Anne Fulda reçoit Franz-Olivier Giesbert pour son livre «Histoire intime de la Ve République Tome 3 : Tragédie française» dans #HDLivres
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00:00 - Bienvenue à l'heure des livres, François-Olivier Gisbert.
00:02 - Bonjour Anne Fulta.
00:03 - Bonjour. Alors on ne vous présente pas, journaliste, grand journaliste.
00:07 Passé par Le Nouvel Observateur, Le Figaro, Le Point, où vous êtes éditorialiste, romancier également.
00:13 Et vous venez de publier le troisième tome de votre histoire intime de la Ve République,
00:17 qui s'appelle Tragédie française. C'est paru chez Gallimard.
00:21 Et c'est non seulement instructif, c'est aussi savoureux, c'est truculent, c'est gourmand, c'est universel, c'est personnel.
00:27 Mais c'est aussi, il faut bien dire, désespérant. Parce que, vous le dites dès le début, depuis Mitterrand, finalement, ce n'est qu'une lente dégringolade.
00:36 Tous les présidents ont été des débolisseurs, écrivez-vous.
00:41 Et si on peut parler de délicatesse, on peut même parler de décadence, dites-vous, en vous appuyant sur les propos de Châteaubriand.
00:48 C'est un peu noir comme tableau, quand même.
00:51 - Quand je cite les propos de Châteaubriand, il y a une part d'ironie, comme vous l'avez compris.
00:55 C'est qu'on parlait déjà de décadence et de déclin français depuis très longtemps.
00:59 Et moi, je ne fais pas partie des déclinistes, c'est que je ne pense pas que c'est foutu, la France.
01:03 Comme disait De Gaulle, d'abord, elle nous enterrera tous. Et puis, elle n'est jamais finie, elle ne sera jamais finie.
01:09 Donc, simplement, si on regarde bien les choses, c'est sûr que ça ne va pas.
01:13 Mais je pense qu'on n'a peut-être pas encore touché le fond.
01:16 Il faudra peut-être qu'on descende encore quelques marches avant de se réveiller et puis que ça reparte.
01:20 Parce que si vous regardez bien cette trilogie, c'est comme une pièce de théâtre.
01:25 Il y a le premier acte. Le premier acte, c'est le sursaut avec le général De Gaulle en 1958.
01:32 Il prend comme ça une France qui est par terre. Il la ramasse, disons.
01:36 Il refait tout en quelques mois. Tout repart sur le plan économique.
01:40 Il fait un plan de rigueur maus et qui fait que nous aurons une croissance de 5%, 6% à la fin des années 60.
01:49 Enfin bref, tout repart. Et après, ses successeurs, c'est l'acte II, la Belle Époque, le tome II.
01:56 Ben là, ils gèrent, disons. Ce sont les assassins du général et en même temps, c'était ces dauphins.
02:02 Enfin, je veux dire, ils ont appris à travailler avec le général.
02:04 - Il maintient quand même le niveau. - Voilà. Pompidou et Giscard.
02:07 Ça continue. Giscard qui a affronté les chocs pétroliers, c'est autre chose que le Covid ou que les Gilets jaunes,
02:13 qui sont de la roupite centenaire à côté.
02:15 Les deux énormes chocs pétroliers, et surtout le premier, 1973, c'est très dur.
02:21 Et ça repart quand même avec beaucoup de chômage, beaucoup de difficultés.
02:26 Et à partir de 1981, troisième acte. Il y aura peut-être un quatrième acte.
02:32 Le troisième acte, c'est Mitterrand qui arrive et puis on va tout dépenser.
02:37 Ça va repartir. Ideologie profondément débile.
02:40 Moi, j'aime beaucoup Mitterrand. Je ne m'en cache pas. C'était quelqu'un de profond, de cultivé, etc.
02:47 Mais disons, ce n'est pas à lui qu'il fallait confier les économies de la France,
02:50 puisque voilà, il a été très dispendieux, comme d'autres présidents d'ailleurs, plus récents,
02:54 si vous voyez ce que je veux dire. Enfin, même peut-être actuel.
02:56 Dans la galerie de portraits que vous faites d'ailleurs, c'est vrai que Mitterrand, vous dites,
03:00 c'est celui qui a le plus de culture, de charme, d'ampleur.
03:03 Oui, attention, De Gaulle est en concours, il ne faut pas oublier.
03:05 Et Giscard et Pompidou, j'en ai parlé avant.
03:08 Oui, mais là, ce que vous écrivez aujourd'hui, dans ce troisième tome,
03:11 en fait, il vous fascine un peu quand même, Mitterrand.
03:13 Et d'ailleurs, vous racontez dans son délectation, qu'il vous a proposé de prendre le PS, le Parti Socialiste.
03:20 Ça aurait été quelque chose.
03:22 Oui, je lui ai dit, parce que c'était drôle, à l'époque, j'étais au Figaro, et peut-être aussi au Figaro Magazine.
03:28 Non, je n'étais qu'au Figaro, où j'étais très heureux d'ailleurs.
03:33 Et je lui ai dit, mais c'est ridicule, j'ai quand même une partie du cerveau qui pense très à droite, depuis toujours.
03:39 Vous m'avez toujours traité de droitier, puis au Figaro, mais c'est ridicule.
03:43 Et là, il me dit, pour que ça, je raconte l'anecdote, ce n'est pas à cause de la proposition qui m'a été faite,
03:48 c'est pour montrer l'esprit de Mitterrand en permanence, le recul qu'il n'avait pas rapport à lui-même.
03:52 Après, je lui ai expliqué que c'était impossible.
03:55 Il me dit, et moi alors ?
03:57 Et moi, oui, ça, c'est effectivement tout à fait ça.
03:59 Ça, c'est Mitterrand qui était quand même... Enfin bref.
04:03 Moi, le problème, c'est... D'abord, il ne me fascine pas.
04:06 Disons que c'est différent. Je l'aime.
04:09 Mais en même temps, on ne s'est pas parlé pendant sept ans, le premier septembre.
04:13 Pendant dix ans, on ne s'est pas dressé la parole, parce qu'il trouvait que j'écris...
04:17 C'est normal, je faisais des papiers pour rentable sur sa politique économique.
04:21 Bon, après, disons, sa politique économique, ça s'est un peu arrangé.
04:24 On ne peut pas dire, d'ailleurs, que ça s'est vraiment arrangé,
04:26 parce que ce n'est pas son truc, l'économie.
04:28 Et à partir de Mitterrand, tout se casse la gueule,
04:32 et que ce soit la droite ou la gauche.
04:34 Chirac fait des efforts, attention. La première cohabitation...
04:36 - Vous crompez assez tendrement, même si vous reconnaissez ses erreurs.
04:39 - Il n'a pas fait grand-chose, c'est le moins qu'on puisse dire.
04:42 Mais entre 1986 et 1981, quand il est Premier ministre, il bosse, il fait des trucs.
04:46 Et on voit très bien, quand on regarde les chiffres avec un peu de hauteur,
04:49 il y a eu du travail.
04:51 Mais il n'y est pas arrivé, parce qu'il s'est fait battre par Mitterrand en 1981.
04:55 Mais après, ça descend tout sans se faire.
04:57 Et que ce soit Balladur, tout le monde, c'est plutôt compliqué.
05:01 - C'est une somme un peu plus dure que c'est ce que je peux dire.
05:04 Il y a Balladur, Fabius...
05:06 - Il a essayé, mais il y en a d'autres qui ont réussi, d'ailleurs, en le faisant.
05:10 C'est-à-dire qu'il a fait des chèques pour se faire réunir.
05:12 Macron a fait la même chose.
05:14 Mais c'est pour dire que Macron, c'est une sorte de Balladur qui a réussi.
05:18 C'est-à-dire qu'il a trahi son chef, qui était Hollande.
05:22 Balladur a trahi Chirac.
05:24 Enfin, il n'y est pas arrivé, il a fait des chèques, mais les Français n'ont pas marché.
05:28 C'est une tranche de vie, c'est une tranche d'histoire.
05:32 Et effectivement, traitée de manière parfois un peu drôlatique.
05:36 En même temps, parce que moi, je ne suis pas pessimiste.
05:40 Je ne pense pas que c'est fini.
05:41 Ce n'est pas fini, la France.
05:42 - Alors, ce n'est pas fini, mais l'émission est finie.
05:45 Mais on vous écouterait pendant des heures.
05:47 Ça s'appelle "Tragédie française".
05:49 C'est paru chez Gallimard.
05:50 Merci beaucoup, François-Olivier Gisbert.
05:52 - Merci.
05:54 [Musique]
05:58 [SILENCE]