Climat, concurrence étrangère, nouveaux usages…Le vin français a-t-il tourné ?
L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 1 Septembre 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 1 Septembre 2023)
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00:00 Les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
00:06 Je ne sais pas si vous avez remarqué mais nous sommes déjà en septembre.
00:09 Le 1er septembre c'est aujourd'hui.
00:11 Alors les vacances sont finies pour la plupart d'entre nous et les vents d'anges commencent.
00:16 Une période clé pour nos compatriotes vignerons, pour aussi un grand nombre d'amateurs.
00:21 Mais après les périodes de gel, de canicule, les attaques de maladies en tout genre, quel
00:26 vin goûterons-nous cette année ?
00:28 Pour en parler, nous sommes en compagnie d'Alicia Doré.
00:32 Bonjour Alicia Doré, vous êtes responsable éditoriale du Figaro Vins et on vous doit
00:37 notamment à nos ivresses aux éditions Flammarion.
00:40 Et puis en face de vous un vigneron, Valentin Morel.
00:44 Bonjour.
00:45 Vous avez publié un autre vin, Comment penser la vigne face à la crise écologique.
00:51 Ça c'est aux éditions Flammarion.
00:52 De toute façon, on se devait de vous inviter puisque votre domaine s'appelle Les Pieds
00:57 sur Terre.
00:58 Vous êtes très France Culture.
01:01 Valentin Morel, il y a quand même une question lorsqu'on voit travailler un vigneron.
01:06 On se demande pourquoi a-t-on choisi un tel boulot ? Pourquoi s'échiner autant ? Pourquoi
01:12 ramasser les petits cailloux comme vous l'expliquez dans votre livre ? Pourquoi se donner autant
01:18 de mal ?
01:19 Vous avez tout à fait raison.
01:20 Je ne voulais surtout pas faire ça puisque j'ai fui justement ma condition de vigneron.
01:25 Je n'ai absolument pas voulu faire ça.
01:26 J'ai quitté le milieu familial.
01:28 Je voulais faire autre chose que ça puisque j'ai passé ma jeunesse à faire des boulots
01:31 à la noix, des boulots de fou et à subir ce stress qui transpirait sur les épaules
01:36 de mon père, des intempéries, etc.
01:38 Donc j'ai tout fait pour ne pas le faire.
01:39 J'ai fait du droit, j'ai étudié, j'étais attaché de préfecture, j'étais cadre
01:43 de la fonction publique.
01:44 Oui, je partage votre avis sur le fait que c'est un métier extrêmement difficile,
01:49 mais je sais que vous aimez la sociologie.
01:52 Je crois qu'on peut dire que j'ai été rattrapé par mon habitus.
01:54 J'ai voulu le quitter et j'ai rattrapé par mes conditions sociales, mes racines.
01:58 C'est un livre qui m'a fait changer, qui m'a fait me reconvertir.
02:04 C'est un livre d'un philosophe américain, Crawford, Mathieu Crawford, qui a écrit
02:08 "L'éloge du carburateur".
02:09 Vous auriez pu devenir un mécano ?
02:11 J'aurais pu.
02:12 Il se trouve que mon père était vigneron.
02:14 Je suis redevenu vigneron.
02:15 Vous me dites pourquoi ? Je crois que simplement par hérédité, par héritage.
02:20 Vous allez débuter les vendanges mardi prochain.
02:23 Dans le Jura, que se trouve votre domaine, Valentin Morel, ça consiste en quoi ? Le
02:30 quotidien d'un vigneron, votre journée, elle ressemble à quoi ?
02:32 C'est ça qui est passionnant, c'est que ça change au fil des saisons.
02:35 C'est très intéressant.
02:36 C'est pour ça que, contrairement à un métier de bureau par exemple, qui peut être
02:39 assez répétitif, je me suis souvent rappelé cette phrase de Crawford qui dit dans son
02:43 livre "je me suis demandé ce que j'avais fait pour me retrouver au milieu de ces éclopées
02:47 du taylorisme en col blanc".
02:48 C'est vrai qu'il y avait parfaitement ça chez Crawford.
02:50 Maintenant je suis un éclopé mais de la nature.
02:53 Et le rythme du travail change en permanence en fonction des saisons.
02:57 La taille c'est très haut au mois d'hiver.
03:00 On va se lever un peu plus tard que d'habitude puisqu'il fait nuit.
03:04 On peut passer la journée dans un froid sec ou humide mais on est tranquille à la vigne.
03:09 Contrairement à cette période en ce moment où c'est beaucoup plus stressant.
03:11 On voit tous les raisins qui sont accrochés à la vigne.
03:13 Il faut penser aux mangeurs qui vont arriver.
03:16 Quoi, vous tremblez ?
03:17 Un petit peu, c'est un petit peu.
03:18 Il y avait encore un risque d'intempéries la semaine dernière.
03:21 Certaines régions de la semaine dernière dans le sud de la France ont perdu une grande
03:25 majorité de raisins à cause de l'échaudage.
03:27 C'est-à-dire des coups de soleil beaucoup trop forts, 45 degrés.
03:30 Et puis d'autres ont grêlé la semaine dernière.
03:32 Donc nous on a un gros nuage qui est arrivé.
03:34 Heureusement c'était de la pluie assez fine.
03:36 Mais en tout cas c'est stressant jusqu'au bout.
03:37 Il y a un vieux dictant vigneron qui dit "tant que le raisin n'est pas dans la cuve, vous
03:41 pouvez stresser".
03:42 Et c'est assez vrai.
03:43 Alicia Doré, nous avons un vigneron dans ce studio.
03:48 Mais la vigne en France est très diverse.
03:52 On ne peut pas ranger tous les vignerons dans la même catégorie.
03:55 Si vous deviez nous présenter aujourd'hui la situation actuelle du vin.
03:59 Alors déjà on voit qu'il y a de fortes disparités entre les régions.
04:03 Il y a eu de très fortes attaques de mildiou dans le Bordelais.
04:07 Donc avec des primes à l'arrachage.
04:09 Qu'est-ce que ça veut dire des attaques de mildiou ? Comment ça se concrétise ?
04:13 Alors en fait le mildiou c'est un petit parasite qui va attaquer les vignes.
04:17 Il va faire des tâches sur les feuilles et attaquer la baie qui va dessécher et tomber.
04:22 Et en fait c'est certaines conditions climatiques en termes d'humidité et de chaleur qui favorisent
04:28 l'éclosion de cette maladie.
04:31 Et donc le problème par exemple, si je dois parler du vignoble Bordelais, c'est qu'énormément
04:35 de parcelles sont aujourd'hui abandonnées.
04:37 Donc en fait ce sont des nids à maladies qui vont infecter les vignes à côté.
04:41 Pourquoi abandonner ? Moi je pensais que le Bordelais justement, la terre y était extrêmement
04:46 rare, très précieuse.
04:47 Alors c'est un petit peu l'arbre qui cache la forêt.
04:50 C'est-à-dire qu'il y a toute une partie du vignoble Bordelais qui est en surproduction.
04:54 Et donc aujourd'hui le gouvernement a aussi déployé un ensemble de subventions à l'échelle
04:59 nationale pour transformer tous ces excédents de vin en alcool qui vont servir pour le gel
05:04 hydroalcoolique.
05:05 Alors ça il faut que vous nous expliquiez puisque c'est même la presse anglaise qui
05:09 s'en est fait l'écho cette semaine.
05:11 Il y a aujourd'hui une opération de transformation de vignes.
05:15 C'est quand même assez incroyable.
05:16 Oui en fait on assiste à une surproduction dans certaines régions et donc les vignerons
05:23 ne peuvent plus gagner leur vie.
05:24 Donc en fait l'idée c'est qu'on rétrécisse ces volumes-là pour que les vignerons puissent
05:29 enfin vivre décemment et produire à hauteur de la demande.
05:32 Puisque la demande de vin baisse de façon généralisée, le rouge notamment est en
05:37 difficulté.
05:38 Donc ça ça défavorise certaines régions.
05:40 Et si on va au-delà du Bordelais, on voit que toutes les régions du sud souffrent énormément
05:47 du dérèglement climatique avec de grands extrêmes en fait.
05:50 Que ce soit le gel, la grêle, les inondations, la canicule.
05:53 Et pour faire une petite comparaison qui peut être assez parlante pour les auditeurs, c'est
05:57 qu'aujourd'hui l'Anjou a le climat de Montpellier il y a 40 ans et c'est Quimper
06:02 qui est aujourd'hui entre guillemets le nouvel Anjou.
06:04 Donc en fait on remonte vers le nord.
06:06 Mais il y a donc d'importantes transformations.
06:11 Il y a aussi une concurrence internationale qui s'est exacerbée.
06:14 Ça veut dire que la France, que fait-elle aujourd'hui en matière d'exportation
06:19 de son vin ?
06:20 Alors la France exporte beaucoup son vin et les consommateurs français s'intéressent
06:25 de plus en plus aux vins étrangers.
06:27 Avant il y avait une sorte de chauvinisme.
06:29 Les français continuent à consommer majoritairement du vin français mais néanmoins ils s'intéressent
06:35 aux vins du Nouveau Monde qui présentent des rapports qualité-prix beaucoup plus intéressants.
06:39 Donc on voit qu'il y a de grands bouleversements qui sont à la fois climatiques donc extrêmement
06:44 concrets, il y a des bouleversements économiques et aussi des symboles qui tombent au profit
06:48 d'autres en fait.
06:49 Valentin Morel, comment se vend-il justement ? Comment observez-vous les choses ?
06:55 Dans le Jura on a une position assez privilégiée parce que c'est un tout petit vignoble, un
06:59 vignoble de niche, la quantité produite est assez faible.
07:02 Vous faites combien de colles comme on dit ?
07:04 Moi chez moi j'en fais 25-30 000 selon les années mais le vignoble du Jura en lui-même
07:09 est aussi un petit vignoble.
07:10 En plus je suis en agriculture biologique et vin naturel, c'est un marché de niche
07:17 dans la niche et donc c'est extrêmement recherché et on a la chance dans le Jura
07:22 d'avoir des pionniers du vin naturel.
07:23 Je peux en citer un qui est Pierre Auvergnois qui est sans doute l'un des vignerons les
07:26 plus connus peut-être même dans le monde parce que c'était vraiment… et qui est
07:30 encore vivant.
07:31 Il vit à Puy, un petit village à côté de chez moi, qui est un personnage très attachant,
07:36 vraiment très puissant, très fort.
07:38 Ça veut dire quoi un vin naturel ? Ça veut dire que vous n'utilisez absolument pas
07:41 de pesticides ?
07:42 Non, alors voilà, le vin naturel c'est vraiment la définition dans la fabrication
07:46 du vin, c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'intrants ajoutés dans la fabrication
07:49 du vin.
07:50 Par contre il y a bel et bien, je suis en viticulture biologique, mais on traite bel
07:54 et bien contre les maladies, l'éodium et le mildiou à la vigne.
07:57 Donc on utilise bien du soufre contre l'éodium à la vigne et du cuivre contre le mildiou
08:01 à la vigne.
08:02 En revanche, une fois que le raisin est rentré dans la cuivrie, dans la cave, on ne met plus
08:06 d'intrants parce qu'on peut mettre tout un tas d'intrants quand on fait du vin.
08:09 Des levures, des enzymes… et le plus gros problème c'est les sulfites.
08:12 Alors les sulfites c'est quoi ?
08:13 Les sulfites c'est un dérivé du soufre qui a un produit un peu miracle parce qu'il
08:18 a beaucoup de propriétés antiseptiques, antioxydants.
08:22 Il va faire le ménage dans un vin et puis il va empêcher que le vin s'oxyde.
08:24 C'est donc un produit qui est l'allié du vigneron mais c'est un poison quand même
08:29 à haute dose.
08:30 Donc il faut quand même… il y a des doses légales.
08:34 Et nous voilà, on est les secteurs du vin naturel, on en met 0/0.
08:37 On parle souvent de 0.
08:39 Donc moi je fais des vins sans sulfite comme tout un tas de camarades vignerons.
08:43 Ça veut dire que le goût de votre vin est distinct d'un vin qui ne serait pas naturel.
08:48 Voilà.
08:49 La définition du vin pour nous c'est du jus de raisin fermenté point barre.
08:52 Donc on va être beaucoup plus proche de l'expression du fruit.
08:54 D'ailleurs nous on dit que quand le vin sent le vin on a perdu.
08:57 Le vin doit sentir le fruit.
08:58 Le vin doit sentir le raisin.
08:59 Et quand il sent le vin on a perdu.
09:01 Il y a déjà une intervention.
09:02 C'est ça le lien avec les pieds sur terre si vous me permettez.
09:05 Il y a un peu le lien d'un journalisme avec le moins d'intervention possible où
09:08 on va laisser la matière première s'exprimer.
09:10 Et le métier de vigneron naturel c'est pareil.
09:12 Vous avez un raisin, il faudrait idéalement que la grappe de raisin soit dans la bouteille.
09:16 Ça c'est pas possible.
09:17 Mais il faudrait qu'il y ait le moins d'intervention possible pour que la grappe de raisin soit
09:20 dans la bouteille sans que ça se voit.
09:22 Et donc c'est ce que vous faites.
09:24 Vous le faites également avec une sorte de militantisme Valentin Morel.
09:30 Ça veut dire aussi que votre vin malheureusement il est exposé comme tous les autres.
09:36 Alicia Doré l'évoquait.
09:38 Aux gèles, aux intempéries.
09:40 Là qu'est-ce que vous observez justement à cet égard ?
09:42 Ben oui c'est le grand traumatisme qui m'a fait d'ailleurs passer à l'écriture
09:47 de mon livre en avril 2021.
09:48 En avril 2021 on subissait le troisième gel en cinq ans.
09:52 2017, 2019, 2021.
09:53 Et j'avais repris le domaine familial depuis une petite dizaine d'années.
09:57 Et je me suis dit c'est pas possible.
10:00 Je regardais dans le rétroviseur de mon installation et j'ai réalisé que chaque année avait
10:04 été l'occasion d'un nouveau superlatif.
10:05 2014 arrivait des drosophiles Suzuki, personne n'avait jamais entendu parler.
10:09 Oui, vous allez devoir nous les présenter ces drosophiles.
10:12 Ce sont des petits drosophiles qui contrairement à d'autres drosophiles réussissent à
10:15 percer les raisins alors que les autres ne le font pas.
10:17 Donc celles-ci ont percé les baies des raisins.
10:19 Le raisin qui se transforme en vinaigre directement sur le pied de vigne.
10:22 C'était une catastrophe totale.
10:24 C'était jamais arrivé.
10:25 2015, première canicule.
10:26 2016, plus forte attaque de milieu depuis 40 ans.
10:29 2017, plus fort gel depuis 40 ans, etc.
10:32 Donc en fait c'est une succession de superlatifs.
10:35 Ben voilà.
10:36 En fait c'était une succession de superlatifs.
10:38 Et je me dis à un moment, si chaque année il y a un nouveau superlatif, l'emploi
10:42 d'un superlatif n'a plus de sens.
10:44 Et toute cette période s'est achevée en avril 2021 avec le troisième gel où on
10:48 a perdu 70% de la récolte en un jour.
10:50 Et puis quand même 5 vignerons qui mettent fin à leur jour dans les deux mois qui suivent.
10:54 Donc c'était quand même un traumatisme.
10:55 - Alicia Doré, c'est ça en fait la situation aujourd'hui du vignoble français ?
11:00 - Oui voilà, c'est énormément de difficultés.
11:02 Alors après des solutions existent quand même pour pallier à ces problèmes.
11:06 Il y en a plusieurs qui sont mises en place.
11:09 On pense notamment à un changement.
11:12 Là où je parlais de bouleversement dans le vignoble, c'est qu'en fait on assiste
11:16 aussi à un bouleversement de l'encépagement.
11:18 C'est-à-dire que certains cépages qui sont emblématiques de régions d'appellation,
11:24 par exemple la Syrah, donnent des vins quand même assez puissants, notamment le Cabernet
11:28 Sauvignon.
11:29 Et on voit que dans certains vignobles du Sud, on commence à replanter des cépages
11:34 qui vont apporter de la fraîcheur au vin.
11:35 Et on essaye aussi de changer l'encépagement en important des cépages grecs, espagnols
11:43 et italiens pour justement essayer de faire des croisements qui vont permettre aux nouvelles
11:48 vignes d'être à la fois adaptées à des conditions méditerranéennes, donc beaucoup
11:52 plus chaudes, et en même temps qui respectent le terroir français.
11:55 Donc il y a tout un travail comme ça de technologie qui est fait dans le vignoble.
12:00 - On se retrouve dans une vingtaine de minutes.
12:03 Laïcia Doré, je rappelle que vous êtes responsable éditoriale du Figaro au vin et
12:07 on vous doit à nos ivresses aux éditions Flammarion.
12:10 Valentin Morel, vous êtes vigneron et vous avez publié un autre vin, comment penser
12:15 la vigne face à la crise écologique ? Et c'est aux éditions Flammarion.
12:19 Et maintenant, voici notre grande voix du vendredi, il s'agit d'un neurologue Lionel
12:27 Nacache.
12:28 - 6h39, les matins de France Culture, Guillaume Erner.
12:34 - Et oui, puisque c'est la rentrée, c'est la rentrée pour tout le monde, ou presque,
12:37 c'est la rentrée aussi pour les vignerons, même s'ils s'occupent de leur vigne tout
12:42 au long de l'année.
12:43 Vous venez d'évoquer Jean Lémari, le vin et la politique du vin.
12:48 Nous sommes en compagnie d'un vigneron, Valentin Morel, vous avez publié un autre vin, comment
12:53 penser la vigne face à la crise écologique ? Et la responsable du Figaro vin, Alicia
12:59 Doré, vous avez publié à nos ivresses, aux éditions Flammarion, une réaction à
13:04 ce que vient de dire mon camarade Jean Lémari.
13:06 - Justement, effectivement, c'est intéressant de souligner ce paradoxe entre la protection
13:13 du milieu du vin et comme symbole de l'identité française et les conséquences sanitaires
13:19 que ça peut avoir.
13:20 On voit quand même que de façon générale, le vin aujourd'hui revêt une dimension sanitaire
13:25 et que je pense que les campagnes de prévention ont fait leur effet.
13:28 On se souvient du célèbre "un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts".
13:31 Je pense qu'au fil du temps, les gens ont pris conscience aussi des dangers de l'alcool,
13:36 donc on voit qu'on consomme moins d'alcool, qu'on consomme mieux, puisque aujourd'hui
13:40 les gens dépensent davantage pour une bouteille de vin, s'intéressent énormément à l'étiquette.
13:46 Et d'ailleurs, il va y avoir une législation qui va passer en fin d'année sur l'étiquetage
13:52 des vins qui aujourd'hui bénéficiaient d'une sorte de passe-droit, puisque c'était le
13:55 seul aliment sur lequel on n'était pas obligé de mettre la liste des ingrédients.
14:00 Ça va être obligatoire.
14:01 Et là, je pense que Valentin Morel voudra réagir.
14:04 Je pense que pour un vigneron nature, ce sera beaucoup plus facile parce que la liste des
14:08 ingrédients est assez réduite.
14:10 Et pour des vignerons conventionnels, je pense qu'il faudra trouver d'autres solutions.
14:15 - Valentin Morel, qu'en pensez-vous ?
14:17 - Oui, tout à fait, c'est bienvenu cette obligation de mettre des ingrédients.
14:20 Il y a quand même un bémol qui est important, c'est qu'il y a une possibilité de mettre
14:23 un QR code.
14:24 Donc, sans doute quand même que les vignerons qui mettront plus d'intrants mettront un QR
14:28 code que sans doute personne n'ira voir.
14:30 - Des intrants, ça veut dire quoi ? Les sulfites, on en a parlé.
14:35 - Il y a plus de 200 intrants qu'on peut mettre dans le vin.
14:37 Du charbon, de l'énergie, des choses plus ou moins toxiques.
14:40 Les sulfites, c'est effectivement toxique.
14:41 Mais par exemple, si vous levurez le vin pour fermenter, ce n'est pas tellement grave.
14:44 Enfin, il faut le signaler quand même.
14:45 Donc, des enzymes, des levures, du charbon, de l'argile pour clarifier le vin, etc.
14:50 On peut vraiment mettre beaucoup de choses dans le vin.
14:52 - Et alors, dans le vin naturel, il y a du raisin.
14:54 - Alors, je vais vous faire hurler, mais c'est un vin sain, sans intrants ni sulfites.
15:01 C'est un acronyme, sans intrants ni sulfites.
15:03 - Il y a une tendance, Alicia Doré, puisque Jean Lemarie parlait de la manière dont le
15:07 vin pris par les politiques était considéré comme autre chose qu'un alcool.
15:11 Le vin sans alcool ?
15:13 - Alors, le vin sans alcool, c'est une tendance qui ne cesse de grimper.
15:17 Parce qu'effectivement, on parle de "no law", donc c'est les vins ou en tout cas les boissons
15:22 avec très peu d'alcool ou sans alcool.
15:24 Moi, je suis un petit peu critique par rapport à ça parce que je ne vois pas vraiment l'utilité
15:28 d'avoir des sortes d'ersatz d'alcool qui veulent un petit peu copier le vin.
15:33 - Pour en boire, par exemple, à midi ?
15:35 - Pour en boire à midi, c'est vrai.
15:36 Mais je pense qu'il y a énormément de créativité du côté des vins sans alcool.
15:42 Et je pense que c'est un marché qui va devenir de plus en plus important dans le sens où
15:47 les jeunes boivent moins d'alcool.
15:49 Et en plus, il y a aussi, j'en parle dans mon livre, une diabolisation de l'ivresse
15:55 qui est très présente aujourd'hui.
15:57 - Valentin Morel, qu'en pensez-vous justement de ce vin sans alcool ?
16:00 - Bon, alors là, ça m'échappe totalement.
16:03 Oui, effectivement, je suis d'accord qu'il y a tout un tas d'autres boissons.
16:06 Par exemple, je pense par exemple à la kombucha qui est aussi une fermentation qui produit
16:09 très peu d'alcool.
16:10 Et à mon avis, c'est bien plus intéressant que d'essayer de faire un vin sans alcool.
16:12 Non, mais je voudrais réagir par rapport au biais politique un peu plus sérieusement.
16:15 C'est vrai que moi, je fais l'analogie un petit peu.
16:17 Je suis d'accord, je reconnais que c'est un problème sanitaire, la consommation d'alcool.
16:21 Et je fais le lien avec la consommation de viande.
16:24 Et je pense effectivement qu'il faudrait réfléchir à une consommation peut-être
16:28 plus raisonnable, de meilleure qualité et moins souvent.
16:31 C'est-à-dire que moi, je suis partisan de faire des vins un petit peu plus chers, qu'on
16:34 boirait moins souvent, de meilleure qualité.
16:35 Un petit peu plus cher, ça veut dire quoi ? Puisque on n'a pas encore parlé d'argent,
16:39 mais il faut en parler.
16:41 Votre vin, par exemple, aux environs de quel prix ?
16:45 Chez moi, je vends la bouteille chez moi de TTC à environ une vingtaine d'euros.
16:50 Ça se retrouve tout de suite chez un caviste à entre 40 et 50 euros, sur une table de
16:53 restaurant à 60 euros.
16:54 Et encore, ce n'est pas parmi les vins les plus chers.
16:55 Mais je trouve que c'est déjà un problème, effectivement.
16:57 C'est pour ça que je suis partisan de faire un vin populaire.
17:00 On en parlera tout à l'heure.
17:01 Alicia, Doré, le marché du vin, on l'a évoqué, diminution de la quantité de vin
17:08 consommée en France, augmentation moyenne des prix, ça se traduit comment ?
17:13 Ça se traduit en termes de chiffres.
17:15 On voit qu'en 2022, 56% dépensaient entre 11 et 20 euros pour une bouteille, alors qu'il
17:21 n'était que 22% en 2013.
17:23 Donc, on voit qu'il y a quand même un prix psychologique qui ne cesse d'augmenter.
17:27 On le constate que même au restaurant, les coefficients sont toujours plus élevés.
17:32 Je pense que c'est lié à tout un ensemble de paramètres.
17:35 Mais les gens sont prêts à dépenser davantage pour un meilleur vin.
17:37 Mais alors, un vin aujourd'hui, le prix moyen d'un vin, c'est 20 euros la bouteille, c'est
17:43 ça, par exemple ?
17:44 Alors, je pense que chez les cavistes, oui.
17:45 Après, il ne faut pas oublier qu'il y a une grande partie des vins qui est vendue en grande
17:49 distribution où là, on trouve des prix en deçà de 8 euros.
17:52 Mais c'est toujours la même question, c'est-à-dire à partir de quand le prix d'un vin se fait
17:57 à perte pour le vigneron.
17:58 Et voilà, il y a aussi cette question-là qui se pose.
18:01 Qu'est-ce que ça veut dire, Valentin Morel ?
18:02 Parce qu'on se pose souvent la question du prix du vin.
18:05 Alors, il peut y avoir aussi une forme de spéculation pour certains vins qui sont les
18:09 vins les plus onéreux.
18:10 Mais par exemple, quand vous me dites voilà, moi, ma bouteille, je la vends 20 euros.
18:15 Est-ce que ces 20 euros, ils correspondent par exemple à la quantité de travail nécessaire,
18:21 à la quantité...
18:22 Comment on fixe le prix d'un vin ?
18:23 Je peux le dire, je suis membre de la Confédération Paysanne.
18:26 On a un slogan "Notre métier a un prix".
18:28 Ça veut bien dire ce que ça veut dire, c'est-à-dire que le prix de vente doit couvrir les coûts
18:32 de production et rémunérer le travail.
18:34 C'est aussi simple que ça.
18:35 Donc effectivement, le prix que je vous ai donné, c'est effectivement pour rémunérer
18:39 l'outil de production, la main d'œuvre, et puis laisser une petite marge de sécurité.
18:43 Parce que vous savez qu'on est face à des aléas et qu'on peut geler, on peut avoir
18:46 tout un tas de fléaux qui guettent.
18:48 Donc il faut aussi avoir une petite marge de sécurité.
18:51 C'est ça le prix du vin.
18:52 Il y a des tendances également sur le marché du vin.
18:55 On voit aussi la marge de sécurité de la marge de sécurité du vin.
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30:24 Mais ces vins-là trouvent aujourd'hui des débouchés sur ces nouveaux marchés du vin.
30:27 Mais ces vins-là trouvent aujourd'hui des débouchés sur ces nouveaux marchés du vin.
30:28 C'est-à-dire qu'ils utilisent ces techniques-là.
30:31 L'autre tendance, hélas, ai-je envie de rajouter, Alicia Doré,
30:37 c'est que le réchauffement climatique a comme conséquence de faire basculer un certain
30:42 nombre de régions dans des régions productrices de manière aisée de vin.
30:47 C'est-à-dire qu'il y a un grand paradoxe entre les tendances de consommation qui vont
30:51 vers des vins plus légers et le dérèglement climatique qui engendre des vins plus sucrés,
30:56 plus alcooleux, plus tanniques.
30:58 C'est un vrai défi pour les vignerons parce que finalement, c'est quand même le consommateur
31:04 qui arrive à imposer les tendances et les vignerons vont devoir s'adapter à ça
31:09 en utilisant des méthodes adaptées.
31:11 Donnez-nous des exemples justement de cela, non pas de nouveaux vignobles,
31:15 mais de la manière dont le réchauffement climatique a fait évoluer certains vins.
31:19 Je ne voudrais pas passer pour une climato-sceptique, mais je pense que certains vignobles,
31:27 notamment septentrionaux, ont bénéficié du réchauffement climatique.
31:30 Dans certaines régions, je pense notamment à l'Alsace...
31:33 Ce n'est pas du climato-scepticisme que de dire ça !
31:36 Non, mais de dire que les vignobles peuvent profiter du réchauffement climatique,
31:40 c'est un petit peu provocateur.
31:42 Finalement, certains rouges, en Alsace notamment, étaient réputés comme étant très acides,
31:47 très verts, un peu austères.
31:49 Aujourd'hui, on constate que ces vins-là sont beaucoup plus fruités,
31:54 beaucoup plus chaleureux en raison du réchauffement.
31:58 On voit aussi ça en Champagne avec les rouges, qui ressemblent maintenant à de très grands bourgognes.
32:02 Et dans le Jura ? Comment ça se passe ?
32:04 Le Jura fait un petit peu partie de ces régions qui ont bénéficié de ça.
32:07 Il y a encore 15 ou 20 ans, dans le Jura, on avait toujours des vins rouges qui étaient très légers,
32:11 qu'on n'arrivait pas tellement à faire mûrir.
32:13 Maintenant, on a effectivement des vins rouges du Jura plus mûrs,
32:16 qui sont d'ailleurs beaucoup plus reconnus qu'avant.
32:19 Le Gaillac, en revanche, c'est Vrin blanc.
32:21 Lui, il est dans une région, donc à côté de Toulouse, où il fait plutôt chaud.
32:25 Qu'est-ce qui a changé récemment pour votre vin ?
32:28 Alors oui, en effet, si ça peut favoriser peut-être certains vignobles au nord de la France,
32:35 nous, nous sommes dans la partie sud.
32:38 Et pour l'instant, ça va à peu près encore.
32:41 Mais quand on voit nos collègues des Pyrénées-Orientales,
32:44 j'ai pas mal de collègues vignerons là-bas qui, eux, souffrent clairement du manque d'eau.
32:49 La culture de la vigne commence à être clairement difficile.
32:53 Donc pour s'adapter à ça, il faut changer des cépages ou avoir accès à l'eau pour, oui, irriguer,
33:00 pour le maintien du matériel végétal de la vigne en elle-même.
33:04 Mais du coup, oui, c'est vrai qu'il y a un décalage qui se fait vers le haut.
33:08 Plus on descend vers le sud, plus il fait chaud.
33:11 Et plus on monte vers le nord où des régions étaient un peu plus froides
33:14 pour faire certains vins rouges, par exemple, comme vous l'avez dit,
33:17 en bas, du coup, les vins rouges sont de plus en plus taniques, de plus en plus chargés,
33:22 avec des maturités de plus en plus précoces également.
33:25 Vous, Séverin, vous allez débuter les vendanges lundi prochain, Valentin, vous c'est mardi prochain.
33:30 Elles ont déjà débuté dans certaines régions, par exemple dans la Gervane.
33:34 Est-ce qu'on est capable de donner des tendances, Alicia Doré, pour cette année ?
33:39 La manière dont ce vin va pouvoir être goûté,
33:43 avec les conditions climatiques dans lesquelles il a été produit ?
33:46 Oui, alors j'ai fait récemment un grand tour de France du vignoble
33:49 pour voir un petit peu ce à quoi on pouvait s'attendre.
33:51 Comme le disait très justement Valentin, c'est quasiment impossible,
33:54 avant le premier jour de vendange et avant que les raisins soient dans les cuves,
33:57 de prévoir quel goût va avoir le vin.
33:59 Ce qu'on peut noter, c'est que la Corse a déjà fini depuis très longtemps ses vendanges.
34:03 On voit qu'il y a quand même une grande tendance à ce que les vendanges aient lieu beaucoup plus tôt qu'auparavant.
34:08 Et ensuite, certaines régions ont été très préservées.
34:13 Je sais qu'il y a quelques inquiétudes en Bourgogne par rapport à une pourriture
34:18 qui arrive sur certains vignobles en raison des précipitations qui ont été assez importantes.
34:24 L'Alsace apparemment aura un très très beau millésime.
34:27 La vallée du Rhône a beaucoup souffert de la chaleur.
34:29 On voit quand même que les tendances dont on parlait se confirment cette année.
34:34 Et le Beaujolais ?
34:36 Le Beaujolais, je crois qu'ils ont aussi énormément souffert de la chaleur.
34:41 Mais il y a eu un mois de juillet assez pluvieux.
34:44 Ça a priori c'est plutôt une bonne chose quand il y a un peu de pluie.
34:50 Il y a eu beaucoup de pluie et la chaleur derrière, c'est vraiment le cocktail molotov de la survenue des maladies.
34:57 Et bientôt on aura le Beaujolais nouveau, donc ce sera le premier test.
35:01 Merci Alicia Doré. Je rappelle que vous êtes responsable du Figaro Vins.
35:06 On vous doit nos ivresses aux éditions Flammarion.
35:08 Valentin Morel, un autre vin.
35:11 Comment penser la vigne face à la crise écologique ? C'est aussi aux éditions Flammarion.
35:15 Merci Sévrin Blanc. On était en ligne avec vous depuis le vignoble de Gayac.
35:22 8h44 sur France Culture.