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La journaliste de Blast Salomé Saqué, autrice de "Sois jeune et tais-toi", et l'essayiste Jean Birnbaum, auteur de "Seuls les enfants changent le monde" (Seuil) sont les débatteurs du jour. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-mercredi-11-octobre-2023-3307670

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00:00 ce matin sur une question qui semble traverser les jeunes générations, celle des enfants.
00:04 En avoir ou pas ? Sur le sujet, il n'y a plus d'évidence, loin de là, à tel point que certains
00:10 ont appelé ces jeunes la génération « no kids ». Ils revendiquent de ne pas vouloir faire d'enfant
00:15 dans un monde bouleversé, tourmenté et qui ne cesse de se réchauffer. Sont-ils très lucides
00:21 ou très égoïstes ? On va en débattre ce matin avec Jean Birnbaum, qui est rédacteur en chef du
00:26 Monde des Livres, auteur récemment de « Seuls les enfants changent le monde » au Seuil, et avec
00:34 Salomé Saké, journaliste et autrice de « Sois jeune et tais-toi », c'était chez Payot.
00:39 Bonjour à tous les deux et merci d'être là ce matin. Ce livre, votre livre, Salomé Saké,
00:44 il fait 300 pages dans lequel vous racontez la jeunesse d'aujourd'hui, c'est une enquête sur
00:48 les jeunes d'aujourd'hui. Et dans ces 300 pages, il y a une ligne, une petite ligne seulement,
00:52 où vous écrivez, je vous cite à peu près, que votre éco-anxiété vous empêche d'imaginer d'être
00:58 mère. Et bien, ce qui est impressionnant, dites-vous, c'est que cette ligne-là, cette petite
01:03 ligne-là sur un livre de 300 pages, et bien c'est celle qui suscite le plus de questions quand vous
01:08 faites des conférences. Vous avez compris pourquoi ? Qu'est-ce qu'on vous demande ?
01:11 Cette ligne a fait effectivement énormément parler et je ne m'y attendais pas, d'autant plus
01:14 que j'avais rajouté une petite astérix où je disais que je me réservais le droit de changer
01:19 d'avis. Je voulais simplement illustrer jusqu'où l'anxiété pouvait nous empêcher dans la vie. Et
01:24 donc dans mon cas, effectivement, je ne me vois pas avoir des enfants. Alors c'était en conférence,
01:28 mais c'était aussi dans les médias. Il y a même des articles entiers qui étaient consacrés à
01:31 cette petite ligne. On voulait me demander pourquoi je ne voulais pas d'enfants. Et surtout,
01:34 souvent, on imaginait que ça impliquait que c'était une revendication politique et donc que
01:38 j'incitais les autres à ne pas vouloir d'enfants, ce qui n'est pas du tout le cas. J'essayais
01:42 simplement d'exprimer une inquiétude personnelle et pas du tout de dire que c'était mieux de ne
01:45 pas avoir d'enfants que d'en avoir. Et à mes yeux, ça révèle une forme de crispation qui est
01:50 encore présente. Dès qu'on dit qu'on ne veut pas avoir d'enfants, ça dérange, ça interroge dans
01:55 le meilleur des cas, voire ça suscite de la culpabilisation, de l'indignation. Et je trouve
01:59 que ça montre qu'on a encore des progrès à faire sur la considération à ce sujet.
02:02 Mais c'est quand même un mouvement et un phénomène. On appelle le phénomène la
02:06 génération No Kids. Vous le voyez, vous qui avez enquêté sur la jeunesse. Il y en a d'autres que
02:10 vous disent ça, qui disent « moi, je ne veux pas d'enfants ».
02:13 Oui, il y en a d'autres que j'interroge.
02:14 Pas dans ce monde.
02:14 Absolument, il y en a d'autres que j'ai interrogé dans le livre qui disent très fermement « je ne
02:18 veux pas d'enfants, je suis certain que je n'aurai pas d'enfants ». Mais ça représente une petite
02:24 partie. Je le précise dans le livre, il y a des statistiques, les statistiques de l'Inet qui
02:28 nous disent qu'aujourd'hui, on a vraiment 5% des Français qui assument vraiment ne pas vouloir
02:32 d'enfants. Pas que pour des raisons écologiques d'ailleurs. Mais là où c'est intéressant,
02:36 c'est qu'il y a 39% des jeunes, selon une étude de The Lancet, qui hésitent à avoir des enfants
02:41 à cause du réchauffement climatique. Et moi, c'est surtout ça que j'avais envie de documenter.
02:46 C'est comment des facteurs exogènes, comment cette angoisse écologique peut avoir un impact
02:50 sur la manière dont on conçoit ou non d'avoir des enfants. Mais je pense que ça peut encore
02:55 basculer et que la majeure partie des jeunes ne se disent pas aujourd'hui catégoriques sur le fait
02:59 de ne pas avoir des enfants.
03:00 Comment vous recevez ces propos, Jean-Bienvent de Baume ? Vous qui venez donc de publier un livre
03:04 qui est l'ode à la parentalité, où vous dites que les enfants sont pour les adultes de petit
03:09 Socrate qu'ils sont les visages de l'espoir. Vous comprenez cette génération, une partie d'entre
03:15 elles en tout cas, et leur refus de principe, non ? Pas d'enfants ?
03:19 Je comprends très bien. J'ai grandi dans un milieu où on trouvait que le monde était très dur,
03:24 très violent et qu'il fallait être totalement taré pour y mettre un enfant. Et pourtant,
03:29 j'ai mis effectivement trois enfants et récemment une petite fille qui a maintenant un an. Et si
03:35 vous voulez, ce qui est marrant, c'est que quand on discute, on est en plein débat et on argumente.
03:39 Moi, j'argumentais. Je disais "mais non, mais c'est taré, mieux vaut mille fois crever que de vivre
03:44 dans le monde que vous êtes en train d'aménager", disait Georges Bernanos, qui est un des héros de
03:48 mon livre. Mais en fait, une fois qu'on a un enfant, la question de la peau se pose, une fois qu'on a
03:55 affaire à ce petit être énigmatique, que ce soit le vôtre ou celui de quelqu'un d'autre, une fois
04:00 qu'on est livré à cette présence tellement renversante, tellement subversive, en fait on voit
04:04 bien que, comme le dit Anna Arendt, il n'y a pas d'espérance sans enfant. Ce que, en fait, dès qu'on
04:09 veut penser le monde, y compris le monde qui s'effondre, y compris le monde qui menace d'aller
04:13 à sa perte quand on est au bord du gouffre, en fait, plus on est au bord du gouffre, plus il faut
04:17 assurer la continuité de ce monde. Et Anna Arendt, que je cite dans le livre, disait "chaque naissance
04:21 est un miracle qui sauve le monde". Chaque naissance vient assurer la continuité du monde. C'est comme
04:26 s'il n'y avait eu personne avant. Et en fait, moi, en ce moment, j'assiste à cet incroyable
04:31 miracle qui sauve le monde et qui est un miracle toujours renouvelé des premières fois. La première
04:35 fois que la main se ferme sur un objet, la première fois qu'un mot est prononcé, la première fois
04:39 qu'il y a un rire, qu'il y a de l'ironie, etc. Et en fait, quand on n'est plus dans l'argumentation, mais
04:44 qu'on est confronté, qu'on accepte en fait de se confronter à cette présence, en fait tous les
04:48 discours s'effondrent et notamment le discours que j'ai longtemps tenu moi-même, qui est plutôt
04:53 crevé que de mettre un enfant dans ce monde-là. - Salomé Saké, vous êtes touché par les mots de
04:58 Jean-Bernebaum ? L'histoire de la peau, de la main qui se met pour la première fois dans votre
05:03 main, etc. Ou vous dites "non, c'est un doux naïf, les enfants ne sauveront pas le monde, les enfants,
05:09 faire un enfant, c'est pas la renaissance, c'est pas l'espérance, c'est pas là que ça se trouve".
05:13 - Si, je pense que faire un enfant, c'est l'espérance, justement. C'est avoir espoir en l'avenir. Et ce
05:17 que j'ai essayé de documenter dans mon enquête, c'est qu'aujourd'hui, c'est ce qui manque cruellement
05:21 à une partie des jeunes. On a une partie de la jeunesse qui n'arrive plus à se projeter dans
05:24 l'avenir, qui n'arrive plus à espérer. On a parlé de l'écologie parce que bien sûr c'est l'éléphant
05:29 au milieu de la pièce. Mais il y a aussi des raisons économiques, des raisons politiques,
05:33 démocratiques. C'est qu'il y a cette sensation, chez une partie de ma génération et des générations
05:37 qui arrivent, que tout est en train de s'effondrer, que notre avenir n'est plus garanti et qu'on ne
05:41 pourra pas subvenir aux besoins de cet enfant. Une question qui est souvent posée, c'est "est-ce
05:45 qu'on fait des enfants, est-ce qu'on arrête de faire des enfants pour sauver la planète ?" La
05:49 plupart des jeunes que j'ai rencontrés qui ne voulaient pas d'enfants, c'était pas pour sauver
05:52 la planète, puisqu'en plus ça ne résout rien sur le plan climatique, ça a déjà été démontré. C'était
05:56 vraiment parce qu'ils ne se sentaient pas en capacité de protéger, de subvenir aux besoins de
06:02 cet enfant. Et aujourd'hui, quand on voit que les premiers précaires en France, ce sont les jeunes,
06:06 quand on voit à quel point les emplois notamment des jeunes sont fragilisés, quand on voit toutes
06:10 les conséquences, encore une fois, de ce dérèglement climatique, de cette perte de la biodiversité,
06:13 moi j'appelle juste à essayer de comprendre ces jeunes qui ne se sentent pas assez en sécurité
06:18 pour pouvoir procréer. - Ils sont pas assez armés. - Exactement. - Je comprends parfaitement, il y a toujours eu
06:23 mille raisons de ne pas pouvoir avoir d'enfants, de ne pas vouloir avoir d'enfants. Il y a aussi
06:26 des gens, vous disiez ceux qui ne se sentiraient pas capables ensuite, mais il y a aussi des gens
06:29 qui ne font pas d'enfants parce qu'ils se disent "je serai submergé par l'amour, je ne pourrai même
06:34 pas faire face à ce trop", parce que c'est trop d'émotion, trop de responsabilité, trop d'audace
06:38 à venir. - C'est trop Jean-Bien-Pomme ? - C'est beaucoup, regardez ma gueule ! Mais en fait,
06:44 vous savez, à ce micro-là, quand même, à votre micro, il y a quelques mois, Geoffroy de Laganerie
06:49 était venu pour expliquer qu'être parent, c'était vraiment, devenir parent, c'était embrasser une
06:54 vie de tristesse, de louse, de conformisme, devenir l'esclave triste et gris du système patriarcal et
07:01 de la violence et du système de... - C'est ce qui vous a motivé d'ailleurs dans l'écriture dans ce livre,
07:04 d'entendre le livre de Geoffroy de Laganerie qui effectivement n'est pas très allant dans l'idée
07:09 de faire des enfants, qui en parle comme d'une prison et qui fait une ode à l'amitié à contrario.
07:15 - Mais moi, je partage beaucoup ces choses sur l'amitié, mais si vous voulez, mon livre était
07:18 déjà assez avancé quand je l'ai entendu à votre micro, mais ce que je veux dire, c'est qu'il y a
07:22 quelque chose dans l'air du temps, effectivement, c'est qu'il y a ces angoisses, mais il y a aussi un
07:25 discours anti-enfant qui se développe, qui est très fort, et ce qui est marrant, c'est que ce discours
07:29 puisse, et c'est presque touchant, moi quand je l'ai écouté, je me disais "c'est presque touchant que
07:32 ce discours-là, de dire que devenir parent c'est triste, c'est conformiste, c'est devenir
07:38 l'esclave d'un système, etc." En fait, c'est marrant que ce discours-là puisse se dire subversif,
07:43 parce qu'en fait, c'est un discours qui en dernière instance revient à se protéger de ce qu'il y a de
07:48 plus subversif dans l'existence. Parce que s'il y a bien une chose que moi, je ne pense pas, que j'ai
07:52 constaté, que je sens, c'est pas un argument, c'est une émotion solide, c'est que l'enfant
07:58 vous propulse dans un territoire où toutes les certitudes, toutes vos certitudes explosent,
08:03 où toutes les dynamités, tous vos stéréotypes, normalement, si vous vous livrez à cette expérience
08:07 dans un an, après, vous êtes moins con. Après, beaucoup d'enfants, peut-être que moi j'ai eu un mal.
08:11 Mais ce que j'essaie de montrer, c'est que... - C'est un doux rêveur, Salomé Sarkozy.
08:14 - Ce que j'essaie de montrer, pardon, c'est qu'il y a une portée très politique à tout ça. Très politique.
08:18 Non seulement, ça dynamite vos certitudes, mais qu'en plus, c'est absolument central, et Anne Arendt le dit,
08:23 elle dit "la naissance, la natalité, doit être une catégorie centrale de toute pensée politique.
08:27 Il n'y a pas de naissance ou d'espérance sans naissance. On ne peut pas penser à un nouveau monde
08:32 sans penser quelque chose comme le nouveau-né." Et voilà. Et je pense que du point de vue de
08:35 l'émancipation, de la même manière, j'ai tout un chapitre sur les militants révolutionnaires.
08:39 Est-ce qu'on peut... Je cite Rosa Luxembourg, grande révolutionnaire, qui, pour elle, elle n'a pas eu d'enfant,
08:44 mais pour elle, c'était évident que... Elle, qui était une bolchevique de fer, pas une bolchevique,
08:49 mais une grande révolutionnaire, très solide, etc. Pour elle, il était évident qu'il y avait un lien
08:53 entre le désir de révolution et le désir de donner la vie, le désir de génération. Voilà.
08:59 Et ça, je pense que c'est très important. C'est pas que des cucutris mièvres.
09:03 Salomé Sake !
09:04 Je comprends que ce soit aussi un facteur, effectivement, de réflexion, d'épanouissement, de joie.
09:09 Tout ce qu'apportent les enfants, je ne le nie pas, je n'en ai pas moi-même, je ne peux pas en parler.
09:12 Je respecte et je considère les gens qui ont des enfants. Ce que je déplore, c'est qu'on ne respecte pas
09:17 et qu'on ne considère pas de la même manière ceux qui refusent d'avoir des enfants.
09:21 Et qu'il y ait toujours une espèce de présomption, un égoïsme, c'est d'ailleurs, ça fait partie d'un titulé du débat,
09:25 chez celles et ceux qui ne veulent pas d'enfants, et celles particulièrement.
09:28 Et je crois qu'aujourd'hui, en dehors des considérations écologiques, économiques, il y a aussi des personnes
09:33 qui tout simplement veulent s'épanouir autrement, veulent avoir d'autres sources de réflexion,
09:39 d'autres sources de transformation profonde, puisque c'est une transformation profonde d'avoir un enfant.
09:43 Et moi, je rêve d'un monde où juste on laisse les gens tranquilles avec leur choix de reproduction ou non.
09:50 Et puis, il y a des fois aussi où ce n'est pas un choix. Donc j'aimerais vraiment qu'on arrive à apaiser ce débat-là.
09:55 Et ce que je voulais un petit peu dénoncer sur les réactions qu'il y a eu à mon livre,
09:58 c'est que je ne trouve pas ça normal que ça dérange encore autant que simplement une journaliste au détour d'une page
10:05 affirme à un moment qu'elle ne souhaite pas d'enfant parce qu'elle est inquiète pour la planète.
10:09 - Jean-Berne Baum, c'est égoïste de ne pas vouloir d'enfant ?
10:12 - Non, non, mais pas du tout. Je ne suis pas du tout un prédicateur de maternité ou un prêcheur de bébés.
10:16 - Un peu quand même !
10:17 - J'essaie de transmettre quelque chose que je ressens, mais je ne dis pas du tout que j'ai raison.
10:22 Non seulement, je comprends tout à fait toutes ces choses-là, mais en plus, dans le livre, je cite beaucoup de gens
10:27 qui n'ont pas eu d'enfant eux-mêmes.
10:29 - Vous nous citez Anna Arendt depuis le début, j'ai failli vous dire qu'elle n'a pas eu d'enfant.
10:32 - Donc ma question n'est pas avoir soi-même des enfants, mais simplement, j'essaie de montrer,
10:36 en citant à la fois des auteurs que j'aime et des scènes du quotidien, des choses très émues, etc.
10:41 J'essaie de montrer que oui, il n'y a pas d'espérance sans enfance et qu'en dernière instance, à un moment donné,
10:48 moi, quand je dis ce qu'il y a à dire ou quand je vois ce qu'il y a à voir, souvent, ce n'est pas que j'ai des enfants.
10:55 C'est que je me branche sur un certain esprit d'enfance, ce que Bernano s'appelait l'esprit d'enfance.
10:59 Ça ne veut pas dire qu'il faut soi-même avoir des enfants, mais l'esprit d'enfance, c'est tout,
11:02 sauf une espèce de naïveté cuculapraline.
11:05 C'est souvent une espèce de foudroyante simplicité ou de lucidité supérieure qui a un rapport,
11:09 qui a quelque chose de très politique.
11:11 Et d'ailleurs, c'est pour ça que les régimes totalitaires ou les régimes autoritaires s'en prennent toujours aux enfants
11:15 et que les gens qui s'en prennent au corps des femmes, etc.
11:17 François Ziritier, grand anthropologue, a eu des passages magnifiques et terribles sur les viols collectifs,
11:22 sur la façon dont l'oppression des femmes est toujours passée par une violence masculine
11:28 qui voulait d'abord mettre la main sur le ventre des femmes,
11:30 et comment les miliciens serbes, etc. violaient les femmes en disant
11:34 « toi salope, t'auras un enfant serbe, etc. je te viole, etc. »
11:37 Et donc, évidemment, le corps fait…
11:39 Moi, j'ai été élevé par une mère de stricte obédience féministe.
11:41 Je sais très bien que tout ça, il y a la culpabilisation, il y a de l'oppression
11:44 et qu'il faut faire attention à ces sujets-là.
11:46 Mais ça n'empêche pas, comme si je dirais, il ne faut pas jeter le bébé révolutionnaire
11:50 avec l'eau du bain patriarcal ou oppressif.
11:52 Il faut s'autoriser et constater que, en dernière instance,
11:56 oui, comme le dit Arendt, qui n'a pas eu d'enfant,
11:58 eh bien, on ne peut pas parler de nouveau monde
12:01 ou espérer un nouveau monde radicalement neuf
12:03 sans poser la question du… au moins affronter la question du nouveau-né.
12:06 - Salomé Saker ?
12:07 - Oui, une chose sur le mouvement No Kids,
12:09 qui justement suscite tant d'indignation, tant de réactions.
12:12 Avant de venir dans ce studio, j'ai tapé « No Kids » sur Google Actualité
12:15 pour voir ce qui ressortait.
12:16 Résultat, j'ai eu une flopée d'articles conservateurs qui s'indignaient.
12:19 Que les jeunes ne veuillent plus d'enfants,
12:21 que cela mettrait fin à notre civilisation.
12:23 Donc, on l'a dit déjà, ce n'est pas le cas.
12:24 Ce n'est pas massivement le cas.
12:25 On n'a pas des jeunes…
12:26 On n'a pas une rupture totale dans la baisse de la natalité.
12:30 - La baisse continue.
12:32 - Elle continue et ça a été un record cette année.
12:34 En France, notamment, on était fiers de notre taux de natalité
12:37 par rapport à nos voisins européens.
12:38 Eh bien là, ça baisse.
12:39 - Effectivement. - Comme ailleurs.
12:41 - Ça baisse doucement et d'année en année.
12:42 Et puis, effectivement, ça continue doucement à baisser.
12:45 C'est peut-être ça qui doit nous interpeller.
12:46 Mais pour moi, le vrai sujet, c'est pourquoi ?
12:48 C'est comment on en est arrivé au point
12:50 où on n'arrive pas à rassurer assez les nouvelles générations
12:54 pour qu'elles remettent à ce point en question
12:56 le fait de procréer, encore une fois,
12:57 pas forcément par choix ou par envie
12:59 de ne pas vraiment, philosophiquement, avoir des enfants,
13:02 mais aussi par contrainte économique et écologique.
13:04 - Juste une question à la féministe que vous êtes.
13:06 Pour vous, les politiques natalistes dans certains pays
13:09 ou dans certains programmes politiques à droite,
13:12 notamment, ou à l'extrême droite,
13:14 ces politiques natalistes, c'est patriarcal ?
13:18 - Pour moi, c'est patriarcal à partir du moment
13:20 où ça devient une injonction.
13:22 En revanche, c'est féministe quand, au contraire,
13:24 on donne les outils aux femmes et aux hommes d'avoir le choix.
13:27 Et quand on voit qu'en France,
13:28 on a rogné sur les politiques familiales,
13:29 quand on voit à quel point il est difficile
13:31 de trouver une crèche pour un enfant,
13:33 on peut comprendre qu'il y ait des personnes
13:34 qui hésitent tout simplement par manque de moyens.
13:36 Et dans ce cas-là, je crois que ce serait féministe
13:38 de donner à tout le monde les mêmes outils,
13:40 les mêmes moyens pour pouvoir, ou non, avoir des enfants.
13:42 - Un dernier mot, Jean-Bienvent Bon ?
13:43 - Non, mais moi, j'ai sans doute un regard aussi biaisé
13:45 parce que toute mon histoire familiale me laisse penser
13:48 qu'il y a eu des périodes bien pires qu'aujourd'hui
13:50 et qu'à chaque fois, les gens...
13:51 Vous voyez, moi, j'ai grandi dans une famille
13:53 où on parlait beaucoup de la guerre d'Algérie,
13:54 la torture d'Algérie, du Chili,
13:55 où en fait, les 50 ans aujourd'hui,
13:57 en ce moment, des 50 ans du coup d'État
13:58 et la torture au Chili, etc.
14:00 Donc moi, je sais qu'à chaque génération,
14:02 quelle est la génération qui pouvait dire
14:03 "le monde est chouette, je vais me mettre des enfants" ?
14:05 Et je viens d'une famille, surtout,
14:07 qui a traversé beaucoup de choses
14:08 et où en fait, on avait presque l'idée inverse,
14:11 c'est-à-dire que c'est parce que le monde était horrible
14:12 qu'il fallait lui assurer une continuité
14:14 et le rendre meilleur avec des enfants.
14:15 Et quelque part, moi, presque charnellement,
14:18 je porte cet espoir ou cette idée
14:20 que toute vie est une survie dont l'enfant est le garant.
14:24 - Une transition, parce que nos prochains invités,
14:27 c'est une mère et son fils.
14:29 - Voilà, Claude et Evelyne Ascolovitch.
14:31 Merci à tous les deux d'avoir été au micro d'Inter.
14:34 La famille Ascolovitch, après "A lovely day".

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