
11:44 pour un établissement privé.
11:45 Donc il faut bien que ce reste à charges soit payé.
11:47 Donc on remplit les classes.
11:49 - Est-ce que dans cet établissement, les classes étaient remplies ?
11:53 Est-ce que c'est l'une des raisons de ce geste ?
11:58 Je ne sais pas, mais vous avez raison de souligner ces manques
12:01 et ces pistes à améliorer, Nathalie, évidemment.
12:05 - Oui, c'est-à-dire que ce n'est plus un sanctuaire.
12:10 Dans le sanctuaire, ça vous a très bien été expliqué,
12:12 le privé sous contrat n'est plus ce qu'il était.
12:15 Et puis j'espère qu'il n'y aura pas une omerta dans un omerta d'une omerta.
12:19 - C'est-à-dire ?
12:21 - Je pense qu'on voit bien qu'il y a des choses qui ne collent pas
12:24 dans les établissements privés sous contrat, comme partout ailleurs.
12:27 J'ai l'impression que le déni est plus grand.
12:30 - Mais là, il n'y a pas de déni, Nathalie.
12:34 - J'espère. Je ne sais pas.
12:36 - Merci Nathalie, dans tous les cas, d'être intervenue.
12:40 Qu'est-ce que vous voulez ajouter ?
12:43 Vous avez entendu, Nathalie ?
12:44 - Oui, j'ai bien entendu.
12:45 - Ça vous fait réagir, je le sens.
12:47 - Ça me fait un peu réagir.
12:49 - Là où je vais aller dans le sens de Nathalie,
12:52 c'est qu'il est fondamental qu'il y ait plus de présence adulte dans nos établissements.
12:58 Les jeunes... Allez, c'est peut-être un lieu commun que je vais sortir là,
13:03 mais il y a de plus en plus de violence dans notre société,
13:06 il y a de plus en plus d'agressivité.
13:08 On refuse de moins en moins la moindre contrariété
13:10 et on se met tout de suite en colère.
13:12 Il ne faut pas croire que ça n'atteint pas les établissements privés,
13:15 ce serait idiot de croire une chose pareille.
13:17 Et donc, il faut des personnels formés à la médiation,
13:21 il faut des personnels formés à la gestion de la violence et de l'agressivité.
13:25 Et effectivement, on a parfois l'impression que l'éducation nationale est gérée par Bercy.
13:32 Et qu'on nous oppose régulièrement, oui, mais ça coûte cher.
13:35 Oui, ça coûte cher, mais il faut que...
13:37 Mais je ne voudrais pas récupérer cette catastrophe.
13:39 - Exactement. Il n'est pas question pour nous.
13:41 Et ça, j'y tiens absolument à ce que nous fassions de la récupération.
13:45 Nous ne savons pas ce qui a guidé cet élève de 16 ans.
13:49 Et puis, je voudrais préciser aussi que le risque zéro n'existe pas dans notre société.
13:54 Qu'on le veuille ou pas, il faut savoir l'accepter.
13:57 Il est 10h48, tiens, dans un instant,
14:00 Gilles-Marie Vallée, pédopsychiatre, est avec nous.
14:03 - Bon dame.
14:03 - Bien, nous sommes toujours avec Luc Veillé, porte-parole du syndicat SPELC,
14:11 qui est le syndicat du privé représentant plus d'un tiers des enseignants.
14:15 Luc Veillé, une question simple.
14:18 Des portiques, parce qu'il a introduit un couteau,
14:22 des portiques à l'entrée des établissements scolaires, collèges et lycées ?
14:26 - Alors, très honnêtement, j'y crois pas une seconde.
14:30 Déjà, il faudrait installer un portique devant chaque établissement scolaire,
14:33 devant chaque entrée de chaque établissement scolaire.
14:36 Il faudrait faire passer tous les élèves sous ce portique,
14:39 et peut-être les personnels aussi, d'ailleurs, on ne sait pas,
14:42 avec quelqu'un qui surveille la réaction du portique.
14:44 Non, c'est inenvisageable.
14:45 L'école doit être sanctuarisée, mais l'école n'est pas une citadelle.
14:49 On ne peut pas s'amuser à un jeu pareil.
14:52 De toute façon, c'est ingérable.
14:53 - C'est ingérable.
14:54 Bien, nous sommes avec Gilles-Marie Vallée, qui est pédopsychiatre.
14:57 Bonjour.
14:59 - Oui, bonjour.
14:59 - Merci d'être avec nous, Gilles-Marie Vallée, parce que je voudrais...
15:04 Alors, évidemment, pas de conclusion hâtive.
15:07 Vous ne le ferez pas, je le sais.
15:10 Vous êtes comme moi, vous n'aimez pas le conditionnel.
15:12 Mais...
15:13 - Tout à fait.
15:15 - Bon, 16 ans, simplement, nous avons des faits.
15:18 Nous savons quoi ?
15:19 Il a 16 ans, c'est un adolescent, c'est un très bon élève.
15:23 Il est nouveau dans l'établissement.
15:26 Il se lève, il poignarde son enseignante en plein cours,
15:31 et il donne tout de suite l'explication.
15:33 Il dit "je suis possédé, j'ai entendu des voix".
15:37 Vous, pédopsychiatre, comment analysez-vous ce comportement ?
15:41 - Alors, d'après lui, pédopsychiatriques, ce que l'on peut identifier,
15:46 ce sont des signes, des signes cliniques, qui, lorsqu'ils s'associent,
15:49 conduisent à l'évaluation de symptômes.
15:52 Là, effectivement, l'idée, l'évocation d'idées délirantes,
15:59 d'hallucinations auditives, et même le calme apparent
16:04 qui est décrit par les autres élèves,
16:08 vont dans le sens de quelque chose qui peut tout à fait ressembler
16:12 à une bouffée délirante aiguë,
16:15 c'est-à-dire la survenue, à un moment où on ne s'y attend pas forcément,
16:19 d'un trouble psychique,
16:22 qui fait que le sujet n'est plus du tout dans la réalité.
16:26 Il interprète ce qu'il observe, ce qui est dit,
16:30 et ça peut effectivement conduire à des troubles du comportement.
16:34 - Oui, mais Gilles-Marie Vallée, très bien,
16:37 je comprends très bien ce que vous me dites,
16:39 mais cet élève a introduit un couteau
16:43 dans son établissement, dans la classe, il l'avait dans son sac,
16:48 donc ce délire n'est pas un délire immédiat ?
16:53 - Tout à fait. Alors, c'est vrai que dans la définition du trouble aigu,
16:57 de la bouffée délirante aiguë, cette notion de subite,
17:00 c'est dans l'identification du passage à l'acte,
17:03 et surtout par rapport au fait qu'il n'y a pas, a priori, d'antécédent.
17:07 Mais dans les faits, ce que l'on observe, c'est que bien souvent,
17:10 il y a un délire sous-jacent qui se développe progressivement
17:15 et qui va être alimenté au fur et à mesure par l'interprétation que l'on fait.
17:18 - Donc ce n'est pas une bouffée si c'est un délire sous-jacent ?
17:23 - Alors, toute la subtilité des termes,
17:25 c'est que bouffée délirante veut dire que c'est quelque chose
17:28 qui évolue depuis quelques semaines, parfois quelques mois,
17:32 à la différence par exemple d'une schizophrénie qui, elle, évolue sur des années.
17:36 - Je comprends.
17:37 - Mais il est tout à fait envisageable, en tout cas ce que l'on observe,
17:41 ce que j'ai observé même par rapport à des jeunes
17:43 qui sont hospitalisés sur les établissements que je dirige,
17:46 c'est que précédemment, on observe des nuits d'insomnie
17:51 au cours desquelles, effectivement, le sujet peut tout à fait élaborer
17:53 tout un plan d'action pour aller dans le sens de son délire.
18:00 - Est-ce qu'il y a des signes, Gilles-Marie Vallée,
18:05 est-ce qu'il y a des signes annonciateurs de ces bouffées de délire ?
18:10 - Alors, il va y avoir effectivement des signes annonciateurs
18:13 qui peuvent être repérés, mais par des gens expérimentés.
18:16 C'est pour ça que je rejoins vos intervenants
18:20 qui disaient la nécessité d'infirmiers ou de médecins scolaires.
18:23 Les signes annonciateurs, c'est par exemple le développement d'une angoisse,
18:29 un changement de comportement, un sujet qui devient méfiant,
18:33 qui reclut, et puis surtout, bien souvent,
18:37 il y a des troubles du sommeil très importants.
18:39 C'est-à-dire que le sujet ne peut plus dormir la nuit
18:44 parce qu'il est agité par des ruminations,
18:46 c'est-à-dire le fait qu'il va, son délire,
18:49 et puis parfois les hallucinations qui sont associées
18:52 font qu'effectivement il ne dort plus, il est bizarre.
18:56 Donc il y a quand même des éléments qu'on peut repérer, oui.
18:58 - Oui, il y a des éléments qu'on peut repérer,
19:00 et que les parents peuvent repérer,
19:02 que la communauté éducative peut repérer,
19:05 mais le risque zéro, encore une fois,
19:09 j'en reviens à ce que je disais, n'existe pas.
19:12 Gilles-Marie Vallée.
19:13 - Alors, le risque zéro n'existe pas,
19:15 et ce qu'il faut dire, c'est qu'effectivement,
19:16 le passage à l'acte reste quand même rarissime, exceptionnel.
19:20 Bien souvent, ce que l'on va davantage observer,
19:22 c'est de la réclusion,
19:24 c'est plutôt des jeunes qui vont avoir tendance à s'isoler,
19:27 à rester dans leur monde,
19:29 c'est plutôt des jeunes qui, effectivement, vont,
19:31 du fait des troubles anxieux,
19:32 ça va développer, favoriser plutôt une absentee scolaire ou une phobie.
19:41 Le passage à l'acte reste quand même exceptionnel, heureusement.
19:44 - Heureusement. Merci beaucoup, Gilles-Marie Vallée.
19:47 Merci, pédopsychiatre, merci.
19:49 Que pensez-vous de tout cela, Luc Veilleux ?
19:52 Vous venez d'écouter, calmement,
19:54 ce qu'a dit le pédopsychiatre que nous venons d'interroger.
19:58 - Oui, alors, je ne suis pas psychiatre,
20:01 et on ne sait pas tout, encore une fois.
20:03 - Voilà, c'est ça, on ne sait pas tout.
20:04 - Donc, il faut attendre, il est interrogé,
20:05 il va être interrogé longuement.
20:07 Ses parents vont être interrogés,
20:09 ses condisciples vont être interrogés,
20:13 ses enseignants vont être interrogés sur son comportement,
20:16 les jours, les mois, les semaines précédentes.
20:19 - Le drame. - Tout à fait.
20:21 Mais, si vous voulez, la seule réserve que je pourrais avoir
20:25 sur ce qu'a dit le pédopsychiatre,
20:27 que je respecte infiniment, je veux dire, ce n'est pas la question,
20:29 c'est que personne n'avait jamais rien vu.
20:31 Ni ses camarades de classe, ni ses professeurs.
20:34 D'après les témoignages que nous avons,
20:35 les remontées que nous avons locales...
20:38 - Vous avez eu au téléphone...
20:39 - Mes délégués, enfin, nos délégués, sur le terrain.
20:43 Alors, ça, je ne saurais pas vous le promettre,
20:46 je ne dis pas de choses qui ne sont pas certaines,
20:48 mais sur le terrain, dans le département à Saint-Jean-de-Luz.
20:51 - Oui, à Saint-Jean-de-Luz.
20:53 - Et en tout cas, et même aucun média,
20:55 parce que vous doutez bien que j'écoute tout ça très attentivement,
20:58 aucun média, aucun témoignage, même interne à l'établissement
21:02 ne mentionnait le moindre signe avant-coureur.
21:05 - C'est vrai.
21:06 - Et c'est là qu'on est surtout vraiment pris de sidération absolue,
21:10 parce que ça vous tombe dessus comme un rocher en montagne.
21:13 Je veux dire, vous le prenez en pleine figure, on va le dire comme ça.
21:17 - Merci, Luc, veuillez d'être venu nous voir ce matin.
21:20 - Il n'y a pas d'aide dessus de radio.
21:21 - Merci de m'avoir reçu.
21:22 - Encore une fois, savoir et comprendre,
21:24 et non pas juger ni commenter hâtivement,
21:26 savoir et comprendre des explications,
21:30 des explications, chercher des explications, toujours.
21:33 Il est 10h58, entre 11h et midi,
21:37 c'est jeudi politique, vous le savez, nous sommes jeudi,
21:39 nous recevons trois députés.
21:41 Je vais parler évidemment de ce drame de Saint-Jean-de-Luz.
21:44 Nous allons voir comment réagissent les députés,
21:48 les politiques face à ce drame.
21:50 On va voir s'il y a de la retenue ou pas, ça va être intéressant.
21:53 Et puis, nous allons parler de l'Ukraine,
21:55 et puis nous allons parler évidemment de la réforme des retraites.
21:58 Il est 10h58, merci d'être avec nous.