Les Vraies Voix avec Philippe Bilger, Françoise Degois, Elisabeth Levy et Stéphane Amar, psychologue, docteur en psychopathologie et psychanalyse.
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##LE_GRAND_DEBAT_DES_VRAIES_VOIX-2023-02-23##
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NewsTranscription
00:00 Les vraies voix sud radio, le grand débat du jour.
00:03 Un terrible drame à Saint-Jean-Blus.
00:06 Une professeure a été poignardée à mort par un élève en plein cours.
00:08 Elle est décédée.
00:09 L'enseignante a été touchée d'un coup de couteau au thorax.
00:12 L'élève à l'origine du coup mortel a 16 ans
00:14 est dit avoir entendu des voix lui demandant de passer à l'acte.
00:16 La santé mentale d'une façon générale,
00:18 les addictions d'une façon générale
00:20 sont des sujets de préoccupation importants aujourd'hui,
00:22 mais pas qu'en France.
00:23 Un jeune sur cinq souffrirait de troubles de la dépression,
00:26 21% pour être plus exact.
00:28 Les suites de la crise sanitaire ont eu un impact,
00:30 en particulier sur la santé mentale des jeunes.
00:32 La question du jour, la santé mentale des jeunes,
00:35 est-elle en danger ?
00:36 Sur notre compte Twitter,
00:38 pour ceux qui votent, c'est oui à 83%.
00:40 Après le drame survenu dans ce lycée à Saint-Jean-Blus,
00:43 une cellule de soutien psychologique a été mise en place dans l'établissement.
00:46 Le profil du lycéen a été décrit comme fragile psychologiquement par la police.
00:50 Oui, sa garde à vue a d'ailleurs été prolongée.
00:52 Le procureur de Bayonne affirme cependant
00:54 que l'adolescent n'était pas connu des services de police
00:56 et des services de justice.
00:58 Et on a beaucoup parlé de la santé mentale des jeunes,
01:00 notamment mise à mal par les confinements
01:02 et par tout ce qui s'est passé pendant ces trois dernières années.
01:05 Vous êtes témoin, vous avez des jeunes qui ont souffert
01:07 et qui souffrent encore de tout ce qu'on a vécu depuis des mois.
01:10 Venez témoigner, Ode attend vos appels.
01:12 Et les vrais voix échangeront avec vous au 0826 300 300.
01:15 Et notre invité pour en parler, Stéphane Amart, est avec nous.
01:18 Bonsoir, merci d'être avec nous.
01:19 Vous êtes psychologue, docteur en psychopathologie et psychanalyse,
01:23 Philippe Bilger, la santé mentale des jeunes.
01:26 C'est un sujet dont on parle depuis très très longtemps
01:28 et surtout depuis le confinement.
01:29 Absolument. Alors, comment dire en quelques mots ?
01:34 D'abord, je trouve qu'on se sert trop de cette tragédie criminelle
01:39 pour remettre en cause l'éducation nationale,
01:44 les règles de l'autorité et je dirais
01:47 les dysfonctionnements structurels de l'éducation nationale,
01:52 de mon point de vue en tout cas.
01:53 Alors que là, il s'agit d'une tragédie personnelle subjective
02:00 liée à des troubles, paraît-il, psychologiques avérés
02:04 et qui montre qu'un jeune homme de 16 ans a commis un assassinat.
02:09 Je ne veux pas dire que c'est inutile,
02:14 mais j'ai très peur qu'à force, devant chaque défi criminel,
02:19 de nous proposer une solution qui relève de la psychiatrisation collective.
02:24 On parle de la drogue maintenant dans toutes les écoles.
02:28 On va parler de la psychologie pour tous les élèves.
02:31 Ça va devenir hallucinant et parfaitement inutile
02:34 parce que j'ose espérer que même dans l'éducation nationale d'aujourd'hui,
02:39 qui n'est pas partout une rééducation nationale,
02:43 eh bien, il y a des subjectivités parfois fragiles, perturbées,
02:48 mais qu'heureusement le commun des élèves ne l'épargne malgré le confinement.
02:52 Elisabeth Lévy.
02:53 - Moi, j'ai quand même le sentiment qu'il y a aussi chez beaucoup de parents
02:58 une tendance à psychiatriser très vite tout problème.
03:01 C'est-à-dire, dès qu'un enfant est un peu trop turbulent
03:05 ou un ado un peu...
03:07 Parce que bon, que les ados soient de mauvais poil,
03:10 c'est presque, comment dire, c'est presque compris dans le...
03:13 - Ce serait anomalie que ce soit pas l'inverse.
03:15 Que ce soit l'inverse, pardon.
03:16 - Je ne dis pas qu'il n'y a pas des problèmes.
03:17 Ça, c'est la première chose.
03:19 Et la deuxième chose, c'est que je trouve qu'on a un peu trop tendance
03:22 à victimiser ces pauvres jeunes sur cette affaire de Covid.
03:25 On dirait qu'on les a envoyés dans les tranchées,
03:28 tu vois, que je ne sais pas qu'est-ce qu'on...
03:30 Je sais que c'était dur, c'était dur pour tout le monde d'abord.
03:33 Et je trouve, et je pense qu'on a fait des bêtises d'ailleurs,
03:39 y compris les empêcher de faire du sport et toutes ces choses-là.
03:42 Je pense que s'il y a un véritable problème
03:45 dont tout le monde, tous les adultes, tous les parents,
03:48 tous les éducateurs devraient s'en parler, ce sont les écrans.
03:51 Les écrans dont on nous dit, dont il y a beaucoup d'études,
03:53 qui nous montrent les effets télé-derts
03:55 sur la capacité d'apprentissage, sur la capacité de concentration.
03:59 Et cela dit, juste pour terminer,
04:01 quand on nous dit est-ce que la santé mentale des jeunes est en danger,
04:04 je dirais que la santé mentale de tout le monde est en danger.
04:07 On est tous un peu dingue.
04:08 - Françoise de Goy.
04:09 - Moi d'abord, je pense, oui.
04:12 Après, je dis, on est l'addition de toutes nos folies
04:17 et ça donne un être humain.
04:18 Je suis d'abord, je pense, je vois ce jeune homme,
04:22 on apprend tous les jours, minute par minute,
04:24 qu'est-ce qui lui est arrivé avant.
04:25 Je ne sais pas s'il a été suivi.
04:27 Je ne sais pas, on apprend qu'il fait une tentative de suicide.
04:30 Est-ce qu'il y a une alerte qui est donnée ?
04:32 Est-ce que les parents, comment est-ce qu'ils gèrent ?
04:33 Ça c'est un vrai sujet.
04:35 Là, c'est là qu'on va voir la connexion entre l'adolescent et l'école.
04:38 - Et est-ce qu'on devrait le savoir ?
04:39 - Oui, moi je pense que c'est très important.
04:40 Il y a une femme qui est morte.
04:42 - Il n'y a pas de sucré médical.
04:43 - Je pense également à la douleur et au traumatisme de ses camarades de classe.
04:48 Imaginez tous ces élèves qui ont vu dans cette espèce de calme effrayant,
04:52 effrayant le calme, le silence, ce jeune homme, ce môme,
04:57 fermer la porte et poignarder dans le thorax.
05:00 C'est une scène, on ne peut pas vivre avec ça.
05:03 Toute leur vie, ils vont vivre avec cette scène.
05:06 Troisième point, moi je crois que oui, contrairement à Elisabeth,
05:10 mais je sais bien pourquoi vous dites ça,
05:12 je comprendrais bien, il n'y a rien d'excessif.
05:14 Moi je crois au contraire que oui, les adolescents ont souffert du Covid.
05:18 Les chiffres sont là, ils sont implacables.
05:20 Il y a une augmentation des tentatives de suicide, des suicides même.
05:24 Et parce que je crois que ce n'est pas tant ce qu'on leur a empêché de faire,
05:27 c'est le climat dans lequel on a baigné pendant deux ans.
05:30 Imaginez, nous déjà, on était dans la parano les premiers mois à cause de ce virus.
05:34 Maintenant, avec le recul, on se dit "mais non, pas du tout".
05:36 Mais bien sûr que si, on allait travailler un peu la peur au ventre tous les jours.
05:40 Et il y avait quelque chose de mortifère dans le climat général et mondial
05:46 qui a probablement cassé des assurances dans l'avenir qui est en train de se construire.
05:50 Donc oui, moi je crois que les ados et les jeunes et les enfants vont plus mal depuis le Covid.
05:54 - Je vais pas dire Stéphane Amart.
05:56 - On en reparlera.
05:58 - Vous êtes vraiment lui qui vous intéresse.
06:00 - C'est vrai que nous on s'en fout.
06:01 - Mais c'est pour lui poser une question.
06:02 - Alors Stéphane Amart, pour essayer de regrouper un peu tout ça,
06:06 est-ce que la santé mentale des jeunes se dégrade aujourd'hui en France ?
06:10 Ou en tout cas est dégradée ?
06:12 - Oui, indéniablement. Indéniablement, elle s'est dégradée.
06:15 Alors pas tant, encore une fois, j'ai eu l'occasion de venir à plusieurs reprises à cette époque post-Covid.
06:22 Et c'est vraiment à partir du post-Covid et non pas du Covid au sens du confinement, j'entends.
06:28 C'est-à-dire le déconfinement.
06:30 Donc manifestement, il y a eu une vraie fragilisation de cette population,
06:36 peut-être un peu plus que d'autres,
06:38 mais dans une tranche d'âge extrêmement large.
06:42 C'est-à-dire beaucoup plus jeune que l'adolescent en tant que tel,
06:45 classiquement parlant en tout cas, et même plus tard aussi.
06:48 Donc oui, il y a eu cet effet-là.
06:52 Alors de là à rapprocher cet événement qui nous occupe là ces derniers temps de ce phénomène,
07:00 je ne sais pas, je ne pourrais pas le dire évidemment.
07:02 Mais c'est sûr qu'on a un certain nombre de faits divers,
07:07 c'est toujours un euphémisme de dire "faits divers"
07:09 quand on voit la gravité de ces derniers faits auxquels on a assisté.
07:14 D'une certaine manière, parce qu'on nous fait assister presque aujourd'hui,
07:18 c'est presque la nouveauté aussi.
07:20 Donc en effet, il y a quand même des passages à l'acte complètement fous.
07:25 Alors on a eu une fragilité...
07:28 - Quand vous dites "des passages à l'acte", c'est quoi ?
07:30 - Hétéro-agressifs, enfin, tous ces derniers temps.
07:33 Bon, on a eu énormément de choses.
07:35 Et puis, c'est un des aspects des choses,
07:40 il y a eu toute une avalanche, qui n'est toujours pas terminée,
07:47 de passages à l'acte auto-agressifs.
07:49 C'est-à-dire des tentatives de suicide, etc.
07:53 Donc on peut imaginer qu'il y a eu un effet de désinhibition en tout cas,
07:57 c'est-à-dire des jeunes qui se trouvent beaucoup moins contenus
08:02 dans leurs pulsions, dans leurs détresses,
08:05 et qui les font passer à l'acte.
08:07 Les passages à l'acte sont évidemment bien plus nombreux,
08:10 et à moindre effet au quotidien.
08:13 Il y a énormément de passages à l'acte.
08:15 Quand on regarde bien toutes les histoires de harcèlement scolaire, etc.,
08:19 ça passe tranquillement à la trappe, mais ça fait énormément de dégâts.
08:24 - Et ça a augmenté ça ?
08:26 - Bien sûr.
08:27 En tout cas, on va dire que c'est concomitant tout ça,
08:31 il y a une espèce d'effervescence très nette,
08:35 qu'il faut mettre évidemment en regard,
08:38 d'une dégringolade des moyens pour prendre en charge ces souffrances-là.
08:43 - Oui c'est ça, Philippe Bézière.
08:45 - Dans le micro !
08:47 - Mais évidemment, j'aime regarder selon des règles de politique habituelles.
08:53 À partir du moment où on n'a pas toujours des signes et des alertes antérieures,
08:59 et qu'un adolescent commet le pire,
09:03 vous seriez partisan de cette sorte d'examen psychologique général pour une classe,
09:10 ou vous y verriez quelque chose qui relèverait d'un danger de psychiatrisation ?
09:18 - Vous voulez dire une prévention qui consisterait à évaluer tous les... ?
09:21 - Déjà, ça ne serait pas réalisable...
09:23 - C'est absurde !
09:24 - Et puis ça serait un peu fou en effet.
09:26 - Je vais comprendre que c'était dans la question...
09:28 - C'est tout à l'heure, et donc...
09:30 - Ah pardon !
09:31 - Non, je pense qu'on ne peut absolument pas tomber dans ce travers-là,
09:35 c'est une évidence.
09:37 Ce qui est sûr, c'est que maintenant on sait
09:39 qu'on a des jeunes qui sont beaucoup plus propices,
09:42 et pas seulement les jeunes d'ailleurs,
09:44 comme disait Anne Lévy, il n'y a pas que les jeunes
09:46 qui sont beaucoup plus propices aujourd'hui à passer à l'acte.
09:49 Ils sont dans une société beaucoup plus sensible,
09:52 beaucoup plus dangereuse d'une certaine manière,
09:54 donc je crois que la seule prévention c'est de le savoir déjà.
09:57 - Est-ce que les écrans se jouent ?
09:59 - Les écrans, c'est toujours un peu un sujet polémique,
10:02 parce que qu'est-ce qu'on entend par écran...
10:04 - C'est ce qu'on regarde par les écrans,
10:05 si on joue au Scrabble ou si on fait des jeux hyper violents,
10:07 c'est pas la même chose.
10:08 - Qu'est-ce qu'on entend par écran...
10:09 Je ne suis pas sûr que les jeux soient plus délétères que les réseaux sociaux,
10:12 par exemple.
10:13 - Parle-nous des réseaux sociaux !
10:14 Et surtout du fait d'être tout le temps happé par quelque chose,
10:17 par un flux...
10:19 - Indéniablement, ça a créé un effet de désocialisation,
10:24 au sens où beaucoup de jeunes se sont retrouvés repliés sur eux-mêmes.
10:28 Mais je pense qu'on ne peut pas attribuer comme ça,
10:32 comme un simple effet de cause à effet,
10:36 ce phénomène-là.
10:38 - Allez, on reste en retard.
10:39 0826, 300, 300, Romina est avec nous.
10:43 Romina, vous vouliez réagir ?
10:45 - Oui, moi j'écoutais également Sonia Stessin-Lamar,
10:48 je rejoins tout à fait.
10:49 Moi, en tant qu'infirmière, je le ressens aussi,
10:51 je vais dans les familles.
10:53 C'est vrai qu'il y a un changement, mais il y a un changement aussi,
10:55 je pense, parce qu'il y a un bouleversement de la société.
10:57 On parle aujourd'hui de bien des sujets.
10:59 On parle aujourd'hui...
11:00 Pour les femmes, il y a quand même une émancipation,
11:02 il y a aussi un bouleversement des rôles à la maison.
11:05 On parle plus librement de plein de sujets,
11:07 tels que l'homosexualité.
11:09 Finalement, il y a une ouverture sur plein de sujets
11:11 qui ont permis de faire émerger tout un tas de choses.
11:14 Mais le problème, c'est qu'on individualise moins.
11:17 Donc, les gens se perdent dans tous les sujets.
11:20 Et ça va très vite, ça va très très vite.
11:22 Et je pense qu'on perd les jeunes aussi.
11:25 - Stéphane Amarellis, est-ce que finalement,
11:29 souvent, ce mot revient de dire que les enfants
11:32 ne parlent plus à leurs parents,
11:33 les parents ne parlent plus à leurs enfants ?
11:35 Est-ce qu'il n'y a pas une conversation qui est cassée ?
11:39 - Là aussi, je pense que c'est un peu un raccourci.
11:41 Je ne suis pas sûr qu'on ait beaucoup parlé auparavant.
11:44 En tout cas, beaucoup de patients adultes
11:48 me parlent justement du non-communication.
11:51 En revanche, c'est le mode de communication
11:55 qui a changé, ça c'est indéniable.
11:57 C'est-à-dire qu'il y a, en effet,
11:59 je suis assez d'accord avec ce qui vient d'être dit,
12:01 des positions qui changent.
12:03 Des positions symboliques qui changent.
12:06 Et ça, c'est un vrai problème.
12:08 Qui crée, en effet, potentiellement de l'angoisse.
12:11 Qui crée de la fragilité.
12:13 - Pourquoi ? Parce qu'on n'est pas capable de l'expliquer ?
12:15 - Je ne sais pas, mais si vous voulez,
12:17 on est dans un monde qui va très vite.
12:19 Les repères masculin-féminin,
12:22 les repères adultes-enfants,
12:25 les repères dans le temps, dans l'espace,
12:29 dans les genres,
12:31 et finalement, tous nos repères, j'ai envie de dire,
12:34 les repères les plus logiques,
12:36 sont en train de se perturber à vue d'oeil.
12:39 Et pour des jeunes en particulier,
12:42 puisqu'il s'agit d'eux aujourd'hui,
12:44 il y a de quoi être sacrément perdu.
12:47 Donc évidemment, la communication serait idéale à ce moment-là.
12:51 Je ne suis pas sûr qu'elle ferait tout,
12:53 mais en tout cas, elle aiderait beaucoup.
12:55 - Elisabeth Lévy, Françoise de Grotte.
12:57 - Je voulais te poser une question.
12:59 C'est hyper important.
13:01 Ça serait bien qu'on revienne à notre sujet.
13:04 Dans le cas de ce jeune homme,
13:06 je ne vous demande pas de faire une petite analyse sauvage,
13:08 parce que ce n'est pas le sujet,
13:10 mais est-ce que là, s'il y avait eu plus de moyens
13:12 "psychologiques" à l'école,
13:15 est-ce qu'un jeune homme comme ça,
13:17 qui fait une tentative de suicide,
13:19 parce que c'est ce qu'on apprend par le procureur d'un république,
13:21 - Et qui est sous antidépresseur.
13:23 - Exactement.
13:25 Est-ce que là, il n'y a pas des signaux d'alerte
13:28 pour passer à travers la raquette ?
13:31 - C'est fort possible, en effet.
13:34 Là, en revanche,
13:36 si on n'en est pas à devoir évaluer
13:38 tous les élèves d'une école, d'un lycée,
13:41 ce serait quand même intéressant, en effet,
13:44 déjà que les jeunes soient pris en charge comme ils se doivent,
13:47 et en effet, qu'il y ait potentiellement un lien
13:50 avec les lieux où qu'ils fréquentent,
13:52 notamment l'école.
13:54 - Ce qu'on voit souvent,
13:56 notamment dans la chronique judiciaire,
13:59 c'est des adolescents
14:02 qui ont une intolérance totale à la frustration.
14:06 Et qui me semble,
14:09 c'est-à-dire, alors évidemment, ça fait vieux con de dire ça,
14:12 il me semble que dans nos générations,
14:14 dans mon collège, dans mon lycée,
14:16 quand on nous disait "il ne faut pas faire ça, ça pouvait nous énerver,
14:19 mais ça ne nous mettait pas dans une rage
14:21 où on pouvait se mettre à frapper, etc."
14:23 Donc, est-ce que vous le constatez ?
14:25 Et deuxième question, je vous la pose en même temps,
14:27 moi je suis désolé, je suis choqué
14:29 de voir le dossier médical
14:31 de ce jeune homme déballé en place publique.
14:34 Est-ce que le secret médical n'a plus cours dans notre pays ?
14:37 Est-ce que c'est normal ?
14:39 - Stéphane Amart.
14:41 - La deuxième question, d'abord,
14:43 là, pour le coup, on vit dans une époque de transparence,
14:46 donc tout est déballé,
14:48 et en effet, si on commet un acte répréhensible,
14:51 là, il ne faut plus attendre,
14:53 on devient médiatisé, d'ailleurs,
14:55 quelle que soit la raison,
14:57 il ne faut plus s'attendre à ce que ça soit sous le secret.
14:59 Là, en l'occurrence, je ne suis pas sûr que le secret tienne,
15:01 puisque de toute façon, dans toutes les histoires
15:03 où il y a un suspect avéré,
15:05 à un moment ou à un autre,
15:07 on va avoir son CV.
15:09 - Mais ça, il est jugé à 8 clous !
15:11 - Oui, mais il y aura un effet expécté.
15:13 - Oui, mais enfin, quoi qu'il en soit,
15:15 ça répond à un besoin de comprendre,
15:17 à un besoin de calmer l'angoisse aussi des gens,
15:19 parce que comprendre, c'est aussi
15:21 une façon de canaliser l'angoisse.
15:23 - D'accord.
15:25 - Même si c'est discutable, en effet.
15:27 Après, pour ce qui est de l'intolérance
15:29 à la frustration, oui, bien sûr,
15:31 on est dans une époque où
15:33 c'est très difficile pour chacun,
15:35 d'ailleurs, d'être frustré
15:37 de plus en plus.
15:39 Moi, j'observe, évidemment,
15:41 ça
15:43 dès le plus jeune âge,
15:45 avec des parents qui ont parfois
15:47 énormément de mal à apprendre,
15:49 d'enfants, à supporter la frustration.
15:51 Je pense que la question vient
15:53 déjà à ce niveau-là, parce que c'est pas d'hier,
15:55 évidemment, les jeunes qui ont du mal à être
15:57 frustrés aujourd'hui ont été
15:59 des enfants... - Ils ont 14, 15, 20 ans, oui.
16:01 - Et donc, ça, c'est encore une autre histoire.
16:03 Je veux pas revenir sur une mauvaise lecture
16:05 de Doltho, mais enfin, on en est quand même
16:07 dans des choses comme ça, en tout cas,
16:09 c'est-à-dire l'enfant roi
16:11 à qui il faut...
16:13 Non seulement qu'il faut
16:15 écouter, mais qu'il faut écouter
16:17 dans un mauvais sens du terme,
16:19 c'est-à-dire à qui il faut donner raison. - Vous énervez la reine
16:21 Françoise. - Oui, parce que...
16:23 - Elle a été une enfant reine... - Non, pas du tout.
16:25 J'ai été élevée à la dure,
16:27 comme les gens de ma génération,
16:29 et j'ai eu beaucoup de mal à entendre ce discours
16:31 sur "avant, on s'était pas
16:33 comme ça et ça se dégrade parce que finalement
16:35 les repères changent". C'est un peu étrange de...
16:37 - Est-ce que rien ne se dégrade, pour toi ?
16:39 - Non, moi, je pense que c'est... Non, non, et moi, je relis
16:41 Michel Serres, qui est exceptionnel, qui a fait un bouquin
16:43 extraordinaire qui s'appelle "Poussette",
16:45 qui explique, que vous avez lu,
16:47 qui explique... - Petite poussette.
16:49 - Oui, qui est magnifique parce que la poussette,
16:51 les doigts qu'on utilise,
16:53 qui explique que cette génération-là,
16:55 Z, elle est en train de vivre
16:57 un changement aussi radical que lorsque
16:59 nous sommes passés de l'Antiquité au Moyen-Âge.
17:01 Et qu'en réalité, je pense que
17:03 le changement est brutal, mais que
17:05 il n'est pas forcément négatif. Vous comprenez ce que je veux dire ?
17:07 - Je peux répondre à la Françoise en 10 secondes ?
17:09 - En 10 secondes !
17:11 - Petite poussette, c'est le livre du Rabi de la Crèche,
17:13 qui lui a été formé...
17:15 - Ça m'intéresse pas qu'on délaie avec toi, monsieur.
17:17 - Je termine. Et c'est le livre du Rabi de la Crèche
17:19 qui a été formé, lui, dans les grandes universités,
17:21 qui connaît tous les hommes de la littérature mondiale,
17:23 et qui s'extasie
17:25 parce que les gamins sont là sur leur téléphone.
17:27 - Non, c'est pas ça.
17:29 - Le mot de la fin est exceptionnel, arrête.
17:31 - Ah non, je ne le trouve pas du tout exceptionnel.
17:33 - Le mot de la fin, Stéphane Amart.
17:35 - Non, mais ce qui est sûr,
17:37 c'est que vous avez raison, on est
17:39 dans une époque où tout change,
17:41 très très vite.
17:43 - C'est pas forcément négatif, c'est ce que je veux dire.
17:45 - Non, bien entendu, mais là,
17:47 ça n'est pas forcément négatif
17:49 quand on est après le changement,
17:51 mais pendant le changement, ça crée des turbulences,
17:53 en termes de repères, en tout cas.
17:55 Et c'est bien le problème, aujourd'hui.
17:57 - Et c'est pas forcément positif.
17:59 - Merci très beaucoup.
18:01 - Mais ça peut être très positif, mon ami.
18:03 - Un homme, un mot, un mot aussi.
18:05 - François, Elisabeth,
18:07 ça dépend de la façon dont c'est digéré.
18:09 - C'est comme tout. Allez, merci beaucoup, Stéphane Amart,
18:11 d'avoir été avec nous, psychologue
18:13 et docteur en psychopathologie.
18:15 - Je vous l'envoie de l'autre côté, j'en peux plus.
18:17 - Et psychanalyste.
18:19 - Voilà, vous restez avec nous.
18:21 Attention, s'il vous plaît, dans un instant, le quiz de l'actu,
18:23 donc elles vont pouvoir se détendre un petit peu,
18:25 vous aussi, 0826 300 300
18:27 avec Romina, qui va jouer contre l'un
18:29 d'entre vous. A tout de suite.