SMART JOB - Tips du mercredi 12 juillet 2023

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Mercredi 12 juillet 2023, SMART JOB reçoit Marianne Mercier (Consultante Philosophe)

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Transcription
00:00 Smartphilo, c'est les vacances pour certains d'entre vous, peut-être êtes-vous d'ailleurs sur votre lieu de vacances,
00:09 ou d'autres en train de préparer, de ranger le bureau pour partir. Mais c'est quoi exactement les vacances ?
00:14 On en parle avec Marianne Mercier, vous êtes consultante, philosophe, Marianne pour les organisations.
00:19 D'abord, comment on se fait le début ? Les vacances, c'est savoir se reposer, est-ce qu'on peut déjà commencer à réfléchir ? C'est la question.
00:27 Oui, voilà. Est-ce que les vacances telles qu'on les vit aujourd'hui, ça se limite à se reposer ?
00:32 Et là, pour répondre à ça, j'ai envie de faire un petit détour historique, pas forcément de la philo du coup, mais remettre ça en perspective.
00:40 Donc voilà, il y a des historiens qui ont travaillé là-dessus, Alain Corbin sur le repos, Georges Vigarelo sur la fatigue aussi.
00:46 Et ça, déjà, ça nous permet d'avoir quelques éléments de réponse sur le sujet.
00:51 Déjà, de voir que le repos tel qu'on l'entend aujourd'hui pendant les vacances, ce n'est pas du tout quelque chose qui a été vrai à toutes les périodes de l'histoire.
01:00 Avant, quand on était plutôt sur le rythme de la vie agricole, donc le rythme de la nature, on se reposait naturellement en conséquence.
01:09 Au gré des saisons.
01:10 Au gré des saisons.
01:11 Exactement.
01:12 Et avec l'industrialisation, c'est là qu'on est passé au rythme des machines, donc pas du tout la même chose.
01:16 Et pour se reposer, il a fallu instituer des moments de repos parce que sinon, on avait une cadence très, très rapide en permanence.
01:23 On va revenir quand même sur l'idée philosophique de remplir son temps de vie.
01:27 Et ça, c'est très philo.
01:28 Mais est-ce que l'idée même du repos a évolué au fil des siècles ?
01:33 Oui, bien sûr.
01:34 Le repos, déjà, il y a des dimensions en Occident, en France, très liées au catholicisme.
01:39 Le repos éternel.
01:41 Exact.
01:42 Voilà.
01:43 Là, c'est les vacances.
01:44 Voilà.
01:45 Donc, il n'y a pas de repos permanent.
01:47 C'est ça.
01:48 Mais l'idée, c'est que le repos, en tout cas, a toujours été vu d'une façon assez ambivalente dans l'histoire.
01:55 Donc, dans l'Antiquité, c'était quelque chose de très positif.
01:58 C'était lié au bonheur, un moment de liberté, de contemplation.
02:02 Après, du coup, on a une vision un peu plus jugeante du repos.
02:05 On s'est dit, le repos, c'est aussi de la zivité, de la paresse, de la fainéantise.
02:10 C'est vrai.
02:11 C'est en contradiction avec le fait de mettre de l'ardeur au travail.
02:13 Donc, quand on va parler de repos, on va se dire, ok, mais c'est juste pour pouvoir être plus efficace ensuite quand je vais reprendre le boulot.
02:19 C'est exactement ça.
02:20 Je prends de bonnes vacances pour être encore meilleur à la rentrée.
02:22 C'est une vision très instrumentale, en fait.
02:24 L'homme devient un outil, finalement, mettons-le dans la catégorie marxiste, l'outil d'un capitaliste qui a besoin d'avoir des hommes performants.
02:34 C'est ça, il faut récupérer sa force de travail.
02:36 Mais quand même, sur la notion d'être en vacances, on voit qu'il y a plusieurs profils, même d'individus.
02:41 On passe à la sociologie.
02:42 Il y a ceux qui ont besoin de remplir leurs vacances et qui arrivent plus fatigués en sortant des vacances.
02:46 Puis d'autres qui décident de vraiment retirer la prise et qui ne font strictement rien.
02:50 Est-ce que les philosophes ont eu un regard, ont un regard sur ces sujets ?
02:55 On peut, sur cette histoire du fait de remplir ses vacances, penser plutôt à Blaise Pascal, par exemple,
03:02 qui nous a dit « tout le malheur des hommes vient de ne pas savoir rester en repos dans une chambre ».
03:07 Et ça, ça nous dit qu'on a un peu besoin de ce divertissement permanent.
03:12 Parce que quand on est en repos, qu'on s'ennuie, qu'on prend un temps de vide, on se retrouve confronté à nous-mêmes.
03:18 Ce n'est pas toujours évident, ce n'est pas toujours facile ni agréable à vivre.
03:22 Donc on va avoir tendance à remplir, à se dire « il faut que je comble ça et que j'ai absolument des distractions ».
03:28 Ça, c'est l'enjeu, c'est le levier.
03:30 Je comble le vide pour ne pas être confronté à moi-même.
03:33 C'est ça.
03:34 Quel angoisse.
03:36 Et ensuite, sur les aspects peut-être un peu plus sociologiques, il y a quand même une dimension de performance sociale dans les vacances.
03:42 Une petite comédie qu'on joue, « ah ben regardez, moi je suis parti à l'autre bout de la planète, j'ai les moyens de le faire ».
03:49 Ça veut dire que c'est un signe de réussite quand même.
03:51 Oui absolument, signe essayeur de richesse.
03:53 Voilà. Et aussi, je pense qu'on peut avoir un troisième phénomène qui est sur l'intensité et l'accélération dans nos vies,
04:01 on ne peut pas allonger notre temps de vie, par contre on peut remplir nos vies d'expériences diverses, multiples,
04:07 se dire « je peux vivre plus finalement en faisant plus ».
04:11 En ultra densité.
04:12 Voilà. Donc du coup, on va prendre les vacances, on va se dire « je vais rentabiliser absolument ce moment de liberté en dehors du travail pour vivre un maximum de choses ».
04:21 Alors la philosophe que vous êtes et la citoyenne aussi, Marianne, avant de nous quitter, parce que c'est la dernière chronique philo de la saison,
04:28 donc il faut quand même évidemment en profiter, comment on peut réussir ces vacances avec philosophie ?
04:34 Alors là, je dirais qu'on peut peut-être s'inspirer de Rousseau, des rêveries du promeneur solitaire, se dire « les vacances, on peut assumer ce moment de repos pleinement,
04:44 où on ne fait rien », et aussi se dire que le repos, ce n'est pas du vide, ce n'est pas de l'ennui, c'est une liberté,
04:51 hors des contraintes sociales, hors des contraintes du temps habituel. Donc on peut juste se laisser un petit peu une ouverture, se dire « je vais me laisser surprendre,
05:00 je ne vais rien prévoir aujourd'hui, je vais voir ce que la vie m'amène naturellement », et voir ça un peu comme un outil de créativité aussi, cette liberté.
05:09 Et aussi peut-être qu'on peut conclure sur un droit à la paresse, se dire « je m'autorise là à ne pas être productive ».
05:15 Titre d'un livre, « Le droit à la paresse ».
05:17 Tout à fait.
05:18 Très bon livre.
05:19 Et finalement, on peut un petit peu déconstruire cette idée-là et se dire « oui, c'est un droit ».
05:24 Redvenez vous-même. Redvenons nous-mêmes à l'occasion de ces moments de vacances, de repos obligatoires, puisque c'était dans le code du travail, c'est obligatoire.
05:33 Merci Marianne. Je vous dis quoi ? Bonnes vacances alors ?
05:35 Oui, bonnes vacances à vous aussi.
05:36 Vous partez loin ou vous restez en repos à Larousseau ?
05:39 Je vais faire les deux.
05:40 Hum, d'accord. L'être humain est complexe. Merci Marianne, merci d'être venue nous rendre visite, consultant de philosophes pour les organisations, pour cette dernière chronique Smartphilo.
05:51 On fait une courte pause et on va s'intéresser à un sujet un peu loin des vacances, parce que ce sont des vacances parfois forcées, les licenciements, le choc du licenciement, on en parle.
06:00 La vie après un licenciement. Comment on reconstruit sa vie après ce choc du licenciement ?
06:05 On en parle avec nos invités, c'est le cerclé-rache et c'est le débat de Smartjob comme chaque jour, juste après la pause.
06:11 et la pose.

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