ATTAQUE BRUTALE SUR UN COUPLE DE RETRAITÉS ⚠️ _ Sur la scène du Crime _ Épisode
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00:00 L'affaire qui suit ne relate que des faits réels. Toutefois, par respect pour les familles des protagonistes de cette histoire, certains lieux et identités ont été volontairement modifiés.
00:14 L'affaire qui suit ne relate que des faits réels. Toutefois, par respect pour les familles des protagonistes de cette histoire, certains lieux et identités ont été volontairement modifiés.
00:22 L'affaire qui suit ne relate que des faits réels. Toutefois, par respect pour les familles des protagonistes de cette histoire, certains lieux et identités ont été volontairement modifiés.
00:32 L'affaire qui suit ne relate que des faits réels. Toutefois, par respect pour les familles des protagonistes de cette histoire, certains lieux et identités ont été volontairement modifiés.
00:42 L'affaire qui suit ne relate que des faits réels. Toutefois, par respect pour les familles des protagonistes de cette histoire, certains lieux et identités ont été volontairement modifiés.
00:52 L'affaire qui suit ne relate que des faits réels. Toutefois, par respect pour les familles des protagonistes de cette histoire, certains lieux et identités ont été volontairement modifiés.
01:02 Le 3 juin 1994, une infirmière du centre médical de Beson dans le Val-d'Oise se rend comme chaque matin au domicile de Gaston Moisset, 89 ans.
01:22 Le 3 juin 1994, une infirmière du centre médical de Beson dans le Val-d'Oise se rend comme chaque matin au domicile de Gaston Moisset, 89 ans.
01:32 Et de Clémentine, son épouse, âgée de 80 ans. Ce jour-là, elle arrive à 8h45 chez le couple de retraités.
01:40 Lorsqu'elle arrive à l'adresse, petit pavillon en banlieue, elle constate ce qui déborde l'intrigue, c'est que le portail est ouvert. Elle pénètre dans la propriété et se rend compte que la porte d'entrée du pavillon est ouverte.
01:54 Elle est encore plus intriguée, elle pénètre dans les lieux et là, elle assiste à une scène d'horreur.
02:00 L'infirmière découvre Clémentine Moisset prostrée, en état de choc, assise dans un coin de la salle à manger.
02:08 A sa droite, Gaston, baignant dans son sang, gît sur le carrelage. Il semble avoir reçu plusieurs coups sur le haut du crâne. L'infirmière appelle les secours.
02:16 Le couple est rapidement évacué vers le service d'urgence de l'hôpital d'Argenteuil. Le parquet de Pontoise saisit la police judiciaire. Les enquêteurs de Sergi Pontoise arrivent sur les lieux.
02:26 Je reçois un coup de téléphone de la part d'un contact policier de la police judiciaire qui me dit "il faut vraiment que tu viennes me voir, j'ai une affaire qui est absolument hors du commun et pourtant il s'agissait d'un policier aguerri".
02:46 Pour mieux te faire comprendre cette affaire, il y a quelque chose que je te propose, c'est de regarder certaines images. Il dit "je te préviens, ces images sont particulièrement dures, tu n'es pas obligé de les regarder, mais je pense que sincèrement ça te permettrait de comprendre à quel point l'affaire est dans sa violence particulièrement hors du commun".
03:12 Je suis dans les yeux des images très pénures, mais ce qui ressort d'évidence dès les premières images c'est que la scène est totalement maculée de sang.
03:22 Un désordre indescriptible règne dans le pavillon, que ce soit au rez-de-chaussée ou au premier étage. Les meubles ont été vidés de leur contenu, les affaires jongent le sol, des portes ont été arrachées.
03:33 Les enquêteurs investissent les lieux accompagnés d'un technicien de l'identité judiciaire.
03:40 Lorsqu'on arrive sur une scène où il y a un véritable cafarnaum et que personne n'est là pour nous expliquer puisque les victimes ont été transportées à l'hôpital, il va falloir imaginer ce qui a pu se passer.
03:58 Après la prise de photographie pour fixer les lieux comme on les trouve quand on arrive, il va falloir qu'on procède avec le service enquêteur bien sûr aux constatations et aux relevés que nous aurons à faire d'un point de vue des traces papillaires ou des prélèvements biologiques.
04:15 Les investigations commencent dans la chambre. Trois fragments de marbre sont retrouvés sur le lit. La pointe d'un des morceaux est recouverte de sang.
04:24 Le technicien de la police technique et scientifique saisit sur le lit des tessons de bouteille.
04:29 Les enquêteurs remarquent la présence de deux ceintures et d'un ruban long de près d'un mètre.
04:34 Des bris de verre sont découverts à côté du téléviseur. Dans la salle à manger, qui est la pièce où Gaston Moisset a été retrouvé, d'autres morceaux de marbre sont placés sous scellés.
04:49 Sur un des murs, le technicien remarque une tâche de sang. Dans le couloir, au bas de l'escalier, il y a des traînées de sang.
04:56 À l'étage, les enquêteurs s'intéressent à un casier métallique vidé de son contenu.
05:01 "Notre technicien de scène de crime se livre donc à un examen minutieux des lieux. Cet examen lui permettra de révéler plusieurs traces papillaires."
05:14 "Une trace papillaire, c'est un dessin incomplet du doigt qui a été laissé sur les lieux.
05:20 Et ces traces de doigt sont laissées par la sécrétion de graisse en fait que nous avons dans la sueur.
05:27 Et on doit les faire apparaître pour les exploiter et pour les prélever.
05:32 Et pour ce faire, nous avons donc des techniques conventionnelles qu'on emploie, ce sont des poudres avec des pinceaux et nous allons pouvoir la transférer avec le scotch."
05:40 La police technique et scientifique recherche tout indice permettant de comprendre ce qui a pu arriver à Gaston.
05:47 Deux traces papillaires sont révélées sur deux verres, l'un contenant de l'eau, l'autre du vin.
05:52 Dans la salle de bain, à l'étage, le technicien s'intéresse particulièrement à une tâche de sang découverte sur le couvercle du réservoir d'eau des toilettes.
06:00 "On peut aller chercher des traces biologiques ou des traces de sang lorsqu'elles sont situées suffisamment loin de la victime pour que ça soit par raisonnable d'envisager que la victime ait pu saigner jusqu'à quelques mètres alors que les coups qu'elle a vécu sont invalidants d'emblée."
06:17 Les prélèvements de sang sont envoyés au laboratoire de la police technique et scientifique de Lille.
06:24 Le technicien quitte le pavillon en ayant réussi à révéler six traces papillaires.
06:29 Les enquêteurs continuent de fouiller la maison.
06:31 "Au premier étage, on découvrira un sac qui contenait plus de 32 500 francs.
06:43 Au rez-de-chaussée, il y aura également deux portefeuilles qui contenaient aussi des sommes en espèces importantes, des billets de 500 francs je crois."
06:57 Cet argent retrouvé dans les différentes pièces du pavillon n'était pas très bien caché.
07:01 Pour les policiers, c'est une énigme.
07:03 Comment se fait-il que l'argent n'ait pas été dérobé par là où les personnes ayant mis à sac le pavillon ?
07:08 "Il y avait également au premier étage un pistolet 6.35 que M. Moisset détenait de façon tout à fait légale."
07:15 Les enquêteurs ne sont pas au bout de leur surprise.
07:18 Ils constatent également qu'il n'y a aucune trace d'effraction.
07:21 Ils ont désormais une certitude.
07:23 Les Moisset ont ouvert la porte à leur agresseur.
07:26 "Quand on n'a pas d'effraction, on pense toujours, première hypothèse qui vient à l'esprit d'un enquêteur,
07:34 c'est un familier, c'est quelqu'un que la victime connaissait.
07:39 Donc cette hypothèse, c'est la première hypothèse qui a été retenue par les enquêteurs."
07:45 "Donc la police nous a demandé le lendemain, mon épouse, moi-même, d'aller faire une déposition.
07:52 Et là, l'interrogatoire, comme si on était un petit peu complices et responsables du drame,
08:03 on a subi un interrogatoire d'environ 6 heures quand même."
08:09 "On a été convoqué chacun dans un bureau et ensuite on changeait d'inspecteur, etc.
08:14 Je dois dire que c'était assez... assez costaud quand même.
08:20 On se retrouve au banc des accusés.
08:22 Et puis, qu'est-ce qu'on ressent à ce moment-là ?
08:26 On se dit ça, c'est pas possible. Pourquoi on reste si longtemps ?
08:31 "On a vu des affaires où on avait exclu immédiatement la famille
08:34 et ensuite on a été obligé de revenir dans cette direction pour évacuer.
08:41 C'est pas facile à faire. C'est pas facile.
08:44 Mais au moins on évacue.
08:46 On n'y reviendra plus après avec des polémiques. Vous voyez ce qu'il faut faire."
08:51 Les policiers entendent également le fils de Marc et Chantal, Richard, le petit-fils de Gaston.
08:58 "Effectivement, les premiers soupçons sont portés sur la famille et sur Richard.
09:08 Oui."
09:10 Richard est garde républicain. Il a 29 ans.
09:13 Le jour du drame, il a déjeuné avec ses grands-parents.
09:16 Il dit les avoir quittés vers 15h.
09:18 Interrogé, il est placé en garde à vue car les enquêteurs relèvent quelques incohérences dans ses propos.
09:24 Richard est soupçonné d'avoir quitté ses grands-parents bien plus tard.
09:28 "Richard l'a vécu très mal.
09:35 Il l'a vécu très mal. Il était révolté.
09:40 Et moi je pense que Richard s'est renfermé un peu sur le banc."
09:51 Alors que Richard est retenu dans les locaux de la police judiciaire,
09:54 le pronostic vital pour son grand-père, toujours dans le coma, est réservé.
09:58 La famille est déstabilisée.
10:00 "On va arriver à un moment à soupçonner les uns les autres.
10:07 À finir par se poser des questions."
10:11 Après 13h de garde à vue, Richard est finalement relâché.
10:18 "Cette mise à sac du pavillon, le pistolet 6.35, les billets, le sac avec 32 500 francs,
10:26 c'est pas une petite somme.
10:28 C'est pour ça que les premiers enquêteurs ont pensé que ça ne pouvait être qu'un familier, un différent familial.
10:36 Donc la piste familiale a été creusée."
10:39 "Ensuite, quand on a les résultats, donc des empreintes, etc.,
10:42 il n'y a aucune empreinte de nous sur les objets du délit, je dirais.
10:49 Il n'y a rien. Donc ça ne peut pas être quelqu'un de notre famille. Point barre. Maintenant, qui ?"
10:55 La famille est totalement disculpée. L'enquête repart de zéro.
11:01 Au service de réanimation de l'hôpital d'Argenteuil, les enfants Moisset se rendent au chevet du grand-père.
11:07 "On part, on va à l'hôpital. Et là, on arrive.
11:13 Donc aux urgences, on nous dit que le papa de Marc est en réanimation,
11:20 donc on monte en réa, et là on voit l'étendue des dégâts.
11:24 Il est noir de la tête jusqu'au bas du torse.
11:30 Comme on dit vulgairement, une tête au carré."
11:33 "Dans l'état où il se trouvait, allongé, sans pouvoir bouger ni rien,
11:40 je me suis douté que c'était grave et qu'il avait été agressé sauvagement."
11:47 "Dans le cas de M. Moisset, le coma était extrêmement profond,
11:52 et donc on était proche de ce qu'on appelle une mort cérébrale.
11:56 Donc il fallait d'abord qu'il récupère une circulation cérébrale.
12:01 Or, certainement, ça n'a pas été le cas.
12:03 Et à partir de là, on peut penser que les 3-4 jours qui ont succédé en réanimation
12:09 ont provoqué ce qu'on appelle un cerveau-machine,
12:14 c'est-à-dire un cerveau qui n'a pas eu de vie propre pendant quelques jours,
12:21 et donc qui perd ses structures habituelles."
12:25 Gaston Moisset est dans le coma.
12:27 Clémentine, sa femme, dans un autre service de l'hôpital d'Argenteuil, reste muette.
12:32 Devant cet acte criminel sans mobile apparent,
12:35 et après avoir fouillé en vain les relations familiales,
12:38 les enquêteurs vont s'intéresser de près à la personnalité de la victime.
12:42 "Un homme bon, comme on en trouve rarement."
12:47 "Mon père a toujours été près des gens, il s'occupait du syndicat.
12:51 Pendant la guerre, il a quand même eu des actes de bravoure, il était FFI, ce qui n'est pas rien."
12:59 "Il a été résistant, il a fait pas mal de choses dans sa vie,
13:03 et en fait, moi j'adorais l'entendre parler de la guerre, de la manière dont c'était passé,
13:09 de ce qu'il avait fait, pour moi c'était un livre d'histoire vivant."
13:14 Cet homme de devoir assume seul les charges de la vie quotidienne.
13:18 Depuis 4 ans, Gaston met un point d'honneur à s'occuper seul de sa femme, de moins en moins autonome.
13:24 4 jours après l'agression, l'état de santé du vieillard se dégrade.
13:30 Il décède le 7 juin.
13:32 Son corps est transporté à l'hôpital de Garches pour être autopsié.
13:36 L'examen externe révèle de petites plaies au visage,
13:39 pouvant tout à fait correspondre à des blessures faites par des morceaux de verre.
13:42 Le médecin légiste constate aussi des marques très nettes de strangulation.
13:47 "Ce qu'on a constaté au niveau de l'examen du cou de monsieur Moisset,
13:51 c'est d'abord des marques équimotiques au niveau de la peau du cou,
13:56 et des traces assez linéaires qui apportent la preuve qu'on s'est servi d'un lien.
14:01 Et puis on a trouvé aussi en profondeur des traumatismes, notamment au niveau du pharynx."
14:07 Le rapport d'autopsie conclut que le décès de monsieur Moisset résulte d'un coma profond, dû à une fracture du crâne.
14:14 "On a retrouvé au niveau du crâne de monsieur Moisset, notamment de la région frontale,
14:22 une trace en bande équimotique correspondant à un coup porté avec un angle d'un objet contendant,
14:34 et évidemment pouvant correspondre à la plaque de marbre,
14:37 qui en plus avait une tâche de sang à l'endroit du contact avec la région traumatisée."
14:42 Au même moment, les experts transmettent leurs informations aux enquêteurs.
14:46 Les traces papillaires retrouvées sur le verre de vin sont celles de Gaston Moisset.
14:50 En revanche, les traces papillaires retrouvées sur le verre d'eau,
14:54 ainsi que celles retrouvées sur le casier métallique, sont celles d'un inconnu.
14:57 Pour les policiers, c'est une très bonne nouvelle.
15:00 "En 1994, le fichier automatisé des empreintes digitales existe.
15:05 Il est alimenté depuis deux ans environ, depuis 1992, avec les collections qui existent,
15:13 des gens qui sont signalisés partout en France et qui sont conservés dans les fichiers.
15:17 Mais en 1994, la base est assez faible.
15:21 Il y a peut-être moins d'un million d'individus qui sont déjà rentrés dans ce fichier."
15:28 Après vérification, l'empreinte correspondante à la trace papillaire relevée sur la scène de crime n'est pas dans le fichier.
15:35 Déception pour les enquêteurs, qui reportent alors leur espoir sur les analyses de la tâche de sang
15:40 prélevées sur le couvercle du réservoir des toilettes.
15:43 "En l'occurrence, en 1994, le fichier national des empreintes génétiques n'existait pas.
15:49 Les seuls outils qui étaient à la disposition des enquêteurs
15:53 étaient donc la comparaison de la trace biologique avec le profil génétique de M. Moisset,
15:59 qui démontrait que ces empreintes génétiques étant différentes l'une de l'autre,
16:03 la trace de sang ne pouvait pas provenir de M. Moisset.
16:07 En revanche, on disposait d'une information complémentaire
16:10 qui était celle qu'il s'agissait d'un génotype de type masculin."
16:14 À ce stade de l'enquête, les policiers savent que Gaston Moisset a été agressé sauvagement
16:20 par un individu de sexe masculin, sans doute inconnu des services de police,
16:24 car son empreinte digitale n'est pas répertoriée au fichier national.
16:28 Ils se tournent alors vers le seul témoin des faits, Clémentine, toujours hospitalisée.
16:34 "La pauvre Clémentine, elle était dans une chambre à l'hôpital, complètement désorientée,
16:39 puisque bon, moi je pense qu'elle a assisté à l'agression sans rien pouvoir faire.
16:47 La seule chose, c'est quand on est arrivé dans sa chambre le soir, elle s'est mise à hurler.
16:51 Ce qui nous a fait penser à un moment qu'elle pourrait peut-être reconnaître quelqu'un."
16:56 La famille propose alors aux enquêteurs d'essayer de faire parler Clémentine.
17:02 "J'ai arrêté d'aller à l'hôpital plusieurs fois,
17:08 ils mettaient une casquette à l'endroit, une casquette à l'envers, un douzon, etc.
17:13 Et il ne s'est rien passé."
17:16 "Mais très vite, on va s'apercevoir que Mme Moisset est dans l'incapacité de témoigner de quoi que ce soit.
17:23 Car elle souffre d'une pathologie telle qu'elle n'est plus dans la réalité,
17:28 qu'elle ne comprend plus les événements qui se passent.
17:31 C'est un témoin certes, mais un témoin qui ne peut pas être utile dans l'enquête pénale.
17:38 Et malheureusement, les enquêteurs devront trouver ailleurs pour connaître l'auteur présumé."
17:46 Les jours, les semaines, les années passent.
17:50 Les nombreuses auditions de l'entourage n'ont pas permis d'impliquer la famille,
17:54 définitivement disculpées par les résultats du laboratoire.
17:57 Pourtant, aucune effraction du pavillon n'ayant été commise,
18:01 les enquêteurs savent que M. Moisset a ouvert à son agresseur.
18:04 De plus, une somme importante d'argent ainsi qu'un révolver ayant été retrouvés,
18:09 le mobile crapuleux n'est pas évident.
18:11 Seule certitude, un inconnu est entré dans le pavillon.
18:15 Il a laissé ses empreintes papillaires sur un casier métallique et sur un verre.
18:19 L'analyse ADN de la tâche de sang retrouvée sur le réservoir d'eau des toilettes
18:24 précise que cet inconnu est de sexe masculin.
18:27 Mais ses empreintes ne sont pas répertoriées dans les fichiers nationaux.
18:30 L'enquête s'enlise et le 2 septembre 1997, plus de 3 ans après les faits,
18:36 une ordonnance de non-lieu est rendue par le juge d'instruction.
18:40 L'information ne permettant pas d'identifier le ou les auteurs de l'homicide,
18:44 le juge ordonne le classement de la procédure
18:47 pour y être reprise en cas de survenance de charges nouvelles.
18:51 Ce qu'on éprouve à ce moment-là, c'est une désillusion.
18:56 Se dire que finalement ce n'est pas possible qu'on n'ait pas retrouvé quelqu'un.
19:02 Ce n'est pas possible.
19:04 On est franchement désabusé et puis on se dit bon ben voilà.
19:10 On met ça dans un coin de notre tête parce qu'on a d'autres soucis,
19:14 parce que ma belle-mère est décédée 6 mois avant.
19:20 Et puis on n'a rien su.
19:23 Cette enquête a été menée, je crois, avec les moyens du bord d'une certaine époque
19:31 et avec les progrès de la police technique et scientifique,
19:35 d'une autre ère qui s'ouvrait en matière de police judiciaire.
19:39 Un an et demi après le non-lieu, un élément nouveau relance l'enquête.
19:44 Nous étions au mois de mars 1999,
19:48 lorsque nous avons été avisés par le service central d'identité judiciaire
19:54 qu'une empreinte qui avait été relevée sur un homicide volontaire en 1994
20:02 venait d'être identifiée par la base Fahed, le fichier automatisé des empreintes digitales.
20:08 Ce service nous communiquait l'identité de la personne, à savoir un certain Pierre Lowe.
20:15 Pierre, 31 ans, est entendu en janvier 1999 par les gendarmes de Poissy
20:21 dans une affaire de faux et usage de faux.
20:24 Il est signalisé à cette occasion.
20:26 Ses empreintes sont alors intégrées au fichier national des empreintes digitales.
20:31 Après son audition, l'homme a quitté libre les locaux de la police.
20:36 Les empreintes digitales de l'auteur ont été relevées,
20:41 incluses à la base du fichier automatisé des empreintes digitales,
20:46 et que la trace papillaire qui avait été retrouvée sur les lieux correspondant à un de ses doigts
20:52 a été rapprochée et a fait l'identification.
20:56 Il y a un effet automatique de comparaison entre les traces papillaires non résolues
21:02 qui sont conservées dans la base du fichier automatisé
21:06 et les nouveaux candidats qui arrivent et qui sont signalisés eux au quotidien
21:11 dans tous les services de police et de gendarmerie de France.
21:13 C'est la raison pour laquelle cette signalisation de l'enquête effectuée par les gendarmes
21:19 avait été communiquée au service central d'identité judiciaire,
21:25 intégrée au fichier automatisé des empreintes digitales,
21:28 et quelques temps après, comme on dit dans notre jargon, ça avait matché.
21:33 Né à Beson dans le Val d'Oise en 1967, Pierre, marié, un enfant,
21:39 est vendeur ambulant de tapis et d'objets d'antiquité.
21:42 Mais ce qui a déterminé sa vie, c'est la boxe.
21:45 Issu d'une famille de boxeurs gitants, il est devenu boxeur professionnel à l'âge de 21 ans.
21:50 Sa spécialité, gagner par chaos.
21:53 Il a l'habitude de faire la une des journaux sportifs.
21:56 C'est la première fois qu'on parle de lui dans la rubrique des faits divers.
22:00 Les enquêteurs vont s'intéresser au parcours de ce poids léger.
22:03 Je l'ai vu au pavillon Baltard à l'époque où c'était un espoir de la boxe en France.
22:09 Alors c'était un type qui était grand pour sa catégorie.
22:14 Très lourd de droite.
22:16 Pierre se caractérise plus par une boxe, j'ai envie de dire, un peu plus violente, un peu plus en puissance.
22:23 C'est un puncher.
22:25 Il finissait par placer sa droite et puis les types qu'on lui mettait en face, ils descendaient.
22:29 Malgré tout, je ne sentais pas chez Pierre l'éclat du champion.
22:37 Il y avait quelque chose de monocorde, d'un peu triste, de studieux, j'allais dire de contraint.
22:44 Il m'a évoqué Boris Karloff dans Frankenstein, avec son masque, son long front bossolé, son regard terne.
22:54 Et puis vous savez que dans Frankenstein, la première victime, c'est la créature.
23:00 Derrière la créature, il y avait Daniel, le père, qui n'imaginait pas ses fils autrement que champion de boxe.
23:09 Et qui les a élevés un peu comme on élève des chiens de combat.
23:13 Il est évident que nous sommes tous plus ou moins le produit de nos éducations et de nos parcours personnels.
23:23 Donc s'il a été éduqué dans la violence, dans ce genre de choses, ça peut marquer l'individu.
23:32 C'est quelqu'un qui sait se battre, qui est très fort physiquement et qui est très efficace.
23:38 Les policiers sont convaincus que pour cerner leur suspect, il est nécessaire de connaître sa carrière sportive.
23:44 Après une vingtaine de victoires, Pierre essuie un échec lors des championnats de France en 1990.
23:51 Il s'incline en dix rondes.
23:53 Perdre au point.
23:55 Perdre au point, ce n'est pas la fin du monde en boxe.
23:59 Ce qui est la fin du monde, c'est le chaos.
24:02 Parce que le chaos, ça symbolise la mort.
24:04 Et il y a avant et après.
24:07 Défaite.
24:10 Humiliation.
24:11 Le boxeur se relance avec rage sur les rings.
24:16 C'est pour ça que quand se présente la possibilité, l'opportunité de faire un championnat d'Europe,
24:22 parce que le titre est vacant, le match part en favori.
24:28 On lui oppose un jeune Danois, Jimmy Bredal.
24:31 Le combat s'engage, Pierre place sa droite, mais Jimmy Bredal est toujours debout.
24:36 L'issue du match demeure incertaine.
24:38 Et il tombe sur un vrai os, c'est un type qui est plus fort que lui.
24:42 Qui est plus jeune, mais qui est plus fort que lui.
24:44 Il ne fait pas un mauvais combat, ce jour-là.
24:46 Un combat extrêmement courageux, il ne recule pas.
24:49 Il se rebelle, il fait ce qu'il peut.
24:51 Il place sa droite sur la fin de sa terrible droite.
24:54 Mais l'autre ne tombe pas, l'autre est un champion.
24:56 L'autre le maîtrise, l'autre recule quand il faut.
24:59 Et repart quand il faut.
25:00 Et puis, il remporte le titre.
25:02 L'arbitre arrête le combat.
25:05 Pierre perd par chaos technique.
25:07 Pour les enquêteurs, cette défaite marque une rupture dans la carrière du boxeur.
25:11 Une rupture dans sa vie.
25:13 C'est vraiment un pas en arrière.
25:16 Et là, le boxeur doit être très fort mentalement.
25:22 Pour accepter les sacrifices que suppose de reprendre le chemin de l'entraînement.
25:27 C'est un moment difficile.
25:29 Forcément, c'est un moment qui fait qu'Amberger et quelques boxeurs ont parfois abandonné.
25:34 Ou ont été abandonnés par leur entourage.
25:36 Parce qu'il ne faut pas oublier que l'entourage des boxeurs est très influent dans leur carrière.
25:41 Donc certains ont préféré abandonner ou laisser filer comme ça leur carrière après une grosse défaite.
25:47 Le boxeur disparaît des rings pendant près de deux ans.
25:50 Puis en mars 1994, soit trois mois avant l'agression de Gaston, il devient champion de France des poids légers.
25:56 Il n'est plus pour autant dans le circuit international.
25:59 Et là, tout bascule.
26:01 Tout bascule parce que la carrière internationale qui lui était promis s'éteint.
26:05 Faudrait tout refaire.
26:07 Puis peut-être qu'il n'a pas la moelle, le pire, pour tout refaire.
26:11 Derrière une certaine flambe, en boîte de nuit, il y avait peut-être derrière une carrière qui s'était terminée.
26:21 Et le désarroi qu'on peut ressentir lorsque les lumières de la célébrité s'éteignent autour de soi.
26:33 Il disparaît. Moi je me souviens des petites nautules dans l'équipe.
26:38 On disait, sa famille disait, il est injoignable, il a repris la route, la caravane, on ne sait pas où il est.
26:45 C'était effectivement une interrogation dans les milieux de la boxe.
26:48 Il avait quand même un titre à défendre.
26:51 Et il était aux abonnés absents.
26:55 Voilà. Aux abonnés absents, il était introuvable.
26:58 C'est quelqu'un qui est à la limite de la marginalité et sans domicile vraiment fixe.
27:07 Les enquêteurs ne disposent d'aucune adresse fiable.
27:11 Le boxeur vit dans des caravanes. Il demeure introuvable.
27:15 Nous avons un nom, Pierre Louraud, un environnement.
27:20 On s'aperçoit que ce monsieur n'a pas vraiment d'adresse de domicile fixe.
27:25 C'est vrai que sur le moment, on a pensé que ça allait être relativement facile,
27:31 étant donné qu'il était connu dans les milieux de la boxe,
27:34 que son frère était toujours boxeur professionnel et qu'il disputait des combats au niveau du championnat du monde.
27:43 On a pensé que ça allait être relativement facile de loger.
27:48 C'est notre terme, Pierre Louraud.
27:51 Au contraire, ça a été extrêmement difficile.
27:55 Pourtant, le 10 avril 1999, une occasion se présente d'arrêter l'ex-boxeur.
28:02 Les enquêteurs sont persuadés qu'il assistera à Bercy au championnat du monde disputé par son frère.
28:08 Donc ils vont assister à ce combat. Il y a des policiers dans la salle.
28:11 Il y a des policiers dehors.
28:15 Mais une fois dans la salle, les policiers comprennent que c'est vraiment pas l'endroit idéal.
28:21 Autour du ring, évidemment, il y a la famille. La communauté des gitans est là.
28:27 Donc ça serait forcément une arrestation qui ne pourrait pas bien se passer.
28:32 Donc la police regarde le combat, surveille Pierre Louraud d'un oeil, décide de remettre à plus tard cette arrestation.
28:41 Cette occasion ratée ne va pas se reproduire de si tôt.
28:45 Pourtant, un informateur anonyme livre aux enquêteurs le numéro d'un des téléphones portables du suspect.
28:51 Mis sur écoute, le 1er septembre, les policiers surprennent une conversation en fin de matinée qui va leur permettre de reprendre la main.
28:59 Nous avons donc une communication avec une femme qui était déjà apparue sur les surveillances téléphoniques.
29:08 Il est question d'un rendez-vous dans l'après-midi. On est le 1er septembre, il est 14h.
29:13 Le rendez-vous doit avoir lieu vers 15h sur place, dans le 9e.
29:18 Donc je rassemble tous les effectifs présents et nous nous rendons très, très, très rapidement sur place.
29:28 On installe un dispositif de surveillance. J'ai moi-même juste le temps de stationner mon véhicule à l'embout d'une rue.
29:36 Et lorsqu'on nous annonce que deux individus sortent de l'immeuble et un de mes collègues le reconnaît.
29:42 Je fais signe à mes collaborateurs qui étaient autour et à ce moment-là, on procède à l'interpellation.
29:55 Je dois dire que je l'ai percuté. Je me suis souvenu que j'avais fait un peu de rugby dans ma jeunesse.
30:03 Et voilà, ça s'est passé sans problème. Ils sont palpés par mesure de sécurité.
30:09 Et effectivement, on retrouve un petit pochon qui contient des pierres, des diamants probablement.
30:20 Pierre est conduit dans les locaux de la police judiciaire de Sergi-Pontoise. Il est placé en garde à vue.
30:27 Rapidement, les enquêteurs découvrent que les diamants proviennent d'un vol à l'arraché.
30:32 L'interrogatoire se poursuit.
30:34 Pour les enquêteurs, le souci permanent est d'attendre le bon moment pour évoquer l'affaire Moisset.
30:40 On n'a pas intérêt à immédiatement se précipiter sur la personne gardée à vue et rentrer sur le fond de l'affaire.
30:49 Généralement, ces personnes ont commis plusieurs méfaits.
30:55 Et donc, dans leur tête, ils s'interrogent.
31:02 Quelle affaire ? Pourquoi je suis là ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
31:07 Je pense que l'homme ne devait pas se douter qu'il s'agissait de l'affaire de 1994, à ce moment-là.
31:14 Mais comme il était quelqu'un qui était assez marginal, avait commis probablement d'autres petits méfaits,
31:21 il a pu penser qu'il s'agissait d'une affaire banale.
31:27 Même si on lui avait notifié qu'il s'agissait d'une commission interrogatoire pour homicide volontaire.
31:33 Mais je crois qu'il n'avait pas vraiment bien pris conscience immédiatement de l'importance de l'affaire pour laquelle il était en garde à vue.
31:43 L'affaire est relancée. Chantal et Marc Moisset sont prévenus.
31:49 Marc a eu un coup de téléphone, un coup de fil, un inspecteur, en disant que l'affaire était réouverte.
31:56 Et on apprend, peu de temps après, par les journaux, qu'effectivement, l'affaire a été arrêtée.
32:09 La famille va enfin avoir les réponses aux questions qu'elle se pose depuis 5 ans.
32:14 Pierre passe la nuit du 1er septembre au dépôt.
32:17 Le lendemain matin, dès 7h30, les enquêteurs reprennent leur interrogatoire.
32:22 On interroge donc sur le fond.
32:25 Donc là, à ce moment-là, il sait de quoi il s'agit, d'une affaire de homicide volontaire.
32:31 On lui montre les photos de la victime, M. Moisset.
32:35 On lui montre des photos de la rue, du pavillon, qu'il nous dit ne pas connaître, alors qu'on savait qu'il avait fréquenté le quartier.
32:46 Plus on avance, plus il semble quand même comprendre que s'il est interpellé 5 ans après, c'est que, comme on dit dans notre jargon, on a des billes.
32:57 Et à un moment donné, tout à fait naturellement, sans s'énerver, sans s'effondrer, je vais vous expliquer comment ça s'est passé.
33:06 C'est moi qui me suis battu avec le vieux.
33:08 La personne constate que le déni ne marche plus, que les enquêteurs ont des éléments vraiment probants qui existent.
33:15 Et donc, il décide, face à ça, de ne plus les contourner parce qu'il ne peut pas faire autrement.
33:19 Et donc, il va dire j'avoue. Mais qu'avoue-t-il ? Sûrement une version très personnelle des faits.
33:24 C'est donc vers 10h30, à peine 3 heures après le début de l'interrogatoire, que le suspect révèle sa version des faits.
33:34 Et là, il a commencé à nous donner une explication qu'il a rectifiée à plusieurs reprises.
33:39 Parce que, dans un premier temps, il disait qu'il n'était pas monté au premier étage.
33:44 Et quand il voyait nos mous, comme il est quand même assez malin, il comprenait qu'on avait, nous, des éléments dans le dossier qui permettaient de le coincer là-dessus.
33:57 Certains criminels, c'est assez classique dans un premier temps, s'arrangent avec les faits, donnent une version qui leur est personnelle et qui leur est favorable.
34:06 Et mentent plus ou moins pour ranger les faits en leur faveur.
34:10 Donc, il a adapté, il a relaté la scène.
34:14 Un premier temps relativement convivial avec M. Moissier, qui aurait offert un verre d'eau.
34:24 M. Moissier se servant un verre de vin.
34:27 Et ensuite, selon l'ordre, M. Moissier serait rentré en colère en faisant état d'un cambriolage qui venait d'être commis chez lui.
34:38 Et à l'appui de ces déclarations, il le faisait monter au premier étage où tout avait été fouillé.
34:45 Les enquêteurs ont pu vérifier qu'effectivement Gaston, en présence de sa femme, avait bu un verre avec le boxeur.
34:51 Les traces papillaires retrouvées sur les verres l'attestent.
34:54 En revanche, les déclarations du suspect concernant le cambriolage à l'étage sont contradictoires avec les éléments retrouvés sur la scène du crime.
35:02 Lorsque les services de police interviennent dans le jour des faits, trouvent également que le rez-de-chaussée a été fouillé.
35:10 Donc, si ces faits avaient été commis par un supposé cambrioleur, ils ont été commis avant l'arrivée de l'homme dans les lieux.
35:18 Donc, on aurait dû voir le même désordre au rez-de-chaussée qu'au premier étage.
35:22 Or, ils ne le mentionnent pas.
35:25 Le suspect poursuit ses déclarations.
35:29 À l'étage, monsieur Moisset lui aurait demandé de ranger un casier métallique.
35:33 C'est à cette occasion qu'il se serait coupé.
35:36 En manipulant ce casier métallique, il se coupera à un doigt et il se rendra donc dans la salle de bain pour se soigner.
35:47 Les enquêteurs ont maintenant l'explication de la présence de sang sur le couvercle du réservoir d'eau des toilettes.
35:53 Pierre continue sa déposition.
35:55 Monsieur Moisset est devenu agressif. Il m'a dit "Vous allez m'aider à ranger, c'est le bordel".
36:00 Quand je suis revenu des toilettes, il n'a plus voulu me laisser sortir.
36:03 Il criait, s'emportait et me barrait le chemin. J'ai fini par l'écarter et j'ai descendu l'escalier 4 à 4.
36:09 J'ai entendu que derrière moi, il chutait dans l'escalier et d'ailleurs, il s'est fait mal.
36:14 Le boxeur aurait repris son tapis. Gaston Moisset aurait alors tenté de l'agresser à l'aide d'une bouteille.
36:20 Puis le vieillard aurait essayé de le frapper à l'aide d'une plaque de marbre de près de 10 kg.
36:25 Et au cours de cette manœuvre, Moisset serait parti en arrière et la plaque, lui, serait tombée dessus.
36:31 Mais les constatations du médecin légiste contredisent la version du suspect.
36:37 La plaque aurait traumatisé sur sa surface. La lésion observée aurait été de toute autre nature.
36:45 Et notamment, ce n'est pas en angle qu'il y aurait eu ce traumatisme, mais à plat.
36:51 Et donc, il aurait donné une lésion beaucoup plus large et avec un aspect totalement différent.
36:57 Là, on peut être affirmatif et nous sommes affirmatifs.
37:00 Il n'y a pas pu y avoir cette lésion provoquée de la façon dont le présumé agresseur le propose.
37:09 Il a relaté la scène en se donnant quand même un rôle mineur,
37:16 à savoir que le vieux, qu'il considérait fort comme un bœuf,
37:21 l'avait finalement agressé et qu'il n'avait fait que se défendre.
37:27 Ça, évidemment, ça donne de ce qui s'est passé une image tout à fait différente.
37:34 Dans un cas, une dispute un peu violente sur la fin.
37:39 Et puis, dans l'autre cas, une victime qui est réellement agressée,
37:44 qu'on étrangle même, et qui finit par mourir.
37:48 Alors certes, peut-être qu'on ne voulait pas qu'elle meure,
37:51 mais l'agression a été violente et volontaire.
37:57 Voilà comment cette confrontation entre nos observations de médecins légistes
38:03 et puis l'interrogatoire de l'auteur présumé
38:08 permettent de reconstituer la scène du crime
38:13 avec suffisamment d'arguments solides pour que ce qui est dit par l'auteur puisse être récusé
38:21 et qu'une autre interprétation puisse être, elle, retenue,
38:27 notamment par le procureur, par le parquet, par le juge d'instruction.
38:30 Devant autant d'incohérences, le juge d'instruction demande la reconstitution des faits
38:36 et Pierre, en situation, rejoue le drame.
38:38 Il rencontre Gaston Moisset devant le pavillon.
38:41 À l'invitation du vieillard, il entre dans le domicile pour discuter.
38:45 L'absence des fractions sur la scène de crime corrobore les dires du boxeur.
38:49 La suite de la reconstitution ne permet pas au juge de se faire une idée plus précise du déroulement des faits.
38:55 Pierre reste sur ses premières déclarations.
38:57 À la fin de la journée, les gestes exacts effectués le jour du drame et le mobile du crime restent une énigme.
39:03 Il avait pu repérer cette maison, il a même pu parler à M. Moisset à plusieurs reprises.
39:10 Tout est envisageable.
39:12 Est-ce que ce jour-là, il est rentré avec l'idée de tuer ? Peut-être pas.
39:16 Est-ce que ce jour-là, il est rentré avec l'idée de voler ? Plus vraisemblablement.
39:22 L'instruction touche à sa fin.
39:25 Pierre est renvoyé en jugement devant la cour d'assises de Pontoise
39:28 pour tentative de vol, précédé, accompagné ou suivi de violence
39:32 ayant entraîné la mort sans intention de la donner.
39:35 L'ancien boxeur, incarcéré à la maison d'arrêt d'Auny, attend son procès.
39:40 Je trouve quelqu'un qui va protester avec une énergie farouche, je dis bien farouche,
39:46 de son innocence dans ce qui va provoquer la mort de ce malheureux vieillard.
39:53 Dès le départ, il ne comprendra pas trop ce qu'il fait là
39:57 et il va dire "moi, ça n'est pas mon affaire et ça ne peut pas être mon affaire".
40:01 Vous savez, nous sommes dans un contexte culturel, qui est un contexte culturel particulier.
40:07 Monsieur fait partie de cette vaste communauté dite des gens du voyage,
40:12 avec une culture particulière.
40:14 Et peut-être que l'une des pierres angulaires de cette culture,
40:20 c'est le respect que l'on doit aux personnes âgées,
40:25 l'accompagnement qu'on va leur faire jusqu'à la fin de leurs jours.
40:29 Alors voyez-vous, quand on vient dire "vous avez frappé sur un vieillard
40:36 et vous avez frappé si fort que cela a provoqué son agonie d'abord et sa mort ensuite",
40:41 cette idée-là était totalement rejetée.
40:45 Ça faisait partie de quelque chose qui ne pouvait pas être lui.
40:48 Le 21 juin 2001 s'ouvre le procès devant la cour d'assises de Pontoise.
40:53 J'attends la réponse. À ce moment-là, j'attends une réponse.
40:57 Tu me demandes peut-être pas une réponse franche, mais une réponse.
41:01 Dire "voilà ce qui s'est passé". En fait, j'attends la vérité.
41:05 Dès le début du procès, les enjeux sont posés.
41:10 Les partis vont défendre des points de vue radicalement différents.
41:14 Le procès a été conduit de manière très simple, je pense.
41:22 Le ***** dit qu'il n'a pas commis les faits.
41:26 Et c'est tout. Il n'a pas fait, il ne l'a pas fait.
41:30 Et la politique de la poursuite, ça ne peut être que *****.
41:35 Les faits montrent que c'est *****.
41:37 Donc nous sommes effectivement devant une structure un peu monolithique
41:41 et de la défense et de la partie civile et du procureur général.
41:47 Nous sommes bien d'accord, il y a un homme coupable ou non coupable.
41:52 Devant la cour, l'accusé crie son innocence.
41:56 Il réfute toute intention de tuer. Il n'aurait fait que se défendre.
42:00 Tout au long du procès, ***** a été égal à lui-même,
42:06 regardant ses chaussures, ne regardant jamais les gens en face.
42:10 Quand l'accusé est arrivé, on n'a pas arrêté, je n'ai pas arrêté de le fixer.
42:15 Ce qu'il réclamait, c'était, bien évidemment, comme toutes les familles de victimes, c'était justice.
42:20 Mais ce qu'il voulait surtout, c'était regarder en face celui qui était le meurtrier présumé de son père.
42:31 Les clients, bien entendu, veulent la vérité.
42:34 Ils veulent la vérité, vous avez en face de vous quelqu'un qui refuse de reconnaître les faits,
42:39 qui vient raconter qu'il n'est pas responsable du crime, qu'il n'a pas participé à ce crime.
42:46 Les familles ne sont pas dans la vengeance, elles sont dans la compréhension.
42:50 Elles veulent comprendre ce qui s'est passé, savoir ce qui s'est passé.
42:53 Et c'est vrai que lorsque l'auteur présumé ne reconnaît pas les faits,
42:58 il reste là une interrogation qui ne pourra jamais être comblée, jamais.
43:04 C'est comme ça, on ne peut pas forcer quelqu'un à reconnaître les faits.
43:09 Pressé par les questions de la présidente de la cour, Pierre maintient ses positions.
43:14 Les incohérences relevées lors de l'instruction demeurent.
43:17 Dès l'instant où le procès a été entamé, une fois que la présidente posait des questions,
43:21 on savait très bien qu'on n'aurait aucune réponse sur tout ce qui nous intéressait, nous personnellement.
43:29 On ne peut pas dire que l'on ne reconnaît pas avoir frappé la victime.
43:34 Il reconnaît à demi-mot avoir porté des coups, mais dans un but de défense.
43:41 Et c'est là que sa position est difficilement crédible.
43:47 C'est un boxeur professionnel, très simplement il aurait pu écarter M. Moisset et s'en aller.
43:57 Mon beau-père a eu beau se défendre, c'est vrai qu'il a cherché à se défendre,
44:02 mais qu'est-ce qu'on peut faire contre une personne de 28 ans alors qu'on en a 89 ? Rien !
44:09 Vous savez ce qui s'est passé le 2 juin 1994, Dieu seul le sait, Dieu seul et peut-être M. Moisset d'ailleurs.
44:17 Je ne vais pas vous dire le contraire.
44:20 Et il n'est pas impossible que M. Moisset soit un sachant taisant.
44:26 Parce que voyez-vous, une autre caractéristique forte de la culture des gens du voyage, des gitans en général, c'est qu'on ne parle pas.
44:38 C'est alors que la Défense avance une hypothèse permettant d'éclairer l'affaire sous un jour nouveau.
44:43 Il n'est pas impossible que M. Moisset ait eu une information, qu'il ait su même peut-être,
44:50 qui était l'auteur de ce terrible crime.
44:54 Mais ça, il n'en a jamais parlé.
44:57 Il a préféré assumer seul jusqu'au bout une terrible accusation
45:03 contre laquelle il était par certains côtés difficile de se défendre.
45:08 Puisque, vous l'avez noté, M. le juge Berges à l'époque avait listé un certain nombre d'éléments
45:15 qui n'étaient pas déterminants quant à l'auteur du meurtre.
45:19 Ce qui était déterminant sur un point très précis, c'est que M. Moisset à un moment avait eu un contact avec la victime.
45:26 Comment se fait-il que l'accusé n'ait jamais évoqué cela lors de l'instruction ?
45:31 Vous savez, il y avait la...
45:34 et la... a fermé hermétiquement, dès le départ, les portes d'un deuxième homme.
45:41 Alors, qu'est-ce qu'on allait faire ?
45:45 Mettre en garde à vue toute une population ?
45:49 On n'avait pas de moyens.
45:51 Il y avait peut-être une clé qui l'achetait dans la rivière.
45:55 Voilà pourquoi on n'a jamais parlé de ce deuxième homme, qui a été extrêmement présent.
46:02 Il était hurlant de présence, cet homme-là, à la cour d'assis, je m'en souviens parfaitement.
46:06 La famille de Gaston Moisset n'est pas convaincue par les arguments de la défense.
46:12 Elle est désorientée par la tournure que prennent les débats.
46:16 Qui était la seconde personne ?
46:20 On ne l'a jamais retrouvée.
46:23 Et pas non plus d'empreintes qui lui correspondaient.
46:26 Dans le cas de l'agression de M. Moisset,
46:30 étant donné les constatations sur place, avec une scène de violence lourde,
46:37 on peut imaginer qu'il y ait eu deux agresseurs ou plusieurs agresseurs.
46:42 Mais un seul peut suffire.
46:45 Et quand on dit plusieurs, c'est qu'il faut qu'on ait des éléments
46:49 pour cette accusation-là.
46:53 Des éléments notamment trouver les traces digitales, ou bien l'ADN.
46:59 Comment expliquer que seul un des agresseurs aurait laissé les traces de sa présence,
47:06 et puis que les autres, ou que l'autre, ne l'ait point fait ?
47:09 C'est contradictoire.
47:11 Ou bien il lui a fallu que le second prenne des précautions que n'aurait pas prises le premier ?
47:16 Ça ne tient pas beaucoup, et je crois que la thèse d'un seul agresseur est parfaitement acceptable.
47:22 Trois empreintes d'enrelevés sur les lieux, une trace de sang.
47:28 Tous ces éléments se rapportent à...
47:32 Il ne nous a jamais parlé d'un complice.
47:37 Quand il précise la scène, sa montée au premier étage, la bagarre,
47:43 à aucun moment il ne place l'intervention d'un complice.
47:48 C'est pour ça que je ne crois pas du tout à la version présentée par la Défense lors du procès.
47:57 Pourtant, les experts qui témoignent à la barre ne peuvent être formels.
48:02 Lors de l'analyse d'une scène de crime, les prélèvements ne sont pas exhaustifs.
48:07 C'est-à-dire que vous allez réaliser un certain nombre de prélèvements à différents endroits,
48:12 sans pour autant réaliser des prélèvements dans la totalité de la pièce.
48:16 Ce qui fait que si les prélèvements ne sont pas réalisés exactement à l'endroit où une éventuelle deuxième personne a laissé des traces biologiques,
48:24 eh bien, bien entendu, on va passer à côté et on ne mettra pas en évidence l'ADN d'une deuxième personne, si deuxième personne il y a.
48:31 À la fin des débats, de nombreuses questions restent en suspens.
48:35 Personnellement, j'ai l'impression que c'est une... qu'on me passait un mauvais film.
48:44 J'étais en train d'assister à un mauvais film, en fait. Voilà.
48:48 Et que c'était, oui, un procès, mais qui ne se déroulait pas comme moi je l'entendais.
48:57 Non, ça n'allait pas.
49:00 Maître Liénard, lorsqu'il est au cours de l'audience, va analyser chaque phrase qui va être prononcée par l'un ou par l'autre,
49:12 par les différents intervenants, parce qu'il y a des interrogateurs qui se refont, on refait le procès.
49:16 Et il va aussi utiliser ce qu'il a trouvé dans le dossier d'instruction pour, là en l'occurrence,
49:22 essayer de développer au maximum chaque point de faiblesse du dossier.
49:27 Chaque point qui n'est pas étayé, qui peut poser le moindre doute, il va l'éclater véritablement.
49:34 Et ce sera sa force. Maître Liénard va être brillant, très brillant sur ce point-là.
49:39 Il va réussir à insinuer un doute dans l'esprit du juré, non pas par rapport à la culpabilité, parce qu'elle va être retenue,
49:46 mais au minimum par contre-coup, j'oserais dire, sur la notion de vulnérabilité de M. Moisset.
49:55 Vous savez, il ne faut pas croire que la matière pénale soit une matière mathématique,
50:02 et que nous soyons très souvent accompagnés de certitudes.
50:07 La plupart du temps, devant les cours d'assises, nous tâtonnons tous, nous faisons tous au moins mal en disant,
50:15 "Ecoutez, la voilà, il y a des choses dont on peut être à peu près certain, c'est le bon sens qui le commande.
50:20 Puis il y en a d'autres sur lesquelles on va émettre des hypothèses parce qu'on ne peut pas faire plus."
50:25 Voilà comment on s'organise tout ça. Moi, ce que j'ai plaidé, c'est mes quelques certitudes.
50:31 Il n'est pas l'auteur de la mort. Il est probablement sa chanteuse.
50:38 Il est allé dans ce domicile, dans cette maison, sans aucun doute.
50:43 Le reste, monsieur, on verra ça là-haut, le jour du jugement dernier, mais je crois que ce jour-là, on sera tous dans le boxe.
50:50 Même les avocats généraux, ce qui est une grande consolation.
50:53 Nous, ce qu'on voulait, c'était la vérité. Et ça, on ne l'a pas eue.
51:03 La vérité, la vérité, la vérité. Savoir ce qui s'était passé et pourquoi.
51:08 Mais ça, on ne l'a jamais obtenue.
51:11 Et or, depuis 1994, on n'a pas fait le deuil de mon beau-père.
51:17 On n'a pas réussi à tourner une page.
51:19 Et c'est pour ça, aujourd'hui, que je viens témoigner.
51:22 Pour pouvoir tourner la page, tourner cette page et reprendre la vie, je ne dirais pas comme elle était avant,
51:29 mais repartir certainement sur de meilleurs pieds, de meilleures bases.
51:34 Le 22 juin 2001, le verdict tombe.
51:40 L'ex-boxeur est condamné à 10 ans de réclusion criminelle.
51:45 Le juge est convaincu que le juge a été convaincu.
51:49 Mais le juge n'a pas été convaincu.
51:52 Le juge a été convaincu.
51:54 Le juge a été convaincu.
51:56 Le juge a été convaincu.
51:58 Le juge a été convaincu.
52:00 Le juge a été convaincu.
52:02 Le juge a été convaincu.
52:04 Le juge a été convaincu.
52:06 Le juge a été convaincu.
52:08 Le juge a été convaincu.
52:10 Le juge a été convaincu.
52:12 Le juge a été convaincu.
52:14 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org