L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 31 Août 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 31 Août 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr
Category
🗞
NewsTranscription
00:00 *Générique*
00:06 Nous avons fait la sélection pour la rentrée littéraire, la sélection avec nos camarades de L'Obs.
00:14 Je vous présente immédiatement les personnes présentes dans ce studio.
00:17 Pour L'Obs, Jérôme Carsin et Elisabeth Philippe, bonjour à tous les deux.
00:21 Et pour France Culture, Arnaud Laporte, Auriane Delacroix, Marie Richeux.
00:27 Alors, il est question d'un chiffre... Bonjour Marie.
00:30 Il est question d'un chiffre de 466 romans de la rentrée littéraire.
00:38 Jérôme Carsin, une explication de chiffre s'il vous plaît.
00:40 Alors c'est moins qu'avant, c'est vrai. Chaque année c'est un peu moins.
00:44 Mais quand on dit moins et qu'on a devant soi 466 nouveaux titres français et étrangers,
00:50 avouez qu'ils paraissent en un temps record, c'est un mois et demi à peu près.
00:56 Avouez que c'est quand même énorme.
01:00 C'est toujours assez amusant. Moi je rappelle toujours le mot de l'indom.
01:03 C'est-à-dire que moins les livres se vendent, plus on en produit.
01:06 Enfin en gros, c'est une économie paradoxale.
01:09 La raison, on la connaît toutes et tous, c'est que s'il en sort quand même toujours beaucoup,
01:15 c'est parce qu'il y a à la fin de l'automne tous ces petits trophées
01:19 qui s'appellent les prix littéraires du Goncourt jusqu'au Fémina,
01:22 en passant par l'Interallié et les autres.
01:24 Et que, évidemment, c'est comme sur les champs de course.
01:27 On met le plus possible de chevaux sur le gazon pour essayer d'avoir un de ces prix.
01:34 - Marie Richo, est-ce que vous avez vu une ambiance dans cette rentrée littéraire ?
01:40 - C'est très difficile. De toute façon, comme on commence par parler des chiffres,
01:43 il faut aussi qu'on soit très honnête sur ce qu'on a lu.
01:46 C'est-à-dire, en tout cas, moi je peux vous dire ce que j'ai lu hyper concrètement.
01:49 - De toute façon, j'attends de vous de l'honnêteté.
01:51 - Voilà, donc soyons honnêtes, parlons chiffres.
01:53 Moi, tous les ans, je pars l'été avec une caisse en bois et il y a maximum 20 livres.
01:57 Donc, ce n'est pas beaucoup.
01:58 Regardez, 466 livres qui paraissent à la rentrée littéraire, mais je les lis tous.
02:03 Et on peut dire que j'ai fait bonne pioche.
02:05 Voilà, je compose cette caisse de bois en prenant à la fois des auteurs qui m'intéressent,
02:10 que j'ai déjà lus, des autrices, des nouveautés, des curiosités.
02:14 Et j'ai fait bonne pioche.
02:15 - Elisabeth Philippe, vous avez fait bonne pioche également ?
02:17 - Pas toujours, malheureusement.
02:20 - Vous avez été déçue ?
02:22 - Oui, mais ça fait ressortir les déceptions, il faut ressortir les coups de cœur.
02:26 Non, c'est une rentrée peut-être où il faut faire preuve de davantage de curiosité.
02:30 Donc, il faut vraiment qu'on se mette au travail parce qu'il n'y a pas d'évidence.
02:34 Forcément, il n'y a pas de grands noms très attendus ou de textes très attendus.
02:38 Donc, c'est l'occasion, effectivement, d'aller dénicher les pépites cachées parmi les premiers romans,
02:44 d'aller dénicher de nouvelles voies.
02:46 C'est ce qui fait aussi toute la saveur d'une rentrée littéraire.
02:49 - Arnaud Laporte.
02:50 - Alors ça, c'est vraiment de la pioche au hasard.
02:52 C'est vrai que, comme Marie Richer, je dois vous confesser, puisqu'on dit la vérité,
02:56 que c'est mon été le moins bibliophage depuis un quart de siècle.
03:00 Cet été, j'avais décidé de faire une diète.
03:02 Alors, j'ai fait plutôt bonne pioche, comme le dit Marie Richer, mais 467 pages de Rome.
03:09 Bon, on se les est répartis, on en a eu un peu moins de 100 chacun.
03:11 Voilà la vérité, Guillaume.
03:13 Et donc, on peut vous dire qu'il n'y a pas de tendance,
03:15 puisque chaque année, on demande les tendances de la rentrée.
03:18 Ça n'existe pas, ça ne peut pas exister, me semble-t-il.
03:20 Il n'y a pas de tendance, et il n'y a pas de relimite non plus.
03:23 Ça aussi, c'est une...
03:24 - Pas encore. - Pour l'instant.
03:25 - Mais pour rien de la croix.
03:27 - Mais du coup, je suis assez d'accord avec Elisabeth.
03:29 L'avantage d'une rentrée dans laquelle il n'y a pas d'énorme machine hyper attendue,
03:34 c'est qu'on a plus de travail, mais un travail qui est plus amusant,
03:40 qui est celui, effectivement, d'aller chercher,
03:43 aller voir le deuxième roman de quelqu'un qu'on avait repéré
03:46 ou être surpris par quelque chose qu'on n'attendait pas.
03:48 - On va débuter tout d'abord par une sélection d'Elisabeth Philippe.
03:53 "L'amour" de François Bégaudot aux éditions Vertical.
03:56 - Alors ça, c'est ma bonne pioche.
03:59 Même si François Bégaudot, c'est un auteur, évidemment, déjà très installé.
04:02 Il se trouve que moi, c'est un auteur qui n'était pas forcément mon genre,
04:06 comme dirait... comme aurait dit Swan.
04:09 Et "L'amour", c'est un petit livre de 90 pages.
04:13 C'est un précipité de sentiments, de littérature.
04:17 C'est l'histoire très simple de Jeanne et Jacques Moreau,
04:20 un couple qui se rencontrent dans les années 70 dans l'ouest de la France.
04:25 Elle est réceptionniste dans un hôtel.
04:27 Lui, il travaille avec son père dans une entreprise de maçonnerie.
04:30 Donc des gens assez simples, assez modestes.
04:33 Et en fait, François Bégaudot raconte les 50 années de leur mariage.
04:37 50 années, quasiment 100 heures, scandées par...
04:40 - C'est une belle histoire.
04:41 - C'est une très belle histoire, une modalité de l'amour que finalement,
04:44 on a peu l'occasion de lire parce que ce n'est pas l'histoire passionnée.
04:48 Ce n'est pas la passion amoureuse.
04:50 C'est vraiment un mélange d'un coeur simple et des choses de Pérec.
04:54 C'est extrêmement simple et c'est bouleversant.
04:57 Avec un art de l'ellipse, c'est à la fois une écriture extrêmement concise,
05:02 épurée et en même temps virtuose dans justement cette façon de dire le temps,
05:07 de montrer le temps, qui est presque le personnage principal de ce livre.
05:11 - Mais alors c'est un autre François Bégaudot par rapport à celui qui n'était pas votre genre ?
05:14 - Alors lui, il dirait que non, que la tendresse a toujours été présente dans ses livres.
05:18 Mais c'est vrai qu'on l'a connu quand même beaucoup plus cinglant et cruel.
05:22 Et là, il n'y a pas du tout de surplomb.
05:24 Il n'y a pas de volonté de faire le malin,
05:26 ce qui, moi, pouvait un peu me tenir à distance de ses livres.
05:31 C'est politique en un sens parce que c'est aussi un couple de la petite classe moyenne.
05:35 Je mets plein de guillemets quand j'emploie ce terme.
05:39 Politique dans le sens où ça montre aussi une forme de compagnonnage amoureux
05:44 qui n'est peut-être plus vraiment dans l'air du temps.
05:46 Et donc qui permet de réfléchir aussi à ce qu'est l'amour, à la façon dont on peut le vivre.
05:50 Mais il n'y a absolument pas de commentaire de sa part.
05:53 C'est vraiment ces deux personnages qui sont au cœur de ce livre et qu'on suit avec amour.
05:58 - Auriane Delacroix.
05:58 - Oui, c'est ça. C'est vraiment qu'est-ce qu'on raconte d'un amour quand il n'est pas romanesque.
06:02 Et moi, ce qui m'a beaucoup intriguée, et en fait, c'est un livre que j'ai envie de relire
06:06 parce que je me demande comment ça tient, en fait.
06:09 Un aussi petit livre de 90 pages qui fonctionne, qui tient.
06:14 Et j'ai envie de le relire avec attention pour voir comment c'est construit, en fait.
06:17 Qu'est-ce qui fait que ça tient ?
06:20 - Jérôme Garcin.
06:21 - Ce qu'il faut dire en plus, c'est que c'est une traversée à travers tous les symboles presque,
06:24 j'allais dire, barthésiens des cinquante dernières années.
06:29 On passe par les radios, parce qu'on écoutait comme chanson.
06:32 Je dirais que c'est la version douce, incroyablement douce de la part de Begodo,
06:36 d'Anatomie d'un couple, c'est-à-dire que...
06:39 - D'une chute ?
06:39 - Et non pas d'une chute, justement.
06:40 - Ah d'accord.
06:41 - Il n'y a pas de chute. C'est ça qui est beau.
06:43 Et effectivement, c'est d'une pureté à la fois littéraire et, je dirais, affective
06:48 à laquelle Begodo ne nous a encore, jusqu'à maintenant, jamais habitués.
06:52 - C'est pas un homonyme ? Je vous pose la question.
06:55 - Ça veut dire que finalement, un auteur peut être multiple ?
06:57 - En tout cas, il peut surprendre. Il peut surprendre.
06:59 Et c'est vrai que surprendre par la tendresse, c'est quand même un joli geste.
07:04 - Jérôme, puisque vous avez la parole, vous allez la conserver, vous allez nous parler.
07:08 Alors, je ne sais pas si c'est la suite de l'amour, mais c'est la foudre de Pierrick Bailly.
07:13 Et c'est aux éditions POL, à la veille de partir s'installer à La Réunion.
07:18 C'est l'histoire d'un berger du Haut-Jura, région natale de Pierrick Bailly,
07:23 qui découvre dans le journal que son camarade d'autrefois est devenu un assassin.
07:27 Alors, il mène son enquête et là aussi, il est question d'amour.
07:31 Mais je crois que c'est une histoire d'amour impossible.
07:34 - C'est toujours des mélodrames chez Pierrick Bailly.
07:38 Souvenez-vous de son précédent roman qui s'appelait "Le roman de Jim", qui était magnifique.
07:45 Et en même temps, c'est toujours dans le Haut-Jura, qui est sa région, effectivement.
07:49 Ce qui donne une prose très simple, très, si j'ose dire, résineuse, montagneuse.
07:55 - Prose jurassique.
07:56 Et qui en même temps est d'une finesse, d'une intelligence psychologique rare.
08:01 Et là, effectivement, c'est un berger qui s'apprête à vendre ses 300 brebis.
08:06 Et ce qu'on connaît aussi très bien, c'est qu'ils sont des chiens de travail,
08:10 qui aident à accompagner les troupeaux pour partir s'installer avec sa compagne,
08:16 qui est prof d'anglais à La Réunion.
08:17 Et puis finalement, il est retenu en France parce que son copain d'autrefois de lycée,
08:23 qui est devenu vétérinaire, a tué à coup de planche un jeune homme devant chez lui.
08:28 Voilà, ça c'est...
08:30 Et apparemment très violemment.
08:31 Donc il va rester pour essayer de comprendre ce qui s'est passé,
08:34 comment cet homme qui était doux est devenu un assassin.
08:38 Et il va rencontrer la femme de l'inculpé, du soupçonné qui va bientôt être fait de la prison.
08:46 Et encore une fois, c'est évidemment ce qui est très beau, je trouve, dans ce livre,
08:50 comme dans tous les livres de Pierrick Bailly que j'adore.
08:54 C'est l'histoire d'un homme du froid, vraiment, ce berger, il est solitaire,
08:58 c'est un homme du froid et qui n'est pas fait pour les brûlures de la vie,
09:01 pour les brûlures de l'amour, pour tout ce qu'il y a de plus violent
09:05 dans les relations entre un homme et une femme.
09:09 Et c'est encore une fois très mélodramatique.
09:12 Et en même temps, réussir à faire un mélodrame sans tomber dans la complaisance,
09:16 dans le lyrisme, au contraire, en tenant ce ton, qui est le ton de montagne de Pierrick Bailly,
09:21 moi, ça me bouleverse chaque fois.
09:23 - Arnaud Laporte ?
09:24 - Je profite de ce que disaient mes camarades tout à l'heure,
09:26 c'est une rentrée sans polémique encore, une rentrée sans grand nom,
09:29 enfin, il y en a quand même un certain nombre.
09:31 Ce serait peut-être le moment de s'intéresser plus à Pierrick Bailly,
09:34 dont je suis très friand depuis toujours.
09:38 Et peut-être qu'une rentrée comme celle-ci peut permettre à ce type d'auteur-là,
09:41 et il n'est pas le seul, à avoir un peu plus de lumière, et ça, ce serait formidable.
09:45 - Marie Richeux, plus soi.
09:47 - Oui, plus soi, parce que je n'ai pas complètement terminé le livre de Pierrick Bailly,
09:51 mais vraiment, déjà, ce sont des paysages que j'adore,
09:54 donc je suis trop contente de les retrouver dans la prose de Pierrick Bailly.
09:57 J'aime ce début, cette introduction...
09:58 - Vous aimez le Jura ?
09:59 - Oui, voilà.
10:00 - Mais non, mais je le disais...
10:01 - J'entendais ce matin Alexandre Adelbourg qui parlait de Rome, oui, j'aime le Jura.
10:05 Je revendique ça, j'adore, j'y campe tous les étés, si vous voulez tout savoir.
10:09 - Honnêteté et tout savoir.
10:11 - Oui, exactement.
10:12 Je suis contente de retrouver ces paysages-là, qui sont installés à pas de loups, comme ça, au début.
10:16 On les voit apparaître.
10:18 On entend aussi Pierrick Bailly parler du langage tout au début,
10:22 parce qu'il est question de textos, de messages, d'informations,
10:26 et donc il se demande, ce narrateur, quels textos on envoie à la compagne de quelqu'un qui a tué.
10:31 On sait quoi dire à quelqu'un qui est endeuillé, on sait quoi dire à quelqu'un qui est en peine,
10:34 mais qu'est-ce qu'on dit à la compagne d'un assassin ?
10:37 Et je le trouve drôle aussi, vous avez peut-être moins dit ça, Jérôme Garcin,
10:40 mais je trouve cette plume drôle, enlevée, éminemment littéraire, avec une véritable langue.
10:46 Je me suis régalée jusque-là.
10:48 - Je suis aux anges, parce qu'effectivement, je suis comme Arnaud,
10:51 je pense que c'est des auteurs qui ont besoin d'une rentrée littéraire.
10:54 Moi, j'ai parlé depuis longtemps des livres de Bailly, un peu dans un demi-silence,
10:59 et c'est ça aussi l'immense chance de ces périodes-là, on ne le dira jamais assez,
11:04 c'est qu'on peut parler de Pierrick Bailly le matin sur France Culture à plusieurs,
11:07 et dire pourquoi on l'aime, et donc, à susciter des nouveaux lecteurs.
11:11 Et ça, c'est quand même ce qu'il y a de mieux dans notre pétier.
11:14 - La sélection L'Obs, France Culture, il y a beaucoup d'autres livres.
11:19 On a déjà parlé de L'Amour, de François Bégaudot aux éditions Vertical.
11:24 On vient de faire un résumé assez louangeur de La Foudre de Pierrick Bailly,
11:30 mais on va parler aussi dans quelques instants de Proust Romand,
11:34 familial de Laure Murat aux éditions Robert Laffont,
11:37 stupeur de Zerouia Chalev, ça c'est aux éditions Gallimard,
11:41 ou bien encore Rocky, Dernier Rivage de Thomas Gunzig,
11:46 et c'est au Diable Vauvert.
11:48 Bref, on se retrouve dans une vingtaine de minutes, vers 8h20,
11:52 pour continuer de vous dire quels sont les livres que vous pouvez lire en cette rentrée.
12:00 - 6h39, les Matins de France Culture, Guillaume Erner.
12:04 - Nous continuons en compagnie de mes camarades Jérôme Garcin et Elisabeth Philippe Delops.
12:10 Marie Richeux, qui est productrice de l'émission Le Bout que l'Obs,
12:14 une nouvelle émission, c'est à quelle heure Marie ?
12:16 - Et c'est à 15h en direct tous les jours et quand vous voulez en podcast.
12:19 - Orianne Delacroix et Arnaud Laporte a évoqué donc la sélection littéraire,
12:26 sélection littéraire qui nous a déjà permis de parler de L'Amour,
12:29 de François Bégaudot, aux éditions Vertical et de La Foudre de Pierrick Bailly, chez POL.
12:35 Et nous poursuivons avec L'Épaisseur d'un Cheveu de Claire Bérest.
12:41 C'est publié aux éditions Albain, Michel et je crois Arnaud que vous avez apprécié ce livre.
12:47 - Vous croyez bien, mon cher Guillaume, évidemment L'Épaisseur d'un Cheveu.
12:51 Vous comprenez que ça me parle, toute blague sur mon crâne à manger.
12:54 - Je n'ai rien dit, je n'ai rien fait parce que je me suis dit que ce n'était pas une bonne chose
12:59 de parler de votre physique un peu glabre, du crâne.
13:03 - Alors plus sérieusement de quoi il s'agit, les choses sont très clairement énoncées
13:07 dès le premier paragraphe du roman puisqu'il se termine par ces mots
13:10 "il était alors impossible d'imaginer que trois jours plus tard dans la nuit de jeudi à vendredi,
13:14 Étienne tuerait sa femme".
13:16 C'est vraiment la fin du premier paragraphe, donc un féminicide, un homicide conjugal,
13:22 même si le sujet est éminemment important, ce n'est pas ça qui intéresse particulièrement Anne Bérest
13:28 dans ce livre qui se consacre à l'étude d'un homme, donc c'est Étienne,
13:31 qui est correcteur salarié dans une maison d'édition et il tient beaucoup à ce salariat
13:36 parce que c'est un métier qui va mal, un métier qui est beaucoup sous-traité,
13:40 mais ce n'est pas non plus un livre sur l'auto-entrepreneuriat,
13:42 c'est l'étude d'un homme qui a donc commencé à plonger dans une forme de déni du réel
13:48 et qui va dans les heures qui suivent le début du roman et dans les 48 heures qui suivent ce roman
13:53 arriver à ce point de non-retour.
13:55 Alors qu'est-ce qui fait qu'un homme tue ? Quels sont les éléments concrets qui expliquent cette bascule ?
14:01 Un sujet qui est évidemment assez immense et a une réponse insaisissable,
14:05 mais travailler dans l'édition semble être un facteur aggravant,
14:09 donc quand même il faut se méfier, mais au-delà du C.G. il y a un style,
14:13 Claire Bérest ça fait quand même une douzaine d'années maintenant qu'elle publie,
14:17 il y a aussi beaucoup de jeux sur la langue, par exemple elle parle des...
14:21 Étienne voit les mots en couleurs, j'ai appris hier,
14:24 puisque Anne Bérest était mon invitée hier soir dans Affaires Culturelles,
14:27 Claire, pardon, qu'Étienne donne une couleur aux mots et que ça existe vraiment,
14:31 "écrasé" par exemple c'est mauve, cru, sachez-le, "solide" c'est ivoire,
14:36 une couleur nette et profonde, bref, un rapport pathologique aux habitudes, à la musique,
14:42 et puis il y a un projet sur lequel travaille Étienne, un projet avec un grand P,
14:47 et là ce sera l'ultime surprise du livre peut-être.
14:50 Marie Richard, vous avez beaucoup apprécié l'ouvrage de Claire Bérest.
14:55 Oui, moi je n'avais jamais lu Claire Bérest, donc c'est aussi une découverte d'une écriture,
14:59 ça fait partie de la pioche que j'ai faite en partant cet été,
15:02 ce qui m'a intéressée le plus c'est le rapport aux mots, Arnaud Laporte le soulignait,
15:06 en effet il y a l'idée d'une synesthésie, de donner des couleurs, des textures aux mots,
15:11 il y a toute une population de correcteurs,
15:14 et je ne sais pas si j'ai trouvé que ça mettait un trait d'humour dans ce texte-là,
15:17 en effet je n'ai pas l'impression que ce soit tellement l'auscultation précise du féminicide
15:22 qui préoccupe le texte, je dis juste que de manière tout à fait différente,
15:26 mais j'ai pensé à Yves Ravet, que j'adore, je ne sais pas pourquoi,
15:29 ça m'a fait penser à des textes d'Yves Ravet.
15:32 Elisabeth Philippe, Proust, roman familial de Laure Murin, c'est aux éditions Robert Laffont.
15:38 Alors, malgré le titre, ce n'est pas un roman, c'est un livre totalement hors catégorie,
15:43 ce Proust roman familial de Laure Murin,
15:47 dans ce livre, Laure Murin c'est une essayiste qu'on connaît pour ses...
15:51 - Reçue au matin, on la connaît bien.
15:54 - J'imagine bien, excellente essayiste, qui a écrit sur Los Angeles,
15:57 mais également sur Adrienne Monnier et Sylvia Beach,
16:00 donc vraiment très très grande penseuse, qui enseigne à Los Angeles,
16:07 et dans ce texte, elle montre comment Proust, tout simplement, l'a sauvée,
16:12 comment la lecture de la recherche du temps perdu l'a sauvée,
16:16 et elle montre déjà les correspondances...
16:19 - L'a sauvée, c'est-à-dire ?
16:22 - L'a sauvée parce que, on peut lire ce livre comme un hommage à la littérature,
16:27 comme outil d'émancipation.
16:29 Laure Murin, c'est un récit, où elle se livre aussi,
16:33 est issue de l'aristocratie, de la noblesse d'empire par son père, Murat,
16:40 et de la noblesse d'ancien régime par sa mère, qui vient de la famille de Luine.
16:44 Et pendant très longtemps, Laure Murin a pensé,
16:46 quand ses parents parlaient de la recherche,
16:48 que tous les personnages qu'ils évoquaient étaient des membres de sa famille,
16:50 des cousins, des cousines, des tantes et des oncles,
16:52 donc il y avait vraiment une sorte d'intimité avec cette oeuvre,
16:57 qu'elle n'avait pas lue, elle la lit à la vingtaine,
17:00 et là, elle se rend compte que Proust met en lumière ce monde dont elle est issue,
17:05 dont elle a commencé à percevoir que ce n'était un monde que de formes vides,
17:09 ce monde de l'aristocratie, fondé entièrement sur les représentations,
17:13 sur le paraître, mais avec très peu de fond derrière,
17:16 c'est ce qu'elle dit elle, et Proust met cela en lumière,
17:19 remplit ces formes vides de son écriture, de ses mots,
17:23 et donc ça c'est la première forme d'émancipation,
17:25 comment Proust va l'aider à quitter son milieu, à s'en affranchir,
17:28 et également émancipation de l'hétérosexualité,
17:32 L'Hormura est homosexuelle et lesbienne,
17:34 et Proust est le premier, selon les mots même de Chantal Ackermann,
17:38 de la réalisatrice Chantal Ackermann que L'Hormura cite dans son livre,
17:41 Proust est le premier auteur à prendre l'homosexualité au sérieux.
17:45 - Alors donc c'est un récit sur les pouvoirs de la lecture ?
17:47 - Oui, exactement, et c'est un récit mené de façon extrêmement intelligente,
17:52 érudite, drôle, élégante par L'Hormura,
17:55 il y a énormément d'anecdotes sur sa vie,
17:59 et également une lecture extrêmement fine, située, comme elle le dit,
18:03 de la recherche du temps perdu.
18:04 - Alors justement, est-ce que ça vous apprend quelque chose sur Proust,
18:06 Elisabeth Philippe ?
18:08 - Sur Proust, je ne sais pas, d'autant qu'on en a beaucoup parlé cette année,
18:11 puisqu'on fêtait le centenaire de sa disparition,
18:14 donc il y a eu énormément de...
18:15 - C'est ce qu'on fait avec les grandes œuvres, on ne cesse pas de les commenter.
18:19 - Exactement, c'est tout à fait mérité, mais il y a des pages d'une finesse absolue,
18:22 de lecture notamment de certains passages de la recherche,
18:26 notamment ce passage célèbre sur les souliers rouges,
18:29 Oriane de Guermande qui oublie ses souliers rouges,
18:31 et L'Hormura en donne une analyse d'une pertinence, d'une élégance éblouissante,
18:37 et c'est vraiment le rapport intime qu'on peut entretenir avec une œuvre.
18:41 - L'Échiquier de Jean-Philippe Toussaint, ça c'est aux éditions de Minuit,
18:46 c'est un livre qui se compose de 64 chapitres,
18:49 comme autant de cases d'un échiquier.
18:52 L'auteur de La salle de bain se lance dans une autobiographie partielle,
18:56 où son père occupe une place prédominante,
18:58 en même temps qu'il livre une nouvelle traduction du Joueur d'échecs de Stéphane Zweig.
19:03 Jérôme Garcin, parlez-nous de ce livre.
19:06 - Vous savez que le premier livre, le premier texte de Jean-Philippe Toussaint,
19:11 ce n'est pas La salle de bain, il s'appelait Échecs.
19:14 Il s'appelait Échecs et il n'a jamais paru,
19:16 parce qu'il a été refusé par les éditeurs.
19:19 L'occasion de rappeler qu'on peut être un très grand écrivain comme Jean-Philippe Toussaint
19:22 et s'être vu refuser ses premiers textes dont Échecs.
19:26 - Dans le titre en même temps.
19:28 - Oui, il avait une passion, il a toujours eu une passion pour les échecs.
19:33 Il se flatte d'avoir assisté à quelques très grandes rencontres
19:37 entre Kasparov et Karpov à la fin des années 80.
19:40 Bref, là il est confiné à Bruxelles en 2020.
19:45 Le confinement belge était le même que le nôtre, c'est-à-dire mi-mars.
19:49 Il est confiné à Bruxelles où il n'a jamais écrit.
19:52 Il a écrit en Corse, il a écrit à Ostende, il a écrit à Rome,
19:56 il a écrit ses premiers livres en Algérie, mais jamais à Bruxelles.
19:59 Et là il est confiné à Bruxelles et il se lance dans trois entreprises
20:04 traduire, retraduire le Joueur d'échecs de Zweig,
20:09 qui paraît ces jours-ci, en même temps que son livre.
20:12 - Sous le titre Échecs.
20:14 - Sous le titre, absolument, Échecs, ce qui est encore une fois
20:17 une réponse à ses débuts.
20:18 Un essai sur la traduction qu'il n'a jamais écrite, mais qu'il voudrait faire.
20:22 Et enfin, ce livre, L'Échiquier, et c'est effectivement 64 chapitres,
20:28 comme les 64 cases de L'Échiquier.
20:32 Et c'est sa première, son premier récit autobiographique.
20:36 On connaît le romancier évidemment, que personnellement,
20:39 je trouve être un des meilleurs aujourd'hui.
20:41 Et c'est comment je suis devenu écrivain.
20:45 En gros, c'est comment je suis devenu écrivain, de case en case,
20:49 avec son enfance, évidemment, sa jeunesse, quand il a été dans un pensionnat,
20:54 d'ailleurs en France, dans les Yvelines.
20:56 Et surtout, il paye sa dette à son père.
20:58 - Ah oui, j'allais dire !
20:59 - Marie Richeux !
21:00 - Magnifique ! Yvon Toussaint, journaliste au soir, auteur de Polar.
21:04 Et c'est bouleversant, parce que d'ailleurs, il dit à un moment donné
21:08 que son père répétait "mon fils sera écrivain, il sera écrivain".
21:12 Il en était absolument convaincu.
21:14 Et à un moment donné, Toussaint, ce mot magnifique,
21:18 je ne sais pas si j'ai eu la vocation d'écrire, mais j'ai eu la permission.
21:22 Et la permission, c'était celle de son père.
21:24 - Oui, exactement. C'est quelque chose qui m'a profondément touchée
21:26 dans ce texte-là, que j'ai adoré aussi, Jérôme Garcin.
21:29 C'est comment, petit à petit, de case en case, sur L'Échiquier de la vie,
21:32 il va essayer de coïncider avec cette grande phrase de son père
21:34 qui lui donne la permission.
21:36 C'est aussi un jeu. Est-ce qu'il lui a permis,
21:39 est-ce qu'il lui a imposé d'être cette grande figure d'écrivain
21:42 à laquelle Toussaint réfléchit beaucoup dans ce texte-là ?
21:45 Évidemment, j'ai lu quasiment collé la traduction qu'il fait, magnifique,
21:49 qui est tellement belle, du Joueur d'échecs.
21:51 Et j'ai adoré les scènes d'échecs au Centre Pompidou,
21:54 découvrir un monde que je ne connaissais pas du tout.
21:57 Et comment est-ce que, petit à petit, de case en case, sur L'Échiquier,
22:00 il devient aussi le fils de son père ?
22:02 Je trouve qu'il y a une façon comme ça d'écrire ce texte-là.
22:04 Le père qui est mort, qui apparaissait dans d'autres romans,
22:07 mais qui est mort il y a quelques années.
22:08 Très présent, le père dans tous les derniers livres de Toussaint.
22:11 Absolument.
22:12 Une ombre très importante.
22:13 Suite de cette sélection L'Obs. France Culture,
22:16 avec Maria Pourchet, Western aux éditions Stock,
22:19 Oriane Delacroix.
22:21 Oui, Maria Pourchet, Western, c'est...
22:25 Moi, c'est un livre que j'aime beaucoup.
22:27 J'avais beaucoup aimé Feu et j'ai encore plus aimé Western
22:30 parce que je trouve qu'on retrouve tout ce qu'il y avait dans Feu
22:33 de merveilleux en beaucoup mieux.
22:37 Elle poursuit, Maria Pourchet, sa réflexion sur le désir,
22:40 la violence et la liberté qu'elle mène depuis presque dix ans,
22:43 avec toujours ce même sens de l'observation vraiment implacable
22:47 et son humour, auquel moi je suis extrêmement sensible,
22:51 d'autant plus que je trouve que l'humour de Maria Pourchet,
22:54 et c'est là où elle est très très forte,
22:56 c'est que c'est un humour qui n'empêche jamais la fiction de prendre.
22:59 Donc Western, c'est l'histoire d'un comédien qui s'appelle Alexis Agner,
23:04 qui est un comédien très en vue, sur le nom duquel s'est montée
23:07 une production de Don Juan, et on sent qu'il y a une sorte de
23:12 grosse tempête Me Too qui gonfle et qui se rapproche dangereusement de lui,
23:17 et donc il va prendre la fuite.
23:19 Et il va croiser dans cette fuite un autre personnage qui a pris la fuite,
23:23 qui est une femme qui s'appelle Aurore, qui elle est à bout d'énergie,
23:29 qui est complètement épuisée, et qui elle aussi a pris la fuite
23:33 pour se mettre au vert avec son fils dans une maison dont elle a hérité,
23:37 dans le Lot, donc c'est l'Ouest.
23:40 - J'aime beaucoup le Lot, comme dirait Marie-Éric Schoen.
23:42 - Et l'Écosse.
23:43 - On va faire une géographie littéraire de la France.
23:46 Elisabeth Philippe, vous l'avez beaucoup appréciée aussi.
23:49 - Je ne voulais pas interrompre Oriane qui en parle très bien,
23:53 et là où je rejoins ce qui vient d'être dit, c'est que ce qui est formidable
23:57 avec Maria Pourcher, c'est sa capacité à s'emparer de sujets extrêmement
24:00 contemporains, de sujets qui blessent, comme elle le dit elle-même,
24:03 qui blessent l'époque, et de s'abstraire de toute doxa.
24:06 Et ça c'est la très grande force de la littérature, et c'est en cela
24:09 que Maria Pourcher est une grande écrivaine, c'est qu'elle parvient
24:13 par le pouvoir même de la fiction à nous aider à nuancer
24:18 notre pensée, notre regard sur ce qui se passe, à sortir un peu
24:22 des invectifs, des anathèmes, des préjugés aussi.
24:26 Et là c'est effectivement, qu'est-ce qu'on fait d'un homme qui a abusé,
24:30 d'un homme qui n'a pas commis de crimes à proprement parler,
24:34 mais qui s'est très mal comporté. Est-ce qu'on peut encore aimer
24:37 un homme tel que celui-ci ? Et Maria Pourcher ne donne pas forcément
24:41 de réponse, mais pose cette question avec Maestria dans "Western".
24:44 - Et je pense que justement, c'est un livre sur les fictions.
24:46 Plus qu'une fiction post-MeToo, etc. C'est vraiment un livre sur
24:50 comment on est tous façonnés de fiction, comment il faut se défaire
24:54 des anciennes, comment inévitablement on en reconstruit d'autres,
24:58 et comment ça nous bouffe la vie, mais c'est inévitable en fait.
25:01 - On sort de France avec Zerouya Chalev, écrivain israélien.
25:05 "Stupeur", c'est aux éditions Gallimard. Elisabeth Philippe ?
25:09 - Oui, Zerouya Chalev, cette grande romancière israélienne qu'on connaît
25:12 dans des livres comme "Ce qui reste de nos vies" ou "Douleur".
25:16 Dans "Stupeur", c'est le portrait en miroir de deux femmes.
25:20 La première, c'est Rachel, qui est nona génère, qui a 95 ans,
25:24 qui a combattu... - 91 !
25:26 - 91, pardon, merci Jérôme pour cette précision.
25:29 Je suis plus dans les lettres que dans les chiffres.
25:32 Rachel a 91 ans, elle a combattu dans sa jeunesse dans un mouvement
25:36 de lutte clandestin pour l'indépendance d'Israël, à la fin des années 40,
25:41 elle a combattu contre les Britanniques. Dans cette lutte, dans ce combat,
25:44 elle a rencontré Mano, qui est devenu son époux.
25:47 Rachel et Mano sont restés mariés pendant un an avant qu'il la quitte
25:51 et qu'il quitte en même temps qu'il rejette tout.
25:53 Il a rejeté Rachel, il a rejeté le combat. Fin de l'histoire entre Rachel et Mano.
25:57 Et l'autre femme de cette histoire, c'est Atara, la fille de Mano,
26:02 née du second mariage de cet homme, qui, à la mort de ce père,
26:06 qui l'a toujours rejetée, qui s'est toujours comportée
26:08 de façon très violente avec elle, cherche à comprendre
26:12 pourquoi il s'est comporté de cette manière.
26:14 Et pour ce faire, elle va aller à la rencontre de Rachel.
26:17 Et Zeroui HaChalev alterne les portraits de ces deux femmes,
26:20 de Rachel et d'Atara. Il y a beaucoup de rendez-vous manqués entre elles.
26:24 Et ce qui est magnifique, c'est la façon dont la romancière
26:27 tisse l'histoire d'Israël à l'histoire intime de ces deux femmes,
26:31 comment les paysages intérieurs de ces deux femmes font écho
26:35 au paysage d'Israël. Et c'est aussi toute l'histoire de ce pays
26:39 qui est racontée à travers le parcours de ces deux femmes.
26:42 - Nous continuons cette sélection L'Obs France Culture
26:46 avec un livre de Thomas Gunsig, "Rocky, dernier rivage,
26:50 au diable, vaut vert". Un livre que vous avez beaucoup aimé, Arnaud Laporte.
26:54 - Je confirme. Et après, Jean-Philippe Toussaint, c'est le deuxième badge
26:56 de notre sélection. Et déjà, d'être badge, c'est pour moi
26:59 une très grande qualité. Alors, nous qui sommes là ce matin,
27:03 nous avons eu la chance pour l'heure, surtout pour Elisabeth Philippe
27:06 qui s'inquiète de survivre au Covid-19.
27:09 Ça a conforté certains qui fallait se préparer au pire.
27:11 Et c'est ce que fait le personnage de ce livre, Fred,
27:14 qui est un start-upeur millionnaire, qui a donc acheté une île.
27:17 Il a fait construire une très belle maison qui regorge de vivres,
27:21 qui est alimentée par des ressources naturelles pour pouvoir un jour
27:23 s'y réfugier en famille. Et quand le livre débute,
27:27 ce jour est arrivé depuis cinq ans déjà. Il est là avec sa femme,
27:31 ses deux enfants, sur cette petite île de l'Atlantique Nord,
27:34 l'espèce humaine ayant sans doute été décimée entre temps.
27:37 Des relations évidemment exécrables entre chacun des personnages,
27:41 puisque chaque chapitre porte le prénom de l'un des membres de la famille.
27:45 Il nous donne son point de vue, son regard sur ce kid
27:48 où elle vive à ce moment-là. On comprendra qu'il y a eu un drame
27:53 qui s'est passé. On aura un flashback au milieu du livre qui nous le racontera.
27:56 Mais sujet ancien et éternel, comment s'aimer bien qu'on soit de la même famille ?
28:01 Évidemment, dans ce contexte-là, ça prend des proportions tout à fait particulières
28:06 et des déviations aussi tout à fait particulières.
28:08 Mais Thomas Gönzig, moi ce que j'aime particulièrement chez lui,
28:10 ça fait très longtemps que je le lis, c'est qu'il n'y a pas d'effet de manche stylistique.
28:15 Il y a une écriture qui est assez simple, assez directe.
28:17 - Précise, disons. - Précise, je le dis. Je l'écris dans l'Obs.
28:22 J'ai la chance d'avoir effectivement écrit cette petite notule.
28:26 - C'est ça qui vous permet d'aller au bout du suspense.
28:28 - Absolument, au bout du suspense. Et en même temps, il y a dans ce livre glissé
28:33 un des plus beaux hommages qu'il soit à la littérature.
28:35 Évidemment, je ne divulgage rien. Mais Thomas Gönzig, vraiment,
28:39 le livre peut paraître épais, comme ça il se lit à une vitesse folle.
28:43 - Mais ce pourrait qu'on puisse par exemple entendre Thomas Gönzig ce soir
28:48 dans Affaires Culturelles à 19h ? - Comme c'est bien fait.
28:50 Claire Bérest hier, Thomas Gönzig ce soir.
28:52 On peut coller à l'Obs et à l'actualité, l'Obs France Culture, bien sûr.
28:55 - Il y a une forme de cohérence dans tout cela, y compris Oriane Delacroix
28:59 dans Nevada d'Hymogène Bini, qui est publiée aux éditions Gallimard.
29:05 C'est un livre qui est paru en 2013 aux Etats-Unis.
29:09 C'est un premier roman qui est devenu culte et vous allez nous expliquer pourquoi.
29:14 - Tout à fait, et qui est traduit par Violaine Huissement, je le précise.
29:17 C'est un roman qui paraît précéder d'une petite réputation,
29:20 puisqu'il est considéré comme un livre précurseur,
29:24 écrit par la première autrice de fiction trans.
29:28 C'est le premier livre d'une autrice trans publiée à relativement grande échelle aux Etats-Unis,
29:35 mettant en scène des personnages trans.
29:37 C'est l'histoire de Maria, qui travaille à Manhattan dans une librairie d'occasion.
29:43 Elle boit beaucoup, ça ne va pas très fort, elle oublie de prendre ses hormones et elle blogue beaucoup.
29:48 Elle écrit sur sa vie et son quotidien de femme trans.
29:52 Elle a des problèmes avec sa copine, des difficultés à considérer une forme de cohérence globale dans son existence.
29:59 Donc, elle va emprunter la voiture de sa désormais ex-copine et prendre la route, elle aussi, vers l'Ouest,
30:05 et donc vers le Nevada, où elle va rencontrer un jeune homme qui s'appelle James,
30:10 très jeune, qui travaille dans un supermarché et qui semble lui aussi être en train de prendre conscience de sa transidentité.
30:16 Et ce que je trouve très réussi dans le livre, c'est que cette forme un peu canonique du road trip,
30:22 le road trip géographique vient prendre le relais du déplacement intime de la transidentité.
30:30 Il est vraiment beaucoup question de mouvement.
30:32 Et d'ailleurs, moi, ce que j'ai adoré dans le livre, c'est toutes les scènes où elle est à vélo dans New York,
30:36 où elle se balade, elle n'a pas de voiture, elle ne prend pas le métro, et donc elle roule comme ça dans la nuit à New York.
30:42 Et je trouve vraiment très très beau cette manière de raconter la transidentité
30:48 comme un mouvement qui est à la fois physique et géographique, et intime et intérieur.
30:53 - Elisabeth Philippe, un mot ?
30:54 - Non, je voulais juste rebondir, puisque vous cherchiez désespérément une tendance, peut-être, cachée dans cette rentrée.
30:59 S'il y en a une, moi, qui m'a sauté aux yeux, c'est...
31:02 - Enfin, vous allez nous la révéler !
31:03 - Oui, je vais vous la révéler.
31:05 C'est la présence inédite d'auteurs et d'autrices transgenres,
31:09 qui ne publient pas forcément tout sur la transidentité,
31:12 mais je peux citer Kim de l'Horizon, "Être pourpre", chez Julliard, qui a un livre d'une originalité complètement folle.
31:19 Moi, je n'ai jamais lu ça, c'est magnifique, vraiment.
31:23 Ouvrez-le, parce que c'est une pure curiosité, et c'est très très beau.
31:26 Il y a également l'espagnol Alana S. Portero, "La mauvaise habitude", chez Flamarion.
31:31 Une écrivaine danoise aussi, Madame Nielsen.
31:33 Ce sujet, qui est au cœur de violents débats actuellement,
31:37 et aussi au cœur de la littérature,
31:39 et la littérature, encore une fois, permet de s'approprier ce sujet,
31:44 en tout cas d'y plonger d'une manière beaucoup plus intime, intelligente, posée, nuancée.
31:50 - Et puis, le dernier livre de cette sélection, c'est un livre de Sylvain Prud'homme,
31:56 c'est "L'enfant dans le taxi", aux éditions de Minuit.
31:59 Quelques mots sur cet ouvrage, Marie Richeux.
32:02 - Alors, tout commence par ce qu'on pourrait appeler une sorte de scène primitive.
32:05 On est à la campagne, une jeune femme allemande, une grange, un jeune homme français,
32:09 beaucoup de désir, les deux qui font l'amour, sans parler la même langue,
32:12 mais en y prenant manifestement beaucoup de plaisir.
32:14 Et puis débarque le narrateur, qui d'emblée nous dit qu'il ne sait pas, en fait,
32:18 si cette scène a eu lieu, ou en tout cas, si elle a eu lieu comme ça.
32:21 D'une certaine manière, il nous dit qu'il n'y a pas accès.
32:24 Et dorénavant, on entendra parler de la jeune fille comme étant l'inconnue du lac de Constance,
32:30 et du jeune soldat français comme étant le grand-père du narrateur.
32:33 Tout commence autrement, après cette scène d'ouverture, à l'enterrement du grand-père,
32:37 autrement dit Malouchfi, et au moment où surgit ce qu'on appelle un secret de famille,
32:42 à la faveur de plein de choses que je ne vais pas dévoiler là.
32:45 D'un seul coup, le narrateur se dit qu'il a un fil à tirer.
32:48 Il dit qu'on est tous des chiens et qu'il lui faut un os à ranger.
32:52 Donc, il se lance dans une quête.
32:54 Il va à la recherche de l'enfant qui a été conçu ce jour-là
32:57 par la jeune fille allemande et le jeune soldat français.
33:00 Cette quête va prendre plein de formes.
33:03 Il est très intéressant de la suivre, et on aime la suivre notamment
33:06 parce que Sylvain Prudhomme a une langue toujours si savoureuse,
33:10 à plein d'élans de vitalité et en même temps de grande mélancolie.
33:14 Mais il est aussi intéressant de la suivre parce qu'il l'a fait au moment
33:18 où il se sépare de la mère de ses enfants.
33:20 Et donc, c'est en parallèle l'idée de trouver ce fils caché
33:24 et de trouver peut-être une nouvelle route pour lui dans l'amour.
33:28 De s'interroger sur ce que c'est qu'un amour qui tient.
33:31 Un amour qui tient peut-être même sans être vécu.
33:34 Un amour qui tient la route.
33:35 Il aurait pu poser la question à François Bégaudot également.
33:38 Mais vous allez lui poser la question tout à l'heure.
33:41 Tout à l'heure, pas tout de suite. Le 19 septembre.
33:45 Il est l'invité du Book Club.
33:47 Il est l'invité du Book Club, comme Maria Pourchet d'ailleurs,
33:50 qu'on va retrouver dans le Book Club le 18 septembre.
33:53 Également, un mot, Oriane Delacroix peut-être toujours sur l'enfant dans le taxi.
33:59 Oui, comme le disait Marie, ce qui est très beau, c'est effectivement le lien aussi
34:04 avec le lien entre la recherche de ce parent perdu et lui, sa séparation.
34:09 Et en fait, c'est aussi une réflexion sur qu'est-ce que c'est qu'une famille,
34:12 comment on fait famille.
34:13 Comment on prend une nouvelle place, possiblement.
34:15 Exactement. Et moi, ce qui me frappe toujours chez Sylvain Prudhomme,
34:18 c'est comment cette douceur, ce côté écrit très par en dessous,
34:21 en fait, s'imprime et reste longtemps.
34:24 Merci mes camarades, Jérôme Garcin, Elisabeth Philippe pour L'Obs,
34:29 Arnaud Laporte, producteur de l'émission Affaires culturelles à 19h,
34:33 Oriane Delacroix, programmatrice au Book Club,
34:37 Marie Richeux, le Book Club aujourd'hui.
34:39 Alors, qui va-t-on entendre ?
34:41 Aujourd'hui, c'est le centenaire Pérosse.
34:43 On va parler de la poésie de Pérosse, notamment Miossec.
34:47 On va parler de sa correspondance avec Paché et de la reparution d'Inédit
34:51 et de l'écriture de Pérosse de manière générale.
34:53 Vous retrouvez toute cette sélection, bien sûr, dans L'Obs et sur le site de France Culture.
34:59 Demain, on déballe, vendredi, la bibliothèque de Dominique Blanc.
35:02 Vous nous direz le lundi, mais un autre jour, parce que là, il est 8h44.
35:07 Et mes camarades vont bientôt s'élancer pour les deux nouveaux rendez-vous,
35:12 Un Monde Connecté et Le Regard Culturel.