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Mathieu Bock-Côté propose un décryptage de l’actualité des deux côtés de l’Atlantique dans #FaceABockCote

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Transcription
00:00 Bonsoir à tous et bienvenue dans votre rendez-vous du samedi soir face à Boccote.
00:05 Bonsoir Mathieu.
00:06 Bonsoir.
00:07 Bonsoir Arthur de Vatrigan, directeur de la rédaction de L'Incorrect.
00:10 Et on en profite justement pour rappeler la une de ce mois-ci que vous allez voir s'afficher.
00:15 Richard Mier, Renaud Camus, Prophète et Paria, entretien croisé sur la guerre qui vient.
00:20 On va prendre le fil de nos discussions dans un instant mais tout de suite l'actualité
00:23 c'est avec vous, Mathieu Devesse.
00:24 Bonsoir Mathieu.
00:25 Bonsoir Élodie, bonsoir à tous.
00:27 Cessez les combats et négociez.
00:29 Voici le message des familles d'otages retenues dans la bande de Gaza.
00:33 Elles se sont de nouveau rassemblées ce soir à Tel Aviv pour interpeller le gouvernement
00:37 israélien.
00:38 Ce rassemblement survient, on le sait, au lendemain de l'annonce de la mort de trois
00:42 otages tués par erreur par l'armée israélienne.
00:45 Un homme de 22 ans est mort à Marseille après un refus d'obtempérer.
00:49 Les faits se sont déroulés dans la nuit de vendredi à samedi dans le 9e arrondissement
00:52 de la ville.
00:53 Sur un scooter, l'homme a refusé d'obtempérer au contrôle effectué par une équipe de la
00:57 BAC.
00:58 L'ambulance poursuite s'est alors engagée et le jeune homme a perdu le contrôle de
01:02 son véhicule avant de chuter.
01:03 Il a succombé à ses blessures cette nuit.
01:06 Enfin, Alex Batty sera rapatrié ce soir vers le Royaume-Uni.
01:10 Le jeune britannique de 17 ans a décollé de Toulouse pour Londres.
01:13 Disparu depuis six ans, il a été retrouvé cette semaine en France.
01:16 Une histoire incroyable.
01:17 Il sera rendu ce soir à sa grand-mère maternelle, à laquelle la justice avait confié sa garde
01:22 avant que sa mère ne l'enlève en 2017 à l'occasion de vacances en Espagne.
01:27 Merci à vous Mathieu.
01:30 Prochain point sur l'actualité dans 30 minutes.
01:33 On commence donc les discussions.
01:34 Vous allez nous parler de l'état de droit parce que les débats qui entourent la régulation
01:38 possible de l'immigration aboutissent souvent à une réflexion sur la nature et les contraintes
01:43 propres à l'état de droit aujourd'hui.
01:44 Mais de quoi parle-t-on justement quand on parle de l'état de droit ? C'est le thème
01:48 de votre premier édito.
01:49 Oui, c'est assez fascinant de voir les références incessantes, les références qui toujours
01:53 reviennent à l'état de droit, un état de droit totémisé et parce que totémisé
01:58 à peu près jamais défini.
02:00 C'est-à-dire qu'on nous dit état de droit, état de droit, état de droit et dès lors
02:03 apparemment la pensée doit s'éclipser, les hommes et les femmes doivent s'aplatir.
02:07 On a parlé de l'état de droit et comme si on avait brandi devant eux un totem, ils
02:12 devaient désormais se taire.
02:13 Or, de quoi parle-t-on lorsqu'on parle d'état de droit ? Il va falloir revenir à la question
02:17 de la définition.
02:18 Mais voyons seulement trois épisodes récents qui nous montrent le délire autour de ce
02:23 concept, je le disais à l'avance, concept qu'il faut préserver mais dont on doit retrouver
02:27 la définition initiale.
02:29 On le sait, Gérald Darmanin cette semaine s'est démené, c'est le moins qu'on puisse
02:33 dire, pour renvoyer, c'est fait, en Ouzbékistan, dont un, alors la formule peut sembler être
02:40 un Ouzbék radicalisé, un Ouzbék radicalisé qui est considéré par la France comme dangereux
02:45 pour le pays, mais je note qu'il y a en son propre pays était jugé dangereux aussi,
02:50 il ne faut quand même pas l'oublier.
02:52 Donc, il est renvoyé en fonction d'un critère d'intérêt national, un critère d'intérêt
02:57 national, c'est-à-dire que cet homme sur notre territoire peut dériver, peut basculer
03:03 vers l'atroce et de ce point de vue, nous l'éloignons du territoire national.
03:05 Et là, qu'est-ce qu'on voit ? On voit le conseil d'État dire « j'exige que vous le
03:10 ramenez, vous devez le ramener au nom des exigences de l'état de droit ». Donc, cet Ouzbék
03:17 radicalisé qui par ailleurs retournait chez lui régulièrement, il ne faut pas l'oublier
03:20 soit-disant en passant, il a eu le temps de faire un enfant en Abaye et tout ça, il faut
03:24 le ramener à tout prix et même, et là ça fait partie du discours qui traîne, on nous
03:29 dit même s'il est dangereux pour le pays, même s'il a un profil très inquiétant,
03:33 même si on le croit menaçant pour la sécurité nationale, on doit néanmoins le ramener et
03:38 les juges, donc à tout le monde, cette fonction, ces cours suprêmes pour reprendre la formule
03:43 de Laurent Wauquiez, dans ce cas-là c'est le conseil d'État, donne un ordre et apparemment
03:47 le politique devrait se coucher.
03:50 Et Gérald Darmanin dit, non, je cite, son propos est intéressant « J'ai décidé
03:54 de le renvoyer dans son pays, qu'importe les décisions des uns et des autres, nous
03:57 allons tout organiser pour qu'il ne puisse pas revenir ». Mais vous vous rendez compte
04:01 qu'on parle ici d'un élu, on parle du ministre de l'Intérieur, on parle d'un
04:04 homme qui est censé avoir le pouvoir sur cette question et qui sur cette question se
04:08 comporte tout à fait honorablement.
04:09 Mais qu'est-ce qu'on lui explique?
04:10 Qu'il n'a pas le pouvoir dans le contexte juridique actuel d'assurer la sécurité
04:16 des Français.
04:17 L'État de droit l'empêche d'assurer la sécurité des Français.
04:21 J'y vais avec deux autres événements récents qui me semblent importants de garder à l'esprit
04:26 parce qu'ils sont dans la même, on pourrait dire, continuité idéologique.
04:29 On se souvient de l'affaire de Lohéan-Viking il y a quelques mois.
04:32 On se souvient, on se dit est-ce qu'on doit accepter ou non qu'il accoste, qu'il s'installe,
04:38 que faire des migrants qui sortiront de là?
04:40 On se dit mais ils vont fuir, ça nous apparaît évident.
04:42 Tout ça a été écrit à l'avant, nous le savions.
04:44 Et lorsque les migrants qui sont arrivés dans un camp de rétention, je peux me permettre
04:49 ce qui passe vaguement pour tel, sont là, au bout de quelques jours, la plupart sont
04:53 perdus dans la nature, ils se sont sauvés.
04:56 Que dit à ce moment le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran?
05:00 Il explique, parce qu'on se dit c'est un fiasco ce qui s'est passé, c'est grave.
05:04 Ce n'était pas un fiasco, c'est ce qu'on appelle l'État de droit.
05:08 Alors là, on pourrait commencer à avoir des points d'interrogation qui fleurissent dans
05:11 notre esprit.
05:12 C'est-à-dire si l'État de droit, cela consiste à faire en sorte que ceux qui arrivent ici
05:17 sans en avoir le droit, s'imposent sans en avoir le droit et quittent finalement, se
05:23 perdent dans la nature sans en avoir le droit au sens formel, et ça c'est l'État de droit,
05:28 donc on commence à dire que cet État de droit, on devrait peut-être le questionner
05:30 un peu, à tout le moins de temps en temps.
05:33 Et le même Olivier Véran a eu une déclaration semblable tout récemment, on s'en souvient
05:38 après l'attaque de Bir Hakeim, donc l'attentat terroriste, islamiste, je cite « une attaque
05:45 terroriste a retentit dans Paris.
05:47 Elle a été commise par quelqu'un connu des services de police et sanitaire.
05:51 Les premiers éléments préliminaires de l'enquête dont on dispose montrent que les parcours
05:55 médicals, administratifs, pénals de cet individu sont conformes à ce qui a été prescrit
06:00 et l'État de droit.
06:01 » Là, ça fait trois en trois.
06:03 C'est-à-dire, encore une fois, l'État de droit nous explique ici qu'on a respecté
06:07 les règles intégralement, on ne les a pas bafouées, on ne les a pas piétinées et tout
06:11 ça fait en sorte que l'action du, appelons ça, du terroriste était presque balisée
06:16 légalement.
06:17 C'est-à-dire, elle était conforme aux règles en quelque sorte.
06:20 Et donc là, si ce qu'on appelle l'État de droit totémisé, eh bien, il permet dans
06:25 les circonstances de la délinquance, le terrorisme, l'immigration massive, phénomène distinct
06:29 évidemment, mais qu'il condamne chaque fois le politique à l'impuissance, on serait
06:33 peut-être en droit de se dire « mais est-ce que quelque chose ne va pas dans l'État
06:37 de droit ? »
06:38 Mais justement, tout le monde parle de cet État de droit, mais comment le définissent
06:41 ceux qui le défendent justement ?
06:42 Alors ça, c'est la grande question.
06:43 Parce que l'État de droit, on est tous favorables en un seul sens, mais qu'est-ce
06:46 qu'on entend par là ? Et là, encore une fois, toutes les questions de définition.
06:50 Alors traditionnellement, l'État de droit, c'est un État où il y a une cour constitutionnelle
06:55 ou à tout le moins une cour de justice supérieure ou une cour suprême qui encadre, qui balise
07:00 l'action de l'État à partir de la constitution, mais à la lumière des intentions du constituant
07:06 et du législateur, et on dit « l'action sera balisée, donc c'est pas nous qui
07:10 créons, c'est pas nous les juges qui imposons notre version du droit, c'est pas nous
07:14 les juges qui imposons notre conception du droit, le législateur a posé une constitution
07:19 à partir du constituant, et ce qu'on doit faire, c'est interpréter le droit, en fait
07:23 l'action politique à cette lumière.
07:25 Et qu'est-ce qu'on a vu depuis 40 ans ? Une forme de coup d'État des juges, pour
07:28 reprendre la formule d'un autre, on pourrait aussi parler d'un coup d'État des cours
07:32 suprêmes, les formules sont nombreuses, qu'est-ce qui s'est passé ? C'est un véritable détournement
07:36 de pouvoir.
07:37 Les juges ont dit, un peu partout en Occident, c'est pas exclusif à la France, les juges
07:40 ont dit « en fait, le droit se présente à nous et nous allons l'interpréter,
07:45 nous allons l'interpréter de manière créative pour voir ce que pourrait vouloir dire ce
07:50 droit nouveau, ce droit posé, ce droit supposé dans le contexte présent.
07:55 Et le pouvoir des juges n'a fait que s'étendre et le pouvoir des politiques n'a fait que
07:59 se réfracter.
08:01 Souvent, je l'ajoute, avec la lâcheté des politiques qui consentaient à ce coup d'État,
08:06 comme s'ils se déchargeaient de leurs responsabilités.
08:07 Mais pourquoi veulent-ils être aux affaires s'ils veulent se décharger de leurs responsabilités.
08:11 Mais quoi qu'il en soit, l'idée c'est toujours la même, maintenant on nous dit
08:13 qu'il y a le bloc de constitutionnalité, ou encore il y a les nombreux textes, ce qu'on
08:20 appelle les engagements internationaux de la France ou des autres pays, mais encore
08:23 une fois ces engagements internationaux ont rarement été balisés ou avalisés par référendum.
08:27 On n'a pas souvenir du peuple français ou du peuple hongrois ou du peuple irlandais
08:32 qui acceptent en tant que tel, dans un moment référendaire fort, de dire nous acceptons
08:35 de transférer la légitimité, de transférer le pouvoir vers les organes de la superstructure
08:41 post-nationale qui se présentent aujourd'hui comme la grande référence juridique.
08:45 Donc il y a eu un changement, le mot État de droit a changé de signification.
08:48 C'était le contrôle en fonction, je le redis c'est important comme distinction,
08:52 en fonction de la constitution qui était le fruit du constituant, donc le peuple, et
08:57 posé par le législateur qui dépend directement du peuple.
09:00 Et peu à peu, on pourrait dire depuis 40 ans, la démocratie a consisté à s'affranchir
09:05 de plus en plus du peuple.
09:06 Il fallait s'affranchir de la souveraineté populaire.
09:08 Pourquoi s'en affranchir?
09:09 Parce que la souveraineté populaire s'était vue finalement comme étant la base du populisme,
09:14 la base même de l'extrême droite on le dirait aujourd'hui.
09:16 Et rappelez-vous au moment de la dernière présidentielle quand on cherchait à savoir
09:20 pourquoi Marine Le Pen avait encore été tiquetée à l'extrême droite apparemment,
09:24 on disait c'est parce qu'elle veut faire un usage du référendum.
09:26 Donc le référendum, qui est la marque démocratique par excellence, est vu aujourd'hui comme l'ennemi
09:32 potentiel de l'État de droit.
09:34 Et là on est dans une tension.
09:35 État de droit et démocratie devraient aller ensemble, devraient aller de pair.
09:40 Et manifestement aujourd'hui, ils se présentent l'un contre l'autre, et notez aussi, là
09:44 je réfère à quelqu'un d'autre, quand Éric Zemmour était dans sa lancée, c'est
09:47 plus le cas aujourd'hui, mais quand il était dans sa lancée au moment de la dernière présidentielle,
09:52 à un moment donné je crois que c'est Pierre Moscovici qui s'inquiète, il dit « si il
09:56 prenait le pouvoir qu'est-ce qui arriverait? »
09:57 Et il nous explique que l'État de droit à ce moment-là est parfaitement capable
10:01 de résister à une éventuelle prise de pouvoir démocratique d'un Éric Zemmour qui voulait
10:05 faire notamment son référendum sur l'immigration.
10:07 Pourquoi on parle tant de référendum aujourd'hui?
10:10 Parce qu'on se dit puisque le régime s'est transformé complètement, il faut en revenir
10:13 au peuple, et quand on revient au peuple, vers la souveraineté populaire, on pourrait
10:17 configurer les institutions autrement et se délivrer de cette version falsifiée, dénaturée
10:22 qu'est l'État de droit.
10:23 Mais que nous répond aujourd'hui l'oligarchie, que nous répondent les élites mondialisées,
10:28 les élites diversitaires?
10:29 Elles nous disent non, pas du tout, nous avons notre conception de l'État de droit et
10:33 vous qui voulez retourner vers le peuple, vous êtes les vrais ennemis de la démocratie.
10:37 On est dans ce moment paradoxal où finalement aujourd'hui le peuple est vu comme l'ennemi
10:41 de la démocratie et à travers ça, dernière chose, la logique du droit pensée par le
10:47 pseudo État de droit, pense comme ça, c'est une machine à concasser la société, à
10:51 la fragmenter, à l'éparpiller, à l'émietter, le bien commun n'existe plus, la nation n'existe
10:56 plus, l'intérêt général n'existe plus, ce qui existe ce sont les individus qui absolutisent
11:02 leurs droits supposés parce qu'en plus les droits, nos juges ne cessent d'en inventer.
11:06 On avait des droits, maintenant on préserve une conversion des désirs en besoins, des
11:10 droits en droits fondamentaux et à partir de là, chacun il vote son droit opposable
11:15 ou non à l'État.
11:16 Vous n'avez pas le droit, la norme commune est illégitime, elle est discriminatoire,
11:19 elle ne doit pas exister.
11:21 Donc qu'est-ce qu'on voit avec ça au final?
11:23 C'est la nation qui s'émiette et qui ne cesse de s'émietter et qui continuera à
11:27 s'émietter toujours.
11:28 C'est une machine à broyer la société et de ce point de vue, ce concept commence à
11:34 avoir un peu, on pourrait dire, il commence à se retourner contre sa vocation initiale.
11:39 Mais justement, il y a une question qui revient en boucle, faut-il en finir avec l'État
11:42 de droit?
11:43 Bien sûr que non, parce que nous sommes des démocrates libéraux civilisés.
11:45 Mais il faut en revenir à une conception classique de l'État de droit, une conception
11:50 classique de l'État de droit, c'est-à-dire qui revient à la défense des libertés publiques.
11:54 Les libertés publiques, c'est essentiel, les libertés publiques, c'est fondamental,
11:57 il faut revenir à cela.
11:58 Je note cela dit, et revenir aussi à la souveraineté populaire, penser la tension
12:03 souveraineté populaire, liberté publique qui est au cœur de la démocratie libérale.
12:06 Je note une chose cela dit sur l'État de droit version 2023, il ne s'interdit pas
12:11 étrangement les persécutions politiques nombreuses.
12:13 Moi, je suis fasciné par l'indifférence avec laquelle on accueille le traitement de
12:17 la mouvance dite identitaire en France.
12:19 Il ne s'agit pas d'être d'accord ou non avec cette mouvance, il s'agit de considérer
12:23 que c'est un courant politique qui existe et qu'on cherche aujourd'hui à rendre illégal,
12:27 en fait, à la frapper d'interdiction juridique.
12:30 Les militants, ils se présentent avec des bannières, ils se présentent, on cherche
12:34 à interdire leur manifestation, on interdit leur colloque, on interdit leur rassemblement,
12:39 on leur interdit de brandir plusieurs de leurs slogans.
12:43 Donc, on a une mouvance qui aujourd'hui cherche à agir dans les paramètres du droit, dans
12:48 les paramètres de la paix civile, dans les paramètres de la concorde civique.
12:51 On peut être en désaccord complet avec eux, mais d'un point de vue libéral, et je n'insiste
12:54 pas d'un point de vue identitaire, d'un point de vue libéral, ces persécutions politiques
12:59 et financières et juridiques, on ferme un compte en banque, on ferme un autre compte
13:03 en banque, on met en garde à vue, on dissout l'organisation.
13:06 Moi, cette persécution politique, cette persécution juridique, aujourd'hui, contre la mouvance
13:10 dite identitaire, nous rappelle que cet État de droit ne défend pas le droit de tous ses
13:14 membres et n'hésite pas à utiliser des méthodes autoritaires et arbitraires contre
13:17 ceux qu'on appellera les ennemis du régime, qui se transforment dès lors en dissidents.
13:21 Arthur de Vatrigan, justement, sur l'État de droit, est-ce que c'est devenu aujourd'hui
13:24 un peu un concept fourre-tout, chacun en fait ce qu'il en veut et l'érige en grand principe
13:28 quand ça les arrange, surtout du côté des responsables politiques ?
13:30 Je ne sais pas vous, mais moi, quand j'étais petit, on m'avait dit, être français, vous
13:34 savez, ça peut être comme Cyrano, c'est-à-dire emporter malgré les autres, sans implices,
13:39 sans une tâche, sans panache.
13:40 Et aujourd'hui, quand on écoute tous les sachants, on a l'impression qu'être français,
13:43 c'est mourir en emportant avec soi l'État de droit.
13:45 C'est le nouveau truc.
13:46 Alors tout de suite, on est moins pressé, évidemment, d'entrer chez Dieu, même si
13:49 notre salut balaye le seuil bleu, mais l'État de droit, en effet, je pense que c'est devenu
13:53 un mot valise, un peu comme les valeurs de la République.
13:55 On ne sait plus trop ce qu'il y a dans le caddie, mais surtout, il ne faut pas y toucher.
13:58 Quand bien même cet état de droit permettrait à notre bourreau de forcer la serrure pour
14:03 entrer dans notre maison, et quand bien même, il aura envie d'y rester, et pourquoi pas
14:07 même rejouer Roméo et Juliette à la machette ? On n'y touche pas.
14:10 Sauf que l'État de droit, ce n'est pas un totem.
14:13 Ça n'a jamais été, ce n'est pas un totem, surtout devant lequel le peuple français
14:17 doit s'agenouiller.
14:18 Et comme le dit très bien Jean-Louis Chottel, qui est l'ancien secrétaire général du
14:22 Conseil constitutionnel, l'État de droit doit rester le correctif de la souveraineté
14:27 populaire et non dévitaliser cette dernière.
14:30 Or, la réalité aujourd'hui, c'est que l'intérêt individuel au nom de l'idéologie
14:35 des droits lomistes a supplanté l'intérêt général, a supplanté le bien commun à
14:39 quelques rares exceptions près.
14:40 Mathieu parlait des identitaires qui étaient plus ou moins menacés, vous pouvez se poser
14:48 la question, pardon, où était l'État de droit à ce niveau-là ? Rappelez-vous,
14:51 l'association d'Amia Christiana, qui est menacée de dissolution, son président fondateur
14:55 a annoncé aujourd'hui que son compte en banque personnel avait été fermé et l'argent
14:59 saisit.
15:00 Bon, il paraît que les banques ont le droit de faire ça, donc c'est cool, l'État
15:03 de droit existe.
15:04 Bon, pour finir, je citerai juste pour une fois François Mitterrand, qui disait, qui
15:08 avait profitisé que les juges avaient eu la monarchie et qu'ils tueront la République.
15:12 On va passer maintenant au deuxième thème d'Edito, on va parler de Gérard Depardieu,
15:17 puisque forcément ça remue le débat public.
15:20 On le sait, ses propos sur les femmes ont été rapportés dans un complément d'enquête
15:23 et ça fait vivement réagir.
15:25 Certains ont annoncé justement qu'ils n'allaient plus diffuser les films de Gérard Depardieu,
15:29 c'est le cas de la RTBF par exemple en Belgique.
15:31 D'autres refusent de céder à la pression et continueront de les diffuser.
15:35 Qu'est-ce que vous pensez Mathieu de cette controverse ?
15:36 Alors, je trouve qu'on est dans un moment authentique de grandes confusions intellectuelles
15:42 et de culture de l'annulation.
15:44 Alors, on s'entendra, on va le poser à la base, les propos de Depardieu qu'on a entendus
15:48 révoltent à peu près tout le monde.
15:50 Je dirais, tous ceux qui sont civilisés de près ou de loin trouvent que de tels propos
15:53 sur les femmes sont dégradants.
15:55 Et je n'ai entendu personne dire « ce sont des propos qui sont dans le truc ».
15:59 C'est le simple bon sens, personne ne dit une chose comme ça.
16:01 Ses propos sont choquants.
16:02 Mais là, très rapidement, on bascule parce qu'on est dans une société de l'immédiateté.
16:07 On est dans une société qui n'aime rien tant que censurer, une société qui n'est
16:10 plus capable de penser l'autonomie des œuvres d'art, une société qui n'est plus capable
16:14 de penser la distinction entre, je dirais, un homme et la part horrible qui peut sortir
16:18 de lui.
16:19 Vous trouvez quelqu'un comme Depardieu, désormais, il ne sera plus dans l'espace
16:22 public que ses propos.
16:23 On effacera complètement le reste de son existence et de son œuvre et on entre dès
16:28 lors dans la logique de ce que j'appelle l'encyclopédie soviétique, c'est-à-dire
16:31 vous êtes un personnage qui est désormais qui cause problème pour le régime, eh bien
16:35 on va tout simplement vous effacer de l'encyclopédie soviétique.
16:38 C'était le remplacement connu de Beria par le détroit de Béring parce que Beria n'était
16:43 plus de bonne réputation en URSS.
16:45 Qu'est-ce qu'on voit?
16:47 On se dit, Depardieu à ce que j'en sais, Arthur en dira davantage, c'est un des plus
16:51 grands acteurs français et probablement même du monde occidental des dernières décennies.
16:55 Ses films et ses œuvres existent en eux-mêmes.
16:58 Ses films et ses œuvres ont une valeur propre.
17:01 Or quand la RTBF, mais on l'entend aussi, on a eu la proposition en France, en France
17:05 déjà on dit, pour l'instant ce n'est pas le cas, mais on dit il ne faut plus diffuser
17:09 ses films.
17:10 Premièrement, c'est une simple logique de censure.
17:12 D'abord c'est une volonté d'éradication culturelle.
17:14 On décide que ce qui a existé n'existera plus ou alors on va faire un index des films
17:19 proscrits.
17:20 À la rigueur, on pourra les visionner que dans un centre autorisé.
17:23 L'enfer des films proscrits, désormais ceux de Gérard Depardieu.
17:28 Ses films ne seront plus réservés en fait qu'aux experts, aux chercheurs, mais ils
17:33 ne doivent plus être diffusés.
17:34 Je souligne que soit dit en passant, il y a des victimes collatérales là-dedans, mais
17:37 il y a tous les autres acteurs dans les films.
17:38 Il y a le réalisateur, il y a le public qui soit dit en passant peut être attaché à
17:41 une œuvre.
17:42 Si on quitte la France un instant et on pense à Depardieu, c'est Cyril Lautrebergerac.
17:46 C'est-à-dire qu'il a marqué toute une génération par ce rôle, probablement deux.
17:51 Or là, ça ne doit plus pour certains être diffusé.
17:55 Ça n'existe plus.
17:56 Les autres n'existent plus.
17:58 Alors évidemment c'est la même logique soit dit en passant parce qu'on a entendu
18:00 qu'il faudrait aussi éliminer, effacer Louis Ferdinand Céline.
18:04 Louis Ferdinand Céline, on s'entend tous, les pamphlets antisémites de Céline sont
18:08 atroces.
18:09 Mais est-ce qu'ils viennent abolir pour cela le génie de Voyage au bout de la nuit
18:13 et de l'ensemble de son œuvre romanesque?
18:15 À ce que j'en sais, non.
18:16 Mais pour certains, oui.
18:17 Pour certains, on ne devrait plus, parce qu'on l'a déjà entendu aussi, comment s'intéresser
18:21 à un auteur qui a écrit de telles horreurs.
18:23 Certains vont jusqu'à dire ça pour Woody Allen ou Roman Polanski.
18:27 Polanski pour son comportement que l'on sait, Woody Allen pour ce qu'on lui reproche alors
18:30 que ce n'est même pas fondé.
18:32 Les enquêtes ont eu lieu, les procès ont eu lieu et finalement ce n'est pas fondé.
18:35 Et on nous dit parce que l'homme nous embête, parce que l'homme nous déplait, nous effacerons
18:41 complètement tout ce qu'il a pu produire.
18:43 Et imaginons qu'on décide d'appliquer cette logique de condamner une œuvre à cause des
18:47 mœurs d'un homme, de condamner une œuvre à cause de ce qu'il a fait dans sa vie.
18:52 Franchement, Casanova.
18:53 Est-ce qu'on peut encore…
18:54 Lisez, lisez Histoire de ma vie de Casanova.
18:57 On reparlera, on verra si on peut encore utiliser ce terme.
19:01 Est-ce qu'on va encore pouvoir dire d'un homme c'est un Casanova?
19:03 Lisez Histoire de ma vie, on en reparlera.
19:05 Est-ce qu'on peut encore relire un auteur aussi trouble, il n'y a pas de doute là-dessus,
19:09 que Carl Schmitt.
19:10 Carl Schmitt qui est un auteur à la fois un des grands philosophes politiques du XXe
19:12 siècle, mais qui s'est perdu, c'est le moins qu'on puisse dire, dans les années
19:16 30.
19:17 Est-ce qu'on peut encore le lire, le rééditer Heidegger, qui est un grand philosophe du
19:21 XXe siècle, qui lui s'est perdu avec le nazisme, mais dont l'œuvre métaphysique…
19:25 Qu'est-ce qu'on fait?
19:26 Est-ce qu'on doit avoir seulement, est-ce qu'on ne doit retenir dans nos bibliothèques,
19:30 dans nos cinémathèques, que des hommes et des femmes absolument irréprochables?
19:36 C'est une logique d'épuration et de mutilation de la bête humaine.
19:40 La bête humaine, il ne faut jamais l'oublier, elle est capable de grandeur, elle est capable
19:43 de médiocrité, elle est capable du mal comme du bien.
19:46 Et si on pense qu'on ne doit retenir que les seules grandes œuvres d'hommes et de
19:51 femmes irréprochables, il ne restera plus rien dans nos bibliothèques.
19:54 Autrement dit pour vous, une fois de plus, c'est la culture de l'annulation qui se
19:58 dévoile.
19:59 Alors, dans la version à la fois américaine, parce qu'on le voit ces dernières années,
20:03 c'est la fameuse « cancel culture » américaine qui est très très puissante, ça consiste
20:08 à… on fait tomber des statues.
20:09 On le sait, hein?
20:10 Churchill, est-ce qu'on doit le conserver?
20:12 Mais Churchill, ce n'est pas seulement l'homme de la Deuxième Guerre mondiale, c'est aussi
20:15 celui des guerres coloniales.
20:17 Certains disent « out Churchill », Lincoln, Thomas Jefferson.
20:21 Là, ce qu'on voit, c'est que ça s'applique maintenant au monde de la culture.
20:24 Donc, c'est les hommes politiques, les intellectuels, les philosophes, les écrivains, les artistes,
20:29 tous ceux qui ont un comportement.
20:31 Après, je ne dis pas que c'est un comportement qu'on doit relativiser.
20:33 Je le redis, c'est un comportement que l'on doit condamner s'il est condamnable.
20:36 Dans le cas de Depardieu, tout le monde convient que c'est absolument indéfendable, mais ça
20:41 ne vient pas abolir tout ce qu'il a fait.
20:42 Mais la culture de l'annulation aujourd'hui est une culture de l'immaturité culturelle.
20:46 C'est une culture qui fonctionne sur le mode de la pensée binaire et au final, c'est
20:50 une culture qui entraînera l'abolition de la culture.
20:52 Arthur de Batrégon, on a entendu effectivement la possibilité de ne plus diffuser ses films,
20:56 de retirer des Légions d'honneur.
20:58 On voit que tout ça aussi va dans la même mouvance.
21:00 Effectivement, comme le disait Mathieu, d'écarter tout ce qui a été fait, même si une fois
21:03 de plus, les propos qu'il a pu tenir, bien sûr, sont extrêmement condamnables et pas
21:06 excusables.
21:07 Oui, pour ça, il y a deux choses.
21:08 Il y a l'homme qui doit, tout homme doit rendre des comptes de ses actes.
21:13 Il y a l'œuvre.
21:14 Gérard Depardieu est accusé par une dizaine de femmes d'agression sexuelle et il est visé
21:20 pour deux plaintes pour viol.
21:21 La justice doit être rendue, évidemment, mais elle ne doit pas être rendue sur un
21:24 plateau télé ou sur des réseaux sociaux, même si beaucoup en rêvent.
21:27 Et puis, il y a eu ces déclarations qui sont, voilà, on le dit sans concession, immondes,
21:31 choquantes, pathétiques, dégoûtantes, tout ce que vous voulez.
21:33 Mais faut-il pour ces raisons annuler la diffusion de ses films, comme la Belgique, la RTBS souhaite
21:40 le faire, réfléchir à suspendre ou annuler la Légion d'honneur, comme l'envisage
21:45 Madame le ministre de la Culture, ou même arrêter de le faire travailler, tout simplement.
21:49 Alors pour la Légion d'honneur, rappelons que la Légion d'honneur oblige le décoré
21:53 à avoir une bonne conduite, une conduite éthique.
21:57 Bon, ce n'est pas vraiment le cas de Gérard Depardieu, il faut se le dire, mais ce n'est
22:00 pas le cas de beaucoup d'autres qui ont reçu la Légion d'honneur non plus.
22:02 Et que dans le règlement, ce qui les condamnait, la Légion d'honneur est automatiquement
22:05 retirée.
22:06 Les mauvaises langues diront que pour ce qu'elle vaut aujourd'hui et qu'on décore tout
22:11 et n'importe qui, comme si on décore un sapin de Noël le 1er dimanche de l'Avent,
22:14 ce n'est pas très grave.
22:15 Mais on pourrait aussi se demander légitimement pourquoi, par exemple, quelqu'un comme Jean-Marc
22:19 Borrello, qui est président fondateur de SOS, ami d'Emmanuel Macron, soutien d'Emmanuel
22:24 Macron, accusé aussi lui d'agression sexuelle et de viol.
22:27 On ne se pose pas la question de retirer la Légion d'honneur.
22:29 Donc, il y a toujours ce côté de pourquoi lui et pas les autres.
22:32 Mais si on revient à l'œuvre, canceller, comme on dit, toute la filmographie, comme
22:37 le fait les RTBF, bon déjà, on sait qu'ils s'achètent une légitimité MeToo à peu
22:41 de frais.
22:42 Mais il faut rappeler qu'aujourd'hui, aucune affaire n'a été jugée, qu'il n'a pas été
22:45 condamné.
22:46 Donc, on appelle ça juste totalitarisme, soft si vous voulez, mais c'est quand même
22:49 du totalitarisme.
22:50 Ça rappelle la Révolution.
22:51 Alors, les filles contentes, peut-être que les Belges le sauront moins s'ils ont pu,
22:54 en effet, Cyrano qui passe chez eux.
22:57 Ensuite, quand bien même il serait jugé coupable, sa possible condamnation justifierait-elle
23:01 pour autant qu'on supprime la diffusion de ces films passés et même la production
23:05 de ces films futurs ? Là, on va découvrir quand même, malheureusement, les artistes
23:10 et a fortiori les génies sont rarement des modèles de vertu.
23:13 Ça existe heureusement, mais c'est une minorité.
23:16 Par exemple, le jour où les inquisiteurs médiatiques vont découvrir les pratiques
23:19 sexuelles de Marcel Proust et ce qu'il faudra brûler à la recherche du temps perdu.
23:24 Quid d'Oscar Wilde, de Baudelaire, de Victor Hugo ? Un comportement franchement ignoble.
23:29 En fait, ce qu'il faut savoir, c'est que vous vous rappelez, c'est que le génie d'un
23:32 artiste s'inscrit dans un plan beaucoup plus vaste que dans lequel ces éléments biographiques
23:38 font rapidement et font souvent grisemines et qu'il faudrait peut-être laisser la seule
23:42 morale qui compte, à savoir celle du Christ, ça tombe bien, il arrive dans quelques jours,
23:45 le soin de juger au regard l'éternité, si l'empreinte des géants, de ces géants,
23:50 peuvent se dissoudre dans la petitesse de leur pension délinquante.
23:53 Mais je vais y revenir sur une chose qui est sur l'œuvre elle-même, parce que je ne
23:56 suis pas de ceux qui disent qu'avec l'art tout est permis.
23:59 La gauche d'hier, au nom de lubies libidineuses et puragoutantes, se drapait justement en
24:05 disant "c'est de l'art, on peut tout faire".
24:07 Et je pense qu'ils ne valent pas plus que leurs enfants néo-puritains aujourd'hui
24:10 qui sont prêts à brûler tout et n'importe quoi parce qu'au nom d'une moralie nanquite
24:15 pour Jean Pressey, c'est-à-dire des gens qui ne pensent pas et qui refusent de réfléchir.
24:18 Parce qu'évidemment, il faut le rappeler, il y a une dimension morale dans l'art.
24:22 Il y en a toujours une, c'est celle de la vérité que l'art justement doit révéler.
24:25 Et contrairement à ce qu'affirmaient les 68 arts, l'art n'a pas vocation à briser
24:30 les tabous, mais au contraire à les révéler, à les fortifier.
24:32 Sinon à quoi bon penser l'art qui est, je le rappelle, la représentation du réel comme
24:36 une catharsis, c'est ce qu'on nous a appris, et c'est ce qu'elle est censée être aussi,
24:40 s'il n'y a pas de dimension morale.
24:42 Et c'est justement là où rentre toute la complexité de la culture, et donc le rôle
24:46 des producteurs, des journalistes, des critiques, des éditeurs, sur quelle est l'intention
24:52 de l'auteur.
24:53 Veut-il tromper ou veut-il révéler ? Les incultes voudront censurer les 120 jours de
24:58 Sodome de Pasolini aujourd'hui comme d'autres voulaient censurer Madame Bovary hier, d'autres
25:03 vont mettre Bastien-Vives, Gainsbourg et le Marquis de Sade dans le même sac.
25:07 Le problème c'est que non, tout n'est pas permis, mais encore faut-il distinguer les
25:13 princes du mensonge, tous génies qu'ils soient, et ceux qui sont des génies au service de
25:18 la vérité.
25:19 Merci à tous les deux.
25:20 On va marquer une courte pause dans Face à Boccoté et on se retrouve avec votre invité,
25:24 on vous en dit plus dans un instant.
25:25 A tout de suite.
25:26 De retour pour la deuxième partie de Face à Boccoté.
25:33 Dans un instant, on vous interrogerait votre invité, mais tout de suite le rappel de l'actualité
25:37 avec vous, Mathieu Devese.
25:38 Rebonsoir Mathieu.
25:39 Rebonsoir Élodie, bonsoir à tous.
25:41 Quatre mineurs ont été placés sous contrôle judiciaire après la violente agression d'une
25:45 adolescente de 13 ans à Lyon.
25:47 Les jeunes filles sont suspectées d'avoir participé à ce déluge de gifles et de coups
25:51 de genoux.
25:52 La vidéo de l'agression qui s'est déroulée le 10 octobre dernier a beaucoup circulé
25:56 sur les réseaux sociaux.
25:57 Un homme a été placé en garde à vue après la mort d'un migrant lors d'une tentative
26:01 de traversée de la Manche.
26:02 Selon le procureur de la République de Boulogne-sur-Mer, l'homme en garde à vue serait un homme de
26:07 nationalité irakienne âgé de 33 ans.
26:09 Une autopsie est prévue pour tenter d'identifier les causes du décès du migrant découvert
26:14 hier sur la plage.
26:15 Enfin, l'émir du Koweï était mort aujourd'hui à l'âge de 86 ans.
26:19 Il aura passé trois ans au pouvoir, marqué par des crises politiques à répétition.
26:22 Le nouvel émir n'est autre que son demi-frère, âgé de 83 ans.
26:27 Il a passé l'essentiel de sa carrière dans le domaine de la sécurité et du renseignement.
26:31 Merci à vous Mathieu.
26:35 Ce soir, vous avez décidé de recevoir Jean-Pierre Le Goff, philosophe et sociologue et auteur
26:40 de « Mes années folles ». Pourquoi avoir choisi de nous parler de ce livre ce soir
26:44 Mathieu Bocotin ?
26:45 Parce que c'est un livre passionnant tout simplement.
26:46 Je le dis d'un mot, Jean-Pierre Le Goff est un des grands… je dis philosophe et sociologue,
26:51 les titres pourraient s'accumuler à partir d'un certain moment.
26:53 On fait sauter les catégories disciplinaires.
26:55 Il y a trop de titres.
26:56 Mais on est grands esprits assurément de la sociologie et de la pensée française depuis
26:59 une trentaine d'années.
27:00 Et là, on a dans ce livre un retour, il me dira, autocritique sur des années de jeunesse
27:06 qui permettent d'éclairer aussi l'engagement politique des générations.
27:09 Jean-Pierre Le Goff, bonsoir.
27:10 - Bonsoir.
27:11 - Alors, « Mes années folles », je donne le sous-titre, révolte et nihilisme du peuple
27:15 adolescent après mes 68.
27:16 C'est à la fois une histoire et c'est aussi votre histoire.
27:19 Est-ce qu'on pourrait dire qu'il s'agit d'une autocritique de vos premières années
27:23 sous le signe de l'engagement ?
27:24 - Oui, en partie.
27:26 Mais je pense qu'il ne s'agit pas simplement de jugement.
27:29 Il s'agit aussi de comprendre.
27:30 C'est-à-dire que j'ai voulu lier les deux, ce qui n'est pas facile.
27:33 Parce que comprendre, juger, n'empêche pas de comprendre.
27:35 Et en sachant qu'à l'époque, j'avais 20 ans et qu'il y avait aussi ce que j'appelle
27:42 des maîtres penseurs qui eux n'avaient pas 20 ans.
27:45 Par exemple, pour ne citer que Sartre, il avait 63 ans en mai 68.
27:51 Et il n'y a pas que lui d'ailleurs.
27:52 Et qu'il parlait des révolutionnaires de 10 ans, par exemple.
27:56 Il y avait aussi d'autres intellectuels, ce que j'appelle des maîtres à penser,
28:00 qui étaient là, qui prenaient d'ailleurs beaucoup moins de risques, je dois le dire,
28:04 que les étudiants qui s'avançaient.
28:07 Donc, oui, il y a un aspect totalement égoïstoire aux biographies,
28:12 mais dans un contexte qui est un contexte très particulier.
28:17 N'oublions pas qu'en mai 68 et dans les années immédiatement qui vont suivre,
28:21 on est encore à l'époque des Trente Glorieuses.
28:25 Donc, on se sent porté par une dynamique qui d'ailleurs se développe
28:29 dans d'autres pays que celui de la France, enfin que la France, aux États-Unis.
28:33 Je ne parle pas du Canada où là, la religion a explosé très vite.
28:38 Et donc, pour moi, c'est une révolution culturelle, 68 tardes, avec plusieurs étapes.
28:44 Il y a les conditions qui l'ont rendu possible avant même mai 68,
28:48 qui est la transformation très rapide de la société française avec cette question
28:52 "allons-nous devenir une société américaine ?" qui était déjà un peu posée.
28:56 Et il y a un moment de mai 68 où il y a beaucoup d'acteurs.
29:00 Et dans ce moment-là, il y a une partie nihiliste.
29:05 C'est un renversement des valeurs.
29:07 On l'a lu beaucoup mai 68 à partir de la problématique marxiste, j'allais dire.
29:12 Or, pour moi, c'est autant un mouvement à dimension qui a des aspects nichéens
29:17 au sens de renversement des valeurs qu'une dimension marxiste,
29:20 même si l'extrême-gauche, évidemment, se réclamait du marxisme léniniste, du maoïsme.
29:25 Mais il y avait un autre courant en même temps qui se mélangeait à celui-là,
29:29 ce que j'ai appelé le gauchisme culturel.
29:32 - Qui travaille encore dans la société, nous y reviendrons.
29:35 Une question, alors vous racontez, et c'est tout à fait fascinant,
29:39 parce que ceux qui vous lisent voient un homme éclairé, pondéré,
29:43 qui a toujours le souci des catégories distinctes, qui refuse des emportements idéologiques.
29:48 Et le jeune homme que vous nous présentez, et tous ont fait trangé aux emportements idéologiques.
29:53 Qu'est-ce qui fait qu'un jeune homme comme vous, dans sa jeunesse,
29:57 se laisse emporter par la drogue dure de l'idéologie,
29:59 et va quand même assez loin justement dans cette adhésion ?
30:02 - Alors justement, l'hypothèse que je fais, c'est qu'on ne comprend ce mouvement
30:07 dans la dimension, j'allais dire, de révolte, pas simplement par l'idéologie.
30:12 C'est-à-dire comment des idéologies s'articulent à des passions et à des affects
30:17 liés au peuple adolescent.
30:19 C'est-à-dire qu'il y a une dimension qui n'est pas simplement,
30:22 vous avez Mao Tse-Tung, vous avez Guevara, vous avez tout ça,
30:25 ce que j'appelle un bouillon de culture.
30:27 Mais dans ce bouillon de culture, vous avez la culture originaire,
30:30 qui n'est pas non plus celle-là.
30:31 Et notamment, un point qui est très important, le surréalisme.
30:34 D'une certaine façon, tout ça constitue, j'allais dire,
30:38 le creuset premier bouillonnant du gauchisme primordial, si on veut.
30:42 Et vous êtes dans une situation historique, où ça vous tombe dessus,
30:46 vous avez un événement historique, vous dites aux États-Unis,
30:49 vous avez le sentiment de participer à un mouvement de la jeunesse globale.
30:53 Je ne crois pas qu'on soit dans la même situation aujourd'hui.
30:56 Il va y avoir un héritage.
30:58 Mais alors, bizarrement, il y a une transgression,
31:01 je parle de transgression jubilatoire, avec une dimension nihiliste.
31:05 Mais pourquoi ?
31:06 Parce qu'il y avait de quoi transgresser, si vous voulez, à l'époque.
31:10 Il y avait des pouvoirs et des élites qui nous faisaient face.
31:13 Ce qui crée, malgré tout, ce n'est pas du tout pour me déresponsabiliser,
31:17 j'ai ma propre responsabilité, mais qui crée une dynamique, si vous voulez,
31:21 par rapport à ce que devient cette contre-culture
31:25 dans une société devenue pernissive.
31:27 C'est ça la question.
31:28 – Je reviens sur cette question,
31:29 et ensuite je passe la parole à Arthur Levatrigan pour une question.
31:34 Vous avez un propos original sur 68,
31:35 parce qu'il y a normalement les conservateurs qui disent,
31:38 finalement, c'était une très mauvaise chose,
31:40 c'est une catarase, c'est une dérive, c'est absolument…
31:42 C'est un moment de bascule, un moment probablement de bascule vers la décadence.
31:45 Il y a les nostalgiques, les vétérans 68e,
31:47 qui ne cessent de raconter leur gloire.
31:50 On peut penser à Daniel Cohn-Bendit.
31:52 Mais vous, vous nous dites, vous êtes très sévère sur 68,
31:55 sur ce que 68 est devenu,
31:56 mais vous nous dites que, par ailleurs,
31:57 68 s'expliquait par de bonnes raisons, en quelque sorte.
32:00 Il y avait de vrais pouvoirs oppressifs, à prononcer comme ça, à contester.
32:05 Est-ce que je décris bien votre position ?
32:06 – Oui, oui, j'y rajouterai une dimension qui est une interrogation.
32:09 Si on prend mai-juin 68, au sein de la commune étudiante,
32:14 pas dans l'ensemble, il y a une interrogation sur l'idée même de progrès.
32:19 C'est-à-dire ce qui s'est passé en un demi-siècle,
32:21 une transformation d'un bouleversement considérable du pays,
32:25 où d'une certaine façon, il y a eu une pause.
32:27 Et quand vous regardez les déclarations de Pompidou,
32:29 ou même du général de Gaulle, il y a à la fois la critique de Lachian-Li,
32:34 donc la reconnaissance qu'il y a une part nihiliste dans ce mouvement.
32:38 Mais ce n'est pas le tout, il faut comprendre pourquoi il est venu.
32:42 Et on parlera, de Gaulle, de la civilisation mécanique,
32:46 et que le grand problème, ce sera de trouver un équilibre.
32:50 Et Pompidou parlera vraiment lui aussi d'une crise de civilisation.
32:53 Donc contrairement à la légion de 68, qui ne voit les élites que par la répression,
32:58 il y avait aussi une réflexion du côté de ces élites,
33:01 tout en disant "on met des bornes, le nihiliste non, Lachian-Li non,
33:05 mais réfléchissons". Et qu'est-ce qui s'est passé sur un demi-siècle ?
33:08 C'est que cette dimension nihiliste, liée en partie aux passions et aux affects adolescents,
33:14 eh bien vous regardez, c'est elle, avec le gauchisme culturel, qui largement l'a emporté.
33:18 Avec un point très important pour moi,
33:21 qui est dans la prolongation de ce processus sur près d'un demi-siècle,
33:25 c'est l'institutionnalisation du gauchisme culturel par la gauche au pouvoir en 81.
33:31 Si bien que le gauchisme finit d'être une contre-culture,
33:36 et devient une nouvelle doxa, assénée par en haut.
33:39 Ça c'est un élément très important.
33:41 On va voir, là, ça va être très différent, c'est aussi le moment où ça bascule,
33:46 n'oublions pas, vers SOS raciste.
33:48 – Et nous y reviendrons, et nous y reviendrons.
33:50 Arthur Le Matrigain.
33:51 – Justement, quand on repense à 68, on repense à l'affrontement Aaron Debor,
33:55 où les deux étaient dans des camps, mais en même temps critiquent de leur camp.
33:59 Je vous soumets une théorie, je crois que c'est Vincent Cousière qui l'avait écrite,
34:02 on rejoue l'interprétation de 68 de l'affrontement du réformiste contre la révolution.
34:07 Et il dit que 68 est accouché justement de la fin de cet affrontement,
34:12 et que la réforme est devenue, on est accouché d'un réformiste révolutionnaire.
34:16 On n'est plus dans l'affrontement des deux,
34:17 on est dans la réformiste révolutionnaire avec en point d'orgue,
34:21 le bouquin d'Emmanuel Macron en 2017, "Révolution pour transformer la France".
34:25 Est-ce que vous faites une liation avec tout ça ?
34:29 Oui et non, c'est-à-dire que je pense que pour moi,
34:32 c'est le gauchisme culturel qui a triomphé, qui a été intégré dans les institutions.
34:36 On pourrait voir ce que ça donne aujourd'hui,
34:39 le gauchisme n'est pas totalement étranger, le gauchisme culturel est à la transformation
34:43 de SOS raciste, d'un antiraciste à visée universelle ou universaliste,
34:49 avec un antiraciste ethnique et racialiste.
34:52 Ça commence là d'une certaine façon.
34:54 Le gros problème pour moi, au-delà de la réforme et de la révolution,
34:57 c'est comment ce nihilisme, à un moment donné, a été institutionnalisé, si vous voulez.
35:03 Et de façon douce d'ailleurs, ce n'est pas l'idée d'une révolution
35:08 selon le modèle révolutionnaire de l'extrême gauche.
35:10 La prise de pouvoir politique, la lutte armée, ça on a vu que ça ne marchait pas.
35:14 Mais on a dit terminé, mais non ce n'était pas terminé.
35:17 Parce que le gauchisme culturel a pris la relève et il a pénétré les institutions, l'école.
35:23 Alors bon, qu'est-ce que le gauchisme culturel en deux mots ?
35:25 Il déplace la question sociale vers des questions sociétales.
35:29 Très vite, le féminisme, la naissance de l'écologie du féminisme, se situe dans ce moment-là.
35:36 Et d'autre part, il considère la révolution par la pression de l'opinion
35:41 et par l'importance donnée, je ne dirais pas à la communication, mais à ça,
35:45 et à l'éducation des jeunes générations.
35:48 C'est une révolution culturelle à l'intérieur même de la démocratie,
35:52 qui n'entend pas, contrairement à l'extrême gauche, en finir avec la démocratie bourgeoise.
35:57 Vous voyez ? C'est ça.
35:58 – Alors vous nous y conduisez justement, vous avez évoqué SOS Racisme.
36:02 On pourrait dire que c'est le premier moment d'institutionnalisation de ce gauchisme culturel.
36:07 Sa première apparition, dans les termes qu'on pourrait le reconnaître aujourd'hui,
36:10 c'est SOS Racisme.
36:12 C'était d'ailleurs une thèse de quelqu'un que vous avez bien connue, Paul Ionnet,
36:16 en quoi la création d'SOS Racisme marque un moment de bascule,
36:20 ou à tout moment le premier temps peut-être de l'institutionnalisation du gauchisme culturel,
36:24 qui aujourd'hui, selon plusieurs, est hégémonique.
36:25 – Voilà.
36:26 Je pense qu'il y a une instrumentalisation par la gauche au pouvoir,
36:30 à un moment où la gauche a gagné politiquement,
36:34 mais culturellement elle se porte déjà très très mal.
36:36 C'est-à-dire son projet, issu du 19ème siècle, est déjà mis à mal, ça ne fonctionne plus.
36:42 Et il va y avoir un tournant dans la politique de Mitterrand, qui est 83-84,
36:47 qui est le changement de politique économique,
36:49 et l'hypothèse que je fais, c'est que le gauchisme culturel va servir de substitut
36:54 à la crise de la doctrine de la gauche.
36:57 C'est-à-dire la démarcation va se déplacer de la question de classe
37:02 vers la dimension culturelle, les beaufs, les ringards, les racistes, pas les racistes, etc.
37:08 Ça date véritablement de ce moment-là.
37:09 Beaucoup, enfin un certain nombre d'ex-militants vont adhérer au Parti Socialiste,
37:15 vont entrer au sein du Parti Socialiste,
37:17 et beaucoup vont se recouvertir dans ce que j'appelle le journalisme militant.
37:21 C'est exactement ce moment-là, si vous voulez.
37:25 Et on va voir par exemple Mitterrand qui va commencer à parler branché,
37:28 il y a la politique de Jacques Lang où la notion de culture va s'élargir,
37:31 il n'y a plus de hiérarchie, tout est culture, etc.
37:34 Mais au-delà de ça, c'est tous les thèmes écologistes féministes,
37:39 non pas que le féminisme ou l'écologie en tant que tel soit condamné,
37:42 mais la façon dont le gauchisme culturel reprend à son compte ces thèmes-là
37:48 a une dimension de rupture.
37:50 Il s'agit de quoi ?
37:51 De changer de civilisation et changer les mentalités radicalement.
37:57 - Justement, vous nous dites que c'est un projet de substitution.
38:00 Mais est-ce qu'on ne pourrait pas aussi dire que c'est un changement stratégique ?
38:04 Je m'explique, la révolution ne fonctionne pas par le socio-économique,
38:07 mais elle peut fonctionner par le culturel.
38:09 Et pour les militants, Pierre-André Taguiaf nous dit
38:14 que c'est presque une forme de chute dans la révolution,
38:17 c'est une révolution moins exigeante que la première.
38:19 Mais à tout le moins, celle-là a réussi.
38:21 Si on considère qu'on a eu une véritable révolution en Occident
38:23 depuis une quarantaine d'années,
38:24 finalement c'est un changement stratégique avec toujours le même objectif,
38:27 c'est un peu déconstruire ou détruire la civilisation occidentale.
38:31 - Oui, oui, ce n'est pas forcément conscient.
38:34 C'est-à-dire qu'il y a un moment, il y a quand même des interdits.
38:39 Si vous regardez depuis le début,
38:41 il faut regarder ça quasiment jusqu'en 1981,
38:44 c'est-à-dire des années 60 jusqu'en 1981.
38:47 Il y a eu plusieurs étapes.
38:49 Il y a eu la mise à bas d'un certain nombre de hiérarchies sclérosées,
38:53 même Pompidou, De Gaulle, les élites le reconnaissaient.
38:56 Mais en même temps, c'est quelque chose qui est parté très vite
38:59 vers l'abolition même de l'autorité, l'abolition des interdits,
39:04 de tout ce qui constitue avec une dimension anthropologique.
39:08 Pour moi, d'ailleurs, un des lointains héritages,
39:11 c'est quand même les lois sociétales, notamment la PMA.
39:15 Quand vous regardez les textes, par exemple, de certains courants du MLF,
39:19 ils vous disent si on peut se débarrasser du père
39:21 et si l'enfant peut se débarrasser du père, on sera plus libre.
39:24 À ce moment-là, il n'y a pas les moyens,
39:26 j'allais dire techniques de la PMA qui vont les donner.
39:29 Mais tout ça, ça a bouleversé le tissu sociétal,
39:34 le tissu éducatif, avec qui a porté sur deux points principaux,
39:38 qui sont la famille et l'école,
39:40 qui sont les vecteurs essentiels de la transmission.
39:43 La responsabilité, si vous voulez, de ce mouvement,
39:46 ce n'est pas dans la prise de pouvoir, il y a la violence, il y a tout ça.
39:48 Mais quand vous regardez les choses, c'est la rupture dans la transmission.
39:53 C'est-à-dire qu'il est resté un champ de ruines d'une certaine façon.
39:56 - L'héritage était toxique, il fallait le congédier.
39:58 - Voilà. Et d'une certaine façon, il y a eu transmission de schémas,
40:02 j'allais dire presque mentaux, dans l'abord des problèmes sociaux,
40:07 des institutions, qui partent de ce gauchisme culturel
40:10 et qui vont se transmettre.
40:11 Mais le problème, c'est que c'est passé aussi par l'éducation.
40:15 C'est-à-dire les nouvelles générations ont été,
40:18 j'allais dire élevées, éduquées sur un nouveau terreau sociétal
40:23 qui, effectivement, va aboutir à la mésestime du pays,
40:29 d'une certaine façon, la nation, mais pas simplement la nation.
40:32 C'est toute la civilisation occidentale qui est mise en avant.
40:34 Ce qui apparaissait à un moment comme une catharsis,
40:36 peut-être nécessaire par rapport à une forme d'ethnocentrisme qui existait,
40:41 a basculé vers des formes de nihilisme.
40:43 Et ça s'est reproduit.
40:44 La différence, j'insisterai beaucoup là-dessus,
40:48 c'est que les nouvelles générations ont été élevées,
40:50 excusez-moi, ce n'est pas un jugement moral,
40:51 mais sur un terrain déculturé.
40:53 Alors que les premiers 68 ars, il y a eu un renouvellement des générations,
40:57 étaient délétrés, d'une certaine façon.
40:59 C'était des héritiers rebelles, mais des héritiers quand même,
41:03 je dirais presque malgré eux.
41:04 C'est-à-dire qu'on avait, par exemple, si je prends mon cas,
41:06 mais ce n'est pas pour me mettre en avant,
41:08 il y avait des milliers de gens comme moi,
41:09 on était élevés dans l'héritage humaniste.
41:12 On avait les Lagardes et Michart, il y avait la poésie,
41:15 il y avait le surréalisme, il y avait l'humanisme.
41:18 Et à un moment donné, tout ça, on s'est heurté.
41:21 On a voulu renverser ça parce qu'il y avait aussi
41:24 des aspects extrêmement pesants qui existaient, il ne faut pas le nier.
41:27 Mais ça a basculé vers un mouvement que personne n'a maîtrisé.
41:31 La deuxième gauche et la gauche consistaient à dire,
41:34 nous, on peut transformer cette révolution culturelle
41:38 en objectif opérationnel et réformiste.
41:41 Ce qu'ils n'avaient pas vu, c'est le nouvel acteur historique
41:45 qui était l'adolescence.
41:47 Et l'adolescence, le rôle de l'imaginaire,
41:51 un peu la volonté de transgresser, etc.
41:53 Elle est très présente.
41:54 C'est la première fois que le peuple adolescent,
41:57 l'adolescence devient un acteur historique, social et politique.
42:00 Avec la transgression qui devient autoréférentielle en quelque sorte.
42:03 Arthur de Vatrigaard sur cette question,
42:04 ensuite nous basculerons sur le gauchisme.
42:06 Justement, sur le gauchisme culturel, avec le sociétal,
42:11 aujourd'hui, il y a plein de débats en France,
42:12 l'immigration, les retraites, tout ce que vous voulez.
42:14 Sur le sociétal, il n'y a jamais de débat.
42:15 Même pour ceux qui ont un avis, ils n'osent pas.
42:17 Est-ce que c'est ça le succès du gauchisme culturel ?
42:21 C'est que même la droite, par exemple, sur la fin de vie,
42:23 ou sur l'IVG, ou sur la PMA, ne va pas aller assumer ses idées
42:28 et défendre un autre projet ?
42:29 Oui, je pense que là, il y a véritablement un héritage.
42:32 Sur le gauchisme, il y a quand même une différence assez essentielle.
42:35 À mon avis, je dirais, c'est le terrain culturel qui n'est pas le même.
42:39 C'est-à-dire que moi, je ne vois pas, si vous voulez,
42:42 on peut en discuter, de projet alternatif au gauchisme.
42:45 C'est surtout contre.
42:46 Et il y a un côté pour moi de nihilisme d'affaissement.
42:49 Alors, ce n'est pas du tout pour dire que le nihilisme d'avant
42:52 était vraiment un nihilisme, mais il avait une dynamique.
42:55 Là, on est dans un avenir où vous ne voyez absolument pas
42:58 sur quoi ça peut déboucher.
42:59 D'autre part, il y a des contradictions internes au gauchisme
43:03 entre le genre qui donne une fluidité de l'identité,
43:07 et en même temps, on vous ramène à une identité.
43:11 Et pour eux, il n'y a aucun problème.
43:14 Il n'y a pas de logique, il n'y a pas de rationalité, si vous voulez.
43:17 Et ça, je pense que c'est aussi une différence.
43:18 Et puis, j'ajouterais un point, c'est absolument sinistre.
43:22 Il n'y a aucun humour.
43:23 C'est des gens qui se prennent terriblement au sérieux.
43:25 Je ne veux pas dire que les 68 arent, mais quand même,
43:27 il y avait un aspect d'humour et de rigolade.
43:30 - Mais est-ce que ce n'est pas le propre de tout régime ?
43:32 Et là, j'utilise le mot à bois d'essai, révolutionnaire ou idéocratique.
43:35 Le propre de l'idéocratie, c'est qu'elle ne tolère pas le deuxième degré.
43:39 Elle ne tolère pas qu'on puisse en rire, parce que si on en rit,
43:41 c'est-à-dire qu'on ne contemple pas le dogme avec la même ferveur religieuse
43:45 qui est exigée.
43:46 Est-ce que ce n'est pas le signe, de ce point de vue,
43:47 qu'on est dans un moment authentiquement révolutionnaire ?
43:49 - Je ne le crois pas.
43:51 Je pense que c'est plutôt un moment d'affaissement.
43:53 C'est-à-dire... - Mais les deux peuvent aller ensemble ?
43:55 - Oui, peut-être.
43:56 Mais révolutionnaire supposerait une rupture nette et claire
43:59 avec une idéologie cohérente et un projet.
44:02 Je ne le vois pas.
44:03 - Pour vous, le révolutionnaire vient avec un projet explicite et bien formulé ?
44:06 - Le projet explicite, à part détruire et déconstruire
44:09 et mettre à bas les dimensions des acquis occidentaux,
44:14 moi, je ne vois pas, si vous voulez.
44:16 En plus, ils sont contradictoires.
44:17 Quand vous mettez l'intersectionnalité,
44:20 quelle est la première ?
44:22 Qu'est-ce que vous allez mettre en avant parmi ceux qui sont discriminés ?
44:25 Il y a une désagrégation interne au wookisme, si vous voulez.
44:30 Et il n'y a pas véritablement de dynamique.
44:32 Pour moi, le problème, c'est moins le wookisme que...
44:36 Enfin, comment dire ?
44:38 C'est moins le problème du wookisme que l'affaissement interne
44:41 et la dévitalisation des démocraties en interne.
44:45 C'est ça, c'est sur ce terreau-là que le wookisme se développe.
44:49 - Et pourtant, vous êtes peut-être un peu moins pessimiste qu'on ne peut le croire.
44:53 Je cite la dernière page de l'ouvrage, qui est peut-être la page optimiste,
44:56 mais il y en a une au moins.
44:57 Je cite, "même s'il dispose de relais dans les médias et les institutions,
45:03 le gauchisme continue d'être rejeté par une majorité de la population.
45:07 L'attachement à une certaine idée de la France
45:09 et aux acquis de la civilisation européenne n'a pas disparu.
45:12 Mais encore, faut-il avoir le courage de se démarquer
45:16 et de rompre clairement avec le gauchisme sous toutes ses formes ?
45:19 Pour affronter les nouveaux défis du 21e siècle,
45:22 il est temps de renouer le fil de la transmission."
45:24 Donc si je vous comprends bien,
45:25 au terme de ces 50 années de déconstruction et de destruction,
45:29 finalement, le peuple, sans être intact,
45:31 conserve une certaine vitalité et un désir de résister.
45:34 - Oui, le peuple est une partie des élites.
45:36 C'est-à-dire qu'il y a des élites, y compris à l'intérieur des institutions,
45:39 qui ne cèdent pas.
45:40 Et je pense que l'hégémonie, je dirais en deux mots,
45:43 l'hégémonie du gauchisme culturel est entamée.
45:46 Ça ne veut pas dire qu'elle n'existe pas.
45:48 - Elle demeure hégémonique, mais un peu moins qu'avant ?
45:50 - Ah oui, honnêtement, quand vous étiez dans les années 80,
45:52 au moment de Mitterrand et du SOS Racisme,
45:55 je veux dire, il y avait très peu de...
45:57 Fallait oser aller contre,
45:58 mais il y a encore des formes de lâcher pour moi,
46:01 qui sont vraiment... alors qu'on ne risque pas sa vie, je veux dire.
46:04 Mais il y a une espèce... le suivisme, le suivisme.
46:08 Et y compris à l'intérieur des institutions, c'est ça le problème.
46:13 C'est que les élites, il y a deux questions, à mon avis, qui sont fondamentales.
46:17 Comment en est-on arrivé là ?
46:19 Du point de vue de notre déstructuration des ressources internes.
46:22 Ça, c'est un premier problème.
46:24 Deuxièmement, comment se fait-il qu'une grande partie des élites a abdiqué ?
46:28 N'ait pas fait front contre ce courant-là, si vous voulez.
46:32 Et même, ça a commencé très tôt, je cite des cas dans mon livre,
46:35 où il y a quand même du suivisme, si vous voulez.
46:37 Mais ça continue aujourd'hui.
46:39 Et donc, c'est les deux questions pour moi qui sont absolument centrales.
46:42 - Mais vous dites qu'une partie des élites...
46:44 parce que le réflexe populiste dit
46:45 "le peuple est encore sain et les élites sont corrompues".
46:48 Vous dites que c'est plus complexe que ça ?
46:49 Le peuple est aussi abîmé et une partie des élites résiste.
46:53 - Absolument.
46:54 Absolument.
46:55 Je ne partage pas, si vous voulez, la séparation entre un peuple et des élites
47:00 qui seraient dans leur totalité, auraient trahi, etc.
47:03 Non.
47:03 Je pense que c'est totalement transversal,
47:06 à la fois aux catégories sociales et aux élites elles-mêmes.
47:09 Et que, si vous voulez, les ressources que j'appelle les ressources d'humanité,
47:12 on les voit quand on est confronté à des défis.
47:15 Et aujourd'hui, on est confronté à un certain nombre de défis,
47:17 notamment géopolitiques, qui sont extrêmement centraux sur le risque de guerre.
47:22 Cette bulle qui existe depuis 30 ans,
47:25 qui est renouvelée, ça tourne en rond, si vous voulez,
47:28 et on remet ça, alors elle est présente dans les institutions,
47:31 vous l'écoutez dans un certain nombre de grands médias,
47:33 donc vous pouvez penser que l'ensemble de la France est sous ça.
47:37 Mais ce n'est pas vrai, vous n'avez qu'à regarder les sondages.
47:40 Ce n'est pas du tout dans ce sens-là que ça va.
47:42 Mais il y a une présence et le pire, à mon avis,
47:45 c'est quand ça se développe au niveau de l'éducation et au niveau de l'école.
47:49 Et notamment avec le genre, avec toutes ces discriminations.
47:53 C'est-à-dire, ils ont pénétré les institutions,
47:54 c'est là où ça se joue véritablement.
47:56 Mais rien n'est joué, rien n'est joué.
47:58 Et au sein des élites, on a heureusement des réserves.
48:01 Je pense à des institutions comme l'armée, mais pas simplement,
48:04 y compris dans l'État, au sein, par exemple,
48:07 quand vous regardez ce qui s'est passé avec le Covid et les hôpitaux,
48:10 vous avez une partie du personnel qui a été exemplaire, qui a fait face.
48:14 Et ça, ça existe encore de façon dispersée au sein de la société.
48:17 - Alors, il nous reste moins d'une minute,
48:18 mais je vous poserai la question politique.
48:21 Est-ce que vous connaissez les travaux de Mosca, de Roberto Michel, de Pareto ?
48:24 Il dit qu'à un certain moment dans l'histoire,
48:26 une classe politique impuissante ou incapable
48:29 est balayée par une nouvelle qui arrive et qui prend les choses en main.
48:32 On peut penser à 1958 comme ça, peut-être à 81 si on est de gauche.
48:36 Est-ce qu'on est dans un moment de telle nature aujourd'hui
48:39 où une nouvelle classe politique est nécessaire ?
48:40 - Je dirais qu'il y a deux choses.
48:42 Ça n'en finit pas de finir, d'une certaine façon.
48:46 Et on ne voit pas encore renaître une personnalité, j'allais dire politique,
48:50 c'est-à-dire avec une colonne vertébrale,
48:51 pas simplement des gestionnaires ou des gens très brillants sur les dossiers,
48:55 mais qui aient une certaine vision de l'histoire,
48:58 qui soient capables de donner une vision.
49:01 Et le pays, l'Europe, où va-t-on ?
49:04 C'est une question qui reste complètement ouverte et qui sème le désarroi
49:08 parce que les élites actuellement au pouvoir n'y répondent pas clairement.
49:12 Ça ne veut pas dire que sur des tas de dossiers parcellaires,
49:14 ils ne soient pas, ils sont capables, gestionnaires et techniques.
49:18 Mais pour aller où ? Pour quelle vision du pays ?
49:21 C'est ça qui manque fondamentalement à mon avis aujourd'hui.
49:24 - Jean-Pierre Le Goff, merci vivement pour votre passage à l'émission.
49:27 - Merci, et on vous rappelle votre livre que vous voyez encore à l'antenne,
49:29 « Mes années folles ». Merci Arthur de Vatrigan, merci Mathieu Bocquete.
49:33 Les programmes continuent évidemment sur CNew.
49:34 Je vous retrouve juste après la pause avec mes invités pour l'heure des pro 2.
49:38 A tout de suite.
49:38 [SILENCE]