Il est depuis le 4 novembre dernier le patron des gendarmes de France et il a choisi RTL pour sa première interview : écoutez l'interview de Hubert Bonneau.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 27 novembre 2024.
Regardez L'invité d'Amandine Bégot du 27 novembre 2024.
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00:00RTL Matin, avec Amandine Bégaud et Thomas Soto.
00:04Il est 8h15, l'interview d'Amandine Bégaud au coeur de l'actualité.
00:07La drogue envahit les trottoirs, titre ce matin la Provence.
00:10Cette drogue qui est votre préoccupation quotidienne et qui gangrène aussi les campagnes.
00:14Pour en parler, vous avez invité le général Hubert Bonneau
00:17qui est le tout nouveau directeur général de la Gendarmerie Nationale.
00:19Et c'est d'ailleurs sa toute première interview au micro d'RTL.
00:22S'il vous plaît, bonjour et bienvenue.
00:24Bonjour Général Bonneau, bienvenue et merci de prendre la parole.
00:27On rappelle que la gendarmerie, c'est 95% du territoire français
00:31qui est sous votre contrôle aujourd'hui, donc une très large partie.
00:35On a longtemps pensé que le trafic de drogue se limitait aux grandes métropoles.
00:39Et bien c'est terminé.
00:40La Cour des comptes d'ailleurs, à hasard du calendrier, a publié son rapport hier.
00:4479% des communes sont désormais touchées, disent les sages.
00:48Est-ce que vous nous le confirmez ?
00:51Aucune zone aujourd'hui n'est épargnée ?
00:53Oui, je vous le confirme.
00:54Je vous le confirme.
00:55Aucune zone n'est épargnée par le trafic de produits stupéfiants.
00:58D'ailleurs, je crois qu'il faut dire qu'il y a une très grande porosité aujourd'hui entre les zones.
01:03Ce que vous appelez la zone de gendarmerie, la zone police.
01:06Mais aujourd'hui, vous pouvez avoir des points de deal en zone police.
01:09Il y en a quelques-uns en zone gendarmerie.
01:11Mais tout ça, c'est très poreux, s'il vous plaît.
01:13Il y a des livraisons, vous en avez parlé.
01:15Il y a aussi un trafic qui se développe à travers Internet, à travers les réseaux sociaux.
01:19On parle d'ubérisation de la vente de produits stupéfiants.
01:23C'est une réalité.
01:2437% aujourd'hui des transactions régulières, ce sont toujours les chiffres de la Cour des comptes,
01:28s'effectuent par livraison via des commandes faites sur les réseaux sociaux.
01:31C'est ça, aujourd'hui, le trafic de drogue en zone rurale, notamment ?
01:34C'est ça, mais on trouve aussi dans certains bourgs, dans certaines communes,
01:39de temps en temps, des gens qui s'implantent.
01:41Ils s'implantent parce qu'ils vont récupérer une quantité de produits pour la vendre.
01:45Donc, ça s'apparente à des points de deal.
01:47Je pense que le vrai travail des gendarmes, il est à plusieurs niveaux par rapport à ça.
01:52C'est d'abord un travail de prévention.
01:54Il faut revenir aussi sur la prévention.
01:56L'année dernière, c'est plus de 60.000 jeunes qui ont été pris par les gendarmes,
02:02si vous voulez, dans la prévention, dans les lycées, etc.
02:07On a pu toucher plus de 4.000 personnels enseignants.
02:12Alors, quand je dis la prévention, c'est aussi, parfois, cibler.
02:16On cible les consommateurs.
02:19On a beaucoup augmenté aujourd'hui, par exemple, les amendes forfaitaires délectuelles.
02:23Au moment où je vous parle, on est déjà au taux de l'année précédente.
02:27C'est-à-dire que là, sur les dix premiers mois de l'année,
02:30on a fait plus d'amendes forfaitaires délectuelles que l'année dernière.
02:33Et ça, c'est efficace ou pas ?
02:35C'est quand même efficace.
02:36Parce que si vous voulez, quand vous prenez des gens en consommation,
02:40vous mettez une amende forfaitaire délectuelle, donc les gens payent,
02:44et derrière, on les connaît.
02:46Quand on connaît les gens, ça fait du renseignement,
02:48et puis on peut remonter, au départ sur des petits réseaux,
02:52mais les petits ruisseaux faisant les grandes rivières,
02:54ça nous permet d'environner.
02:55Donc il y a un vrai travail d'enquêteur qui peut se dérouler autour de ces petits trafics.
02:59Est-ce que ces petits trafics qui sont implantés, notamment en zone rurale,
03:04ça dépend de grands réseaux, comme ceux dont on parle, par exemple, à Marseille,
03:07la DZ Mafia, c'est ça aussi la réalité ou pas ?
03:09C'est ça aussi.
03:11Mais là, moi je pense qu'il faut qu'on ait une action déterminée,
03:15pas forcément sur les petits réseaux, mais aussi en amont,
03:19c'est-à-dire les structures qui permettent l'acheminement des produits stupéfiants.
03:22Donc les gendarmes, 95% des territoires, ont un vrai rôle dans le contrôle et la surveillance,
03:28notamment du littoral.
03:30Il faut se poser la question, par où rentrent les stups ?
03:32On parle du Havre, mais on voit aussi, l'année dernière, rappelez-vous,
03:36il y a eu deux tonnes de cocaïne échouées sur les côtes de la Manche de la Bretagne.
03:40Donc ça veut dire qu'il y a une diversification des modes d'approvisionnement.
03:45Ça passe aussi par des ports secondaires, pourquoi pas par des ports de plaisance,
03:49pourquoi pas des ports de pêche,
03:51puisque quand vous avez deux tonnes de colis à la mer, il faut bien les récupérer.
03:55Donc on a aussi un travail à faire, renforcé, dans le cadre de la présence de voie publique,
03:59sur les contrôles et la surveillance.
04:01Donc il y a un travail en amont, il y a ce travail de surveillance aussi, sans doute,
04:04des réseaux sociaux, etc., auprès des consommateurs.
04:09On trouve de la drogue partout, tout type de drogue, ou pas ?
04:12On trouve tout type de drogue.
04:14Il y a une banalisation, en fait, de la consommation de cocaïne.
04:18Et ça c'est très nouveau, Général Bonan ?
04:20C'est quand même assez nouveau.
04:23On voit une banalisation autour de ça.
04:25Mais permettez-moi juste de compléter, vous avez parlé de l'amont,
04:29de l'interpellation des dealers,
04:31il y a aussi un travail qui me paraît essentiel aujourd'hui,
04:34c'est le travail sur les structures.
04:36Parce que finalement, ce qui t'importe le plus,
04:38dans la lutte contre les produits stupéfiants,
04:41c'est de taper sur la structure.
04:43C'est-à-dire avoir la possibilité de saisir,
04:46notamment des bâtiments, de l'argent, les avoirs criminels.
04:49On fait un effort considérable en la matière.
04:51Plus de 45 millions de saisines sur les avoirs criminels, rien que cette année.
04:5645 millions ?
04:5745 millions.
04:58Ça c'est un chiffre que vous nous annoncez ce matin.
04:5945 millions.
05:00Mais j'allais dire, c'est une goutte d'eau.
05:03Il faut qu'on insiste là-dessus.
05:05Il faut casser les réseaux par la fracturation des structures.
05:09C'est ça qui est important.
05:10C'est ça qui est essentiel.
05:11On a beaucoup entendu parler de mexicanisation.
05:14Est-ce que vous diriez qu'on n'en est pas loin,
05:16ou en tout cas qu'on est à un point de bascule ?
05:18Je pense qu'il faut faire très attention.
05:20Il faut faire très attention.
05:21Quand une organisation s'implante,
05:23quand elle se développe,
05:24quand on regarde ses évolutions,
05:26à un moment donné, ça peut fragiliser l'État.
05:28C'est une réalité.
05:29Donc il faut tout mettre en œuvre
05:31pour justement casser ce trafic de produits stupéfiants.
05:34Ce trafic de produits stupéfiants,
05:35c'est de la criminalité organisée.
05:37Donc il y a une prise de conscience qui est forte.
05:40Et aujourd'hui, il faut vraiment mettre tous les moyens.
05:42Et je le répète,
05:43je pense que les moyens qui sont les plus utiles,
05:46les plus importants,
05:47c'est de casser les structures.
05:49C'est ça qui compte.
05:50La Cour des comptes, toujours dans ce même rapport,
05:53pointe un réel risque de corruption des agents de l'État.
05:56Est-ce qu'il y a des gendarmes corrompus ?
05:58Alors, il y a des gendarmes corrompus.
06:00Il peut y en avoir.
06:01C'est extrêmement rare.
06:02Et c'est quelque chose sur lequel on est très vigilant.
06:04L'attrait de l'argent, ça touche tout le monde.
06:07Y compris les gendarmes.
06:08Alors, on est un peu moins touchés
06:10que le reste de la société,
06:12puisque les gendarmes sont assez particuliers dans notre société.
06:15J'allais dire, on vit, on travaille ensemble.
06:17Donc il y a une espèce de régulation, quand même,
06:19par la vie du gendarme.
06:20Ça veut dire que si l'un voit qu'il y a un train de vie qui change ?
06:23Ça se voit tout de suite.
06:24Ça se voit tout de suite.
06:25Donc ça, c'est important.
06:27Mais c'est un phénomène qu'on ne peut pas dégager de la main.
06:30Ça existe aussi chez nous.
06:32Avec la multiplication de ces trafics,
06:34on assiste depuis quelques années à la multiplication aussi des règlements de comptes.
06:38C'est le cas également en zone gendarmerie,
06:40avec des individus aussi de plus en plus jeunes, ou pas ?
06:42Oui.
06:43Oui, oui.
06:44Alors ça, c'est un des effets, justement, de la criminalité organisée.
06:47C'est que vous avez une base,
06:49qui est le trafic de produits stupéfiants.
06:51Mais il y a des effets induits.
06:52Notamment les homicides, les règlements de comptes.
06:55Et ça touche beaucoup des jeunes.
06:57Parce que les gens qui sont utilisés pour ces règlements de comptes
07:01ne sont pas forcément des gens du réseau.
07:04C'est des gens qu'on va louer.
07:05On va louer leur service pour venir pour régler des comptes.
07:08Donc vous voyez, autour du trafic de produits stupéfiants,
07:12il y a des effets induits qui touchent à la criminalité organisée là aussi.
07:15Général Bonneau, on a beaucoup parlé des manifestations des agriculteurs ces derniers jours.
07:20Il y a eu des actions à Montauban.
07:21Est-ce que vous êtes inquiet, plus globalement, par le climat social aujourd'hui ?
07:25C'est sûr que dans notre société aujourd'hui,
07:27je crois qu'on a une société qui est très fracturée.
07:29Qui est d'ailleurs de plus en plus violente.
07:31Donc souvent, les mouvements sociaux se traduisent aussi par de la violence.
07:38Je fais notamment allusion à ce qui s'est passé ces derniers temps dans les crises.
07:43Je pense par exemple à Seine-Sauline,
07:45où on est face à un déchaînement de violence.
07:48Les gendarmes sont là pour faire respecter l'ordre, la loi.
07:52Et on voit qu'on peut avoir face à nous beaucoup de radicaux.
07:55La radicalité des mouvements, parfois, m'inquiète.
07:58Et vous la voyez aussi au quotidien.
08:01Je voudrais qu'on dise un mot de deux grandes affaires criminelles
08:05qui ont marqué les Français ces derniers mois.
08:07La disparition d'abord du petit Émile, qui avait disparu en juillet 2023.
08:10En mars dernier, des ossements et des vêtements avaient été retrouvés.
08:13Est-ce que vous pouvez nous confirmer ce matin
08:15qu'une trace ADN a été retrouvée sur ses vêtements ?
08:18S'agissant d'un dossier en cours, vous comprenez que c'est difficile.
08:22Je ne peux pas m'exprimer sur sa partie en procureur de la République.
08:26Ce que je peux vous dire, c'est que c'est un dossier qui est très complexe.
08:30Il y a énormément d'expertises qui sont menées actuellement
08:33par les experts de l'IRCGN,
08:35l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie,
08:38qui confrontent le résultat qui les étudie.
08:41Je laisserai le procureur de la République intervenir sur ce sujet.
08:45Mais les gendarmes, je tiens à le dire,
08:47continuent à travailler d'arrache-pied sur ce dossier.
08:50C'est 20 enquêteurs en permanence qui sont mobilisés.
08:5320 enquêteurs mobilisés, qui travaillent toujours sur l'hypothèse de l'accident,
08:56où elle est écartée ?
08:58On n'écarte rien dans ce dossier.
09:00Je tiens à le dire, parce que là, on est sur un fait divers,
09:03mais derrière, il y a des familles.
09:05Le travail des gendarmes, c'est comme pour l'affaire de la jeune Lina.
09:08Notre travail, c'est aussi de découvrir la vérité
09:12pour que les familles fassent leur deuil.
09:15Et c'est un devoir qu'on a vis-à-vis des familles.
09:17C'est ça le plus important.
09:18Vous évoquiez la jeune Lina, dont le corps a été retrouvé il y a un peu plus d'un mois,
09:21à 500 km de là où elle avait disparu 13 mois plus tôt.
09:25Grâce au travail des gendarmes, qui ont remonté ce fil grâce à plein de techniques,
09:29est-ce que l'enquête aussi se poursuit ?
09:31On sait que le principal suspect s'est suicidé,
09:33mais vous continuez à travailler dessus ?
09:34Bien sûr, bien sûr.
09:36Les gendarmes ont fait un travail que je tiens à saluer,
09:38extraordinaire en matière judiciaire.
09:40Le travail judiciaire, c'est vraiment quelque chose de très important
09:43dans le bloc des missions gendarmerie.
09:45Nos enquêteurs de section de recherche continuent de travailler
09:48pour avoir tous les éléments sur le dossier,
09:50pour comprendre ce qui s'est passé.
09:52Même si l'auteur présumé, a priori, s'est suicidé.
09:55Nous, on ira jusqu'au bout pour remonter, j'allais dire, tout le scénario.
09:59On le doit vis-à-vis des familles.
10:01Merci beaucoup, Général Bonneau, d'avoir pris la parole ce matin sur RTL.
10:05Donc à peu près moins d'un mois, on va dire, après votre nomination.