Lundi 4 mars 2024, SMART BOURSE reçoit Victor Lequillerier (Président du Think Tank, BSI Economics)
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00:00 *Musique*
00:10 Le dernier quart d'heure de Smartboard chaque soir, c'est le quart d'heure thématique.
00:13 Le thème ce soir, c'est celui de la prise de hauteur et de la prise de recul pour s'intéresser au monde de 2030.
00:19 Maîtriser les enjeux qui feront le monde de demain.
00:22 C'est un ouvrage collectif publié aux éditions du Naux, écrit par les économistes de BSI Economics
00:28 et qui s'intitule "12 clés économiques pour aborder 2030".
00:32 Je pense qu'au moins une quinzaine d'économistes ont participé à l'écriture de cet ouvrage,
00:36 qui a été coordonné notamment par Victor Le Quillaurier,
00:39 qui est à mes côtés en plateau, économiste et président de BSI Economics.
00:43 Bonjour Victor.
00:44 Bonjour Guillaume.
00:45 Merci beaucoup d'être là.
00:46 L'autre coordinateur, je le cite, c'est Mathieu Aubertelli.
00:48 Et puis voilà, je le dis, il y a au moins une quinzaine d'économistes qui ont participé à cet ouvrage.
00:53 Un mot quand même pour redonner la place de BSI Economics, j'allais dire, dans le débat public,
00:57 puisque c'est une organisation qui existe depuis plus de dix ans maintenant, Victor.
01:01 Effectivement, on a fait nos dix ans.
01:03 On a un centre de réflexion économique et financier indépendant.
01:06 On réunit des économistes du secteur privé, du secteur public, du secteur institutionnel, académique.
01:10 On essaie de proposer au grand public, aux décideurs, des analyses,
01:14 qui sont du coup en libre accès sur notre site,
01:16 et aussi du coup avec des ouvrages régulièrement qu'on publie maintenant tous les deux ans et demi environ.
01:21 Donc un nouvel opus qui, on espère, va attirer l'attention et que ça va l'intéresser.
01:26 J'avais oublié la clé de BSI, "Brainstorming Initiative".
01:31 C'est ça au départ.
01:32 J'avais oublié ce que ça voulait dire. Effectivement, je l'ai retrouvé sur votre site.
01:37 Il y a sept grandes expertises sur lesquelles les économistes de BSI travaillent.
01:41 C'est budget, fiscalité, conjoncture, finance et marché, industrie, société, environnement, énergie, agriculture et alimentation.
01:49 Quel a été l'objet de cette démarche qui a conduit à la publication de cet ouvrage ?
01:53 Je vous rappelle chez Duneau, "12 clés économiques pour aborder 2030".
01:57 Pourquoi 2030 ? A qui s'adresse cet ouvrage ?
02:00 Et comment est-ce que vous avez fait le choix sur ces douze thématiques ou enjeux qu'il fallait sélectionner, Victor ?
02:06 On a bien constaté que les débuts de l'année 2020 ne sont pas forcément bien débutés,
02:13 avec la crise du Covid, la répercussion de la crise en Ukraine.
02:15 On avait cette impression qu'on était un peu à un point de bascule.
02:18 Ce point de bascule nous a donné envie de dresser un peu l'état des lieux et en même temps de se projeter,
02:24 d'offrir des clés de compréhension au grand public mais aussi aux décideurs sur des sujets qui nous semblaient clés.
02:30 Toujours avec l'objectif de faire de la pédagogie et d'essayer de se baser sur les faits, d'avoir une vision non partisane.
02:38 En plus de s'appuyer sur des experts différents, c'est un ouvrage qui est collectif.
02:41 L'idée c'est de réunir des gens qui ont une compétence, en tout cas une expertise sur un sujet donné.
02:46 Après, très rapidement, on s'aperçoit que même si chapitres par chapitres ne sont pas indépendants,
02:51 il y a pas mal de dialogues entre les chapitres.
02:53 C'était vraiment notre volonté de faire un ouvrage qui nous permettait de nous dire
02:57 "Ok, ça a mal commencé les années 2020, mais à quoi ça peut ressembler ?
03:00 Et quels sont les défis ? Parce qu'ils sont très nombreux."
03:02 Oui, c'est vrai, ça a mal commencé.
03:03 Je crois qu'on est quatre ans jour pour jour après la baisse de taux de la Fed
03:08 liée au déclenchement de la pandémie Covid.
03:12 C'était en mars 2020.
03:14 Les thèmes qui sont traités, l'endettement des Etats européens, la mainmise de l'inflation,
03:19 l'avenir de la politique monétaire, vieillissement démographique bien sûr, économie de guerre,
03:24 la question de la Chine, on en parle dans un instant avec vous,
03:26 puisque c'est un des chapitres que vous avez co-écrit, comment verdir la finance,
03:29 décarbonation de l'économie européenne, l'économie circulaire comme solution aux défis environnementaux,
03:35 sujet sur l'électrique, le télétravail, et puis il y a même un chapitre sur les crypto-monnaies,
03:48 bulles spéculatives ou révolution financière.
03:50 2030, c'est quand on est économiste et qu'on veut faire un peu de prospective,
03:54 d'avoir un horizon qui va au-delà de 3-5 ans, c'est intéressant pour la réflexion.
04:00 Déjà 2030, parce qu'on voit aussi qu'il y a pas mal d'objectifs en termes de transition, de mutation,
04:06 on comique beaucoup sur 2030, mais même de manière générale sur des sujets structurels,
04:10 on est vraiment concentré actuellement sur l'actualité, sur est-ce que l'inflation diminue réellement,
04:15 est-ce que ça va durer longtemps, c'est des vieilles questions qu'on se repose, qu'on ne se posait pas avant,
04:19 et on a l'impression que les années 2020, on a à la fois tous les défis qui nous amènent en 2030,
04:24 et plein de questionnements qu'on ne pensait plus se poser qui reviennent,
04:28 et je pense que du coup, ça a été une décennie assez marquante.
04:30 Déjà en économie, on a du mal à se projeter à plus d'un an, là c'était ambitieux de se dire à plus de 30 ans,
04:34 mais essayer de se forcer à avoir une vision prospective, et pour donner un peu des clés, des indices,
04:38 pour les personnes qui s'intéressent à ces sujets-là, de se voir où on en est,
04:42 et quelles sont les ambitions, et comment on peut y parvenir, ou quels seront les obstacles à sauter.
04:48 La question de la Chine, c'est la question sur laquelle vous avez travaillé spécifiquement avec Evelyn Ban,
04:53 qui se chapitre avec vous, qui est économiste d'ailleurs basée en Asie, je crois, j'ai vu dans son parcours.
04:58 Elle a une grosse expérience sur les pays asiatiques, et notamment sur la Chine.
05:02 Vous dites que pour la Chine, comme pour d'autres, il y a une décennie clé, jusqu'aux années 2030,
05:09 et que le sort de la Chine n'est pas encore définitivement tranché.
05:12 Il y a ceux qui nous ont éclairés sur l'idée que la Chine allait devenir la première puissance économique mondiale,
05:18 et puis depuis quelques temps, notamment depuis le Covid, c'est une discussion, une vraie discussion en tout cas,
05:24 qui s'est engagée entre ceux qui pensent que la Chine peut toujours devenir la première puissance mondiale,
05:29 et ceux qui pensent que ça deviendra de plus en plus challenging pour les prochaines années.
05:33 Exactement, et c'est vrai que déjà, en premier temps, on a un peu défantasmé le sujet de la Chine,
05:37 parce que généralement, en France, on a cette vision de dire "la Chine, c'est l'usine du monde".
05:41 C'est quelque chose qui existe, c'est vrai, mais ce n'est pas forcément que ça la Chine,
05:45 et effectivement, comme vous le mentionnez, ça a pas mal changé ces dernières années,
05:48 et il y a tout, quand on regarde la Chine d'un point de vue, en prenant un peu d'auteur, on se dit "waouh",
05:52 il y a tout pour que ça devienne la plus grande puissance économique,
05:54 et là, de plus en plus, on a des signaux quand même de plus en plus négatifs,
05:57 et quand on regarde même les aspects conjoncturels, quand on se penche un peu plus de manière structurelle sur l'économie,
06:02 on s'aperçoit que la prochaine décennie, les ambitions de la Chine de devenir justement cette grande puissance
06:07 pourraient être contraintes, ou en tout cas freinées, par certains facteurs plus structurels,
06:14 et celui dont on évoque notamment dans le livre, c'est le mur de la dette,
06:18 et ce mur de la dette, il ne faut pas l'analyser comme nous, on a l'habitude de l'analyser
06:22 généralement dans les pays développés, où on parle beaucoup de l'endettement public,
06:25 l'endettement public, là, il faut rentrer un peu plus dans le cœur du sujet,
06:28 malheureusement, la crise immobilière révèle des fragilités qui se percutent notamment sur les gouvernements locaux,
06:34 c'est eux qui soutiennent la croissance, et c'est eux qui vont avoir cette année un risque de refinancement élevé,
06:41 des problèmes sur leurs équilibres publics, qui vont peut-être leur permettre de ne pas déployer la stratégie
06:46 qu'ils veulent mettre en place pour passer d'une économie qui auparavant était très axée sur le financement de l'économie
06:52 par la dette, en faisant la promotion, notamment l'export, sur quelque chose qui est beaucoup plus ancré
06:56 sur la promotion de la consommation privée.
06:59 Ce phénomène d'endettement et de spirale autour de la dette des entreprises,
07:05 notamment avec derrière la question du système bancaire, dans quelle mesure ça entrave effectivement le plan de Xi Jinping
07:13 qui passe par la prospérité commune, la circulation duale, l'idée qu'il y a un marché domestique
07:19 qui doit prendre le relais à un moment du modèle très mercantile ou très mercantiliste
07:24 qui a fait la grandeur de la Chine jusqu'à aujourd'hui. Cette question de la dette, elle est au cœur de ce sujet-là ?
07:29 Oui, pour nous elle est au cœur de ce sujet-là parce qu'on a déjà des entreprises qui sont déjà très endettées.
07:35 À partir du moment où il y a ce cycle d'endettement, il y a nécessairement des impacts désinflationnistes qui s'instaurent dans l'économie.
07:42 Parce que là, on est dans une configuration où les taux sont très bas en Chine.
07:45 Le scénario, c'est que ces taux-là restent très bas pour soutenir l'activité.
07:48 En revanche, on sait qu'à un moment, il va y avoir une sorte de normalisation
07:51 et à partir de ce moment-là, le phénomène de désendettement pourrait peser sur la capacité d'investissement de certaines entreprises.
07:57 Et au-delà de ça, il y a cette question de la consommation privée.
07:59 Là, on attend demain ou dans les jours à venir une décision, les communications sur les grands chiffres économiques.
08:05 Une décision sur l'objectif de croissance.
08:07 Oui, qui sera autour de 5. Mais ce qu'on peut constater, c'est que jusqu'à maintenant, la Chine, c'est les champions des politiques d'offres.
08:14 Et là, on est dans une configuration, on est déjà dans une configuration de pas crise des demandes, mais une demande un peu morose.
08:20 Et on sait que l'objectif, c'est de monter en gamme sur la place de la consommation privée.
08:25 Et on peut se demander, au vu des capacités actuelles de la Chine au niveau des politiques publiques,
08:31 de vraiment réorienter son modèle parce qu'elle est un petit peu au pied du mur et que la situation actuelle...
08:37 Moi, c'est ce que j'essaie toujours de véhiculer quand je parle de la Chine, c'est de dire qu'on a trop un regard trop conjoncturel sur la Chine.
08:42 Il faut prendre du recul et s'apercevoir que la Chine n'a pas forcément toujours les moyens de ses ambitions.
08:47 Et que là, le test grandeur nature sur la consommation privée, c'est cette année que ça se joue, c'est l'année prochaine.
08:52 Et pour l'instant, on n'a pas forcément beaucoup de recul. Et la question de la dette, elle joue nécessairement.
08:57 Est-ce que la montée en gamme industrielle, la sophistication même de la Chine sur le plan industriel, qui n'est plus à démontrer,
09:04 mais il faut peut-être le rappeler aujourd'hui quand on voit la position de la Chine sur le véhicule électrique, sur les technologies liées à la transition, etc.
09:11 On n'est plus simplement dans l'usine du monde, comme vous dites. Ou en tout cas, une usine avec des produits de valeur ajoutée technologique aujourd'hui.
09:19 Est-ce que ça, ça peut quand même être un joker gagnant pour la Chine dans l'idée de construire et de faire pivoter son modèle économique ?
09:28 C'est déjà un joker gagnant. C'est un peu ce côté dual en Chine. Il y a une forte dichotomie parce qu'il y a ces performances sur le secteur auto
09:35 qui ne sont plus effectivement à démontrer parce qu'il y a des chiffres qui sont extraordinaires.
09:38 Et de manière générale, quand on voit de manière beaucoup plus globale sur les nouvelles technologies,
09:44 notamment qui sont liées à la transition énergétique, on va avoir une dépendance forte du monde entier vis-à-vis de la Chine.
09:49 Effectivement, il y a une carte à jouer. Il ajoute déjà que ce soit sur les métaux rares, les métaux critiques,
09:53 mais aussi sur des capacités de production qui sont très élevées et qui ont tendance à poser des questions.
09:59 Parce qu'on se demande quel est le positionnement de l'industrie automobile notamment, mais aussi sur tout le photovoltaïque.
10:04 On a vraiment une vraie dépendance de la Chine. Et là, la Chine a un rôle à jouer.
10:07 C'est ce qu'on essaie un peu d'expliquer dans le chapitre sur la Chine. On parle effectivement de ces grandes réussites.
10:14 On parle de ces exportations dont la composition change un peu. On est de plus en plus sur du haut de gamme.
10:20 Donc ça, c'est un avantage. Mais après, il y a cette question de comment ça va être financé.
10:25 Et à partir du moment où la Chine communique de plus en plus sur « oui, on ne veut pas se replier sur nous-mêmes,
10:29 mais tout axer sur notre modèle interne », dire « bah oui, mais il faudra continuer à exporter parce que sinon,
10:33 il n'y aura pas forcément de transition possible ».
10:35 C'est ça.
10:37 C'est le grand sujet du chapitre.
10:39 Il y a quelque chose de défensif dans la stratégie d'exportation de la Chine aujourd'hui presque, d'une certaine manière.
10:44 C'est agressif. C'est même très agressif.
10:47 C'est ça qui est impressionnant. C'est que cette réussite-là, on voit encore que c'est lié à quoi ?
10:51 À des subventions de l'offre et de la demande.
10:53 Donc là, c'est une des rares politiques de demande en Chine qui est efficace.
10:56 Mais par contre, sur tout ce qu'il reste à faire, sur une réforme des retraites qui est attendue,
11:01 sur tout ce qui est au niveau de la sécurité sociale, sur tout ce qui est au niveau d'une certaine taxation,
11:05 notamment sur les impôts fonciers, ça peine à arriver.
11:08 Et ça, en fait, ça provoque une sorte de sur-épargne de la population.
11:11 Et ça ne va pas en faveur d'une consommation qui se renforce.
11:15 Sur-épargne d'un côté. Et puis, autre chiffre spectaculaire qui m'a marqué quand même,
11:19 je n'ai jamais vu ça de ma vie, c'est de voir la vitesse à laquelle les investissements directs étrangers en Chine
11:24 sont passés d'un niveau record en 2021, je crois, à un niveau quasi nul en 2023.
11:32 On est tombé à quelques dizaines de milliards d'euros de dollars nets d'investissements directs étrangers en Chine en 2023.
11:37 Oui, c'est impressionnant. C'est un peu cette défiance-là qu'on a en ce moment.
11:40 Et nous, c'est ce qu'on essaie un peu de dire.
11:41 En fait, il faut être méfiant sur certains aspects, mais sur d'autres, il faut prendre du recul
11:46 et c'est percevoir que la Chine, effectivement, c'est un terreau d'opportunités impressionnants.
11:50 Bon, tous ces chapitres sont effectivement bien identifiés autour de deux clés de compréhension pour le monde de 2030.
11:59 Et le chapitre que vous avez co-écrit avec Evelyne Bannes, je le rappelle, celui sur la Chine, la Chine, tout d'un numéro un.
12:05 Point d'interrogation. Tous les chapitres ont un point d'interrogation.
12:08 Ce sont des questions que vous vous posez, des éléments de réflexion que vous nous apportez à travers ce livre paru chez Duneau, je le rappelle encore une fois.
12:15 12 clés économiques pour aborder 2030. Ouvrage collectif signé BSI Economics.
12:20 Merci beaucoup, Victor. Merci d'avoir été avec nous pour évoquer rapidement ces quelques clés autour de la Chine,
12:26 notamment où vous êtes économiste et président du think tank BSI Economics.
12:29 Victor Lecquillaurier qui était avec nous en plateau pour ce dernier quart d'heure de Smartmonth.
12:33 Merci.
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