Mardi 7 mai 2024, SMART IMPACT reçoit Maïssa Zard (fondatrice, Loyal.e) , Nadia Hoyet (architecte) et Hugo Valentin (PDG, Edonia)
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00:08 Bonjour, bonjour à toutes et à tous. Bienvenue, c'est Smart Impact, l'émission des entreprises à impact positif.
00:15 Et voici le sommaire. Mon invitée, c'est Maïs Hazard, la fondatrice de Loyal, une joaillerie qui vend des bijoux à base de diamants de laboratoire
00:24 et d'or recyclés dans le Zoom de l'émission. On parlera de la transition environnementale du secteur du bâtiment, architecture durable, matériaux biosourcés,
00:33 acier, béton vert. On verra quelles sont les meilleures options. Et puis dans notre rubrique consacrée aux startups éco-responsables, vous découvrirez Edonia
00:42 et ses ingrédients protéinés à base de micro-algues alternatives à la viande pour l'industrie agro-alimentaire. Joaillerie, architecture,
00:50 alimentation, trois secteurs qui se transforment. 30 minutes pour les explorer. C'est parti.
00:55 [Musique]
01:02 L'invité de Smart Impact, c'est Maïs Hazard. Bonjour.
01:05 Bonjour.
01:06 Bienvenue. Vous êtes la fondatrice de Loyal, marque de joaillerie que vous avez créée en 2021. Avec quelle idée, quel principe aussi ?
01:13 Tout à fait. Alors, la particularité de Loyal, c'est que tous nos bijoux sont fabriqués à la main à Paris avec de l'or recyclé, dit Buccarat,
01:22 et des diamants qui sont créés en laboratoire.
01:24 Donc ça, c'était vraiment l'idée de départ, la volonté or recyclé, diamant de laboratoire ou diamant de synthèse. On peut utiliser les deux appellations.
01:32 On va explorer ces deux filières. Je commence avec l'or recyclé. Quand on dit or recyclé, il vient d'où, cet or ?
01:39 Alors, l'or recyclé qu'on utilise provient de deux sources différentes. D'une part, il y a des anciens bijoux qu'on va récupérer. On va fondre cet or-là pour l'utiliser.
01:50 De l'autre, il y a les puces qu'on retrouve dans les déchets électroniques, donc les smartphones, les tablettes, les ordinateurs.
01:55 Ils ont toutes une petite puce en or à l'intérieur. Donc on va récupérer cet or-là pour le recycler.
02:01 L'avantage de l'or, c'est que c'est un métal précieux qu'on peut recycler à l'infini sans compromettre sa qualité.
02:06 Et ça permet d'éviter les conditions écologiques de l'extraction minière.
02:11 Est-ce qu'il y a un label ou une certification autour de l'or recyclé ?
02:15 Alors, il y a différents labels. Nous, pour le coup, loyal à la certification Bicorp.
02:23 Donc, il ne prend pas uniquement…
02:25 C'est une certification générale ?
02:26 Tout à fait, exactement.
02:27 Pour toutes les entreprises ?
02:28 Oui, c'est une certification générale. Après, notre or est certifié RGC-COQ, c'est-à-dire qu'il a une traçabilité responsable tout au long de la chaîne de valeur.
02:38 RGC pour Responsable Jewelry Council, c'est une sorte de certification. Est-ce que c'est compliqué à obtenir ? Ou est-ce qu'on s'inscrit ? Comment ça marche, en fait ?
02:47 Alors, oui. Tous ces labels-là, certains sont plus difficiles à obtenir que d'autres.
02:53 On passe par des process d'interview, d'investigation pour montrer à avoir des certificats, montrer un peu la provenance, les différentes étapes du processus,
03:05 que ce soit pour l'or comme pour nos diamants ou pour notre fabrication aussi.
03:10 Mais vous, ça vous garantit aussi que l'or que vous utilisez, il est bien recyclé ?
03:14 Tout à fait, exactement.
03:15 C'est une promesse que vous faites à vos clients ou à vos clientes, et donc, il faut que vous en ayez la certitude.
03:20 Exactement.
03:21 Est-ce que cette filière de l'or recyclé, elle est mature ? Ou est-ce qu'elle reste encore à construire ?
03:28 C'est encore quelque chose de très nouveau, aujourd'hui, le recyclage de l'or.
03:33 Chaque année, malheureusement, il y a une quantité astronomique d'or qui est toujours extraite des mines, alors qu'on utilise beaucoup moins, en réalité.
03:44 C'est un stock mondial existant qui est déjà assez conséquent, et donc, on n'a pas besoin d'avoir recours à l'extraction minière.
03:53 Aujourd'hui, le recyclage de l'or, c'est quelque chose qui n'est pas encore très développé.
03:59 Il faudrait que de plus en plus de marques s'y mettent parce que c'est une vraie solution et de vrais enjeux, aujourd'hui.
04:06 Il y a ce concept de mine urbaine dont on a parlé déjà dans cette émission.
04:11 C'est ce que vous décriviez tout à l'heure, c'est-à-dire nos smartphones, nos tablettes, nos ordinateurs.
04:16 Mais là aussi, il y a plein de matériaux à récupérer, de métaux rares. L'or en fait partie.
04:23 Cette filière, elle grandit parce que vous n'êtes pas les seuls en Jouaherie à être intéressés par cette filière.
04:28 Oui, elle grandit. Heureusement, aujourd'hui, avec les fondeurs, par exemple, avec qui on travaille,
04:34 on sait qu'ils reçoivent de plus en plus de demandes, d'autres maisons de Jouaherie, pour de l'or recyclé.
04:41 Par exemple, avant, il y a trois ans, on devait attendre un peu plus longtemps pour recevoir nos fonds en or
04:49 parce que, par exemple, les fondeurs, pour le recycler, ne fondaient qu'une fois par semaine ou une fois par deux semaines.
04:56 Ils attendaient d'avoir suffisamment d'or à recevoir.
04:57 Tout à fait, exactement. Et là, on commence à avoir des fonds beaucoup plus réguliers.
05:00 Et heureusement, ça montre que l'industrie progresse.
05:03 Oui, c'est effectivement bon signe. L'autre filière, c'est le diamant de synthèse ou diamant de laboratoire.
05:09 Déjà, peut-être une question de principe. Pourquoi vous refusez les diamants traditionnels ?
05:14 Alors, j'ai voulu créer l'OIL pour offrir une alternative à l'extraction minière, à son impact écologique et à ses conditions de travail.
05:24 Malheureusement, aujourd'hui, il y a beaucoup de points au niveau de l'industrie minière qui sont négatifs à cet égard-là.
05:34 Par exemple, pour extraire seulement un carat de diamant de mine, un carat, c'est ce que je porte là, il faut déplacer plus de 250 tonnes de terre pour une pierre qui fait cette taille-là.
05:47 Donc c'est assez énorme. Aujourd'hui, malheureusement, l'industrie minière est une des premières sources de la déforestation.
05:55 Et l'impact sur les populations et les trous qu'on crée pour faire ces mines-là, c'est assez triste, malheureusement, pour l'environnement.
06:10 Donc pour toutes ces raisons-là, j'ai voulu travailler avec des diamants de synthèse, des diamants de laboratoire, pour offrir une alternative à celles et ceux qui le souhaitent.
06:18 Comme par exemple, moi, à l'époque, quand je cherchais ma brique de fiançailles, c'était le déclencheur de la création de l'OIL.
06:26 Je cherchais ma bague et je n'étais pas à l'aise avec l'idée d'avoir un diamant de mine, justement parce que je ne pouvais pas avoir une garantie sur l'impact qu'il y avait derrière.
06:38 Et je me disais que cette bague-là, qui est supposée symboliser quelque chose de très beau, de très pur, de me dire que derrière, ce n'est pas toujours si beau que ça ou si pur que ça, je trouvais ça un peu dommage.
06:49 Et j'ai découvert cette incroyable innovation qu'est le diamant de synthèse et je me suis allée à la recherche de bagues de fiançailles avec des diamants de synthèse.
06:58 Et donc vous vous êtes dit, allez hop, je crée mon entreprise. Diamants de laboratoire, c'est l'une des appellations.
07:04 Comment sont-ils produits et, vous allez me voir venir, avec quelle quantité d'électricité pour produire un diamant ? Parce que ça pose des questions sur le bilan carbone du diamant de synthèse.
07:13 Alors, le diamant de synthèse est un vrai diamant. Il possède les mêmes propriétés physiques, chimiques et optiques.
07:20 Un diamant de mine, c'est quoi ? Un diamant de mine, c'est 99,9% de carbone pur. Ça se forme à 200 km sous la terre grâce à des conditions spécifiques de haute température et de pression.
07:30 Et aujourd'hui, grâce à une technologie de pointe, on va répliquer ces mêmes conditions-là dans un laboratoire.
07:36 Donc, le laboratoire va mettre là du carbone, de la haute température, de la haute pression, on obtient une pierre qui a les mêmes propriétés physiques, chimiques et optiques.
07:42 Aujourd'hui, ils ont les mêmes certificats d'authenticité de chez IJI ou IID ou GIA. Et ce qui est assez fascinant, c'est qu'on n'a aucun contrôle sur ce qu'on va obtenir.
07:54 Donc, aujourd'hui, ce qui fait la rareté dans diamants, c'est le fait que chaque diamant est unique. Non, tout à fait.
08:00 Et même avec les diamants de laboratoire, on ne sait pas ce qu'on va obtenir. Chaque pierre reste unique.
08:05 On a des pierres qui peuvent être toutes petites, plus grosses, de belles qualités, de mauvaises qualités.
08:11 Donc, on a toujours cet élément de rareté qui est préservé.
08:15 Et la question de la quantité d'électricité nécessaire.
08:18 Alors, le diamant de laboratoire requiert 7 fois moins d'eau et produit 20 fois moins de CO2 que le diamant de mine, que l'extraction minière.
08:28 Alors, on a besoin d'énergie, bien évidemment, pour produire ces diamants en laboratoire.
08:32 D'une part, de toute façon, même pour l'extraction minière, on a besoin de l'énergie.
08:36 Mais pour le diamant de laboratoire, c'est 20 fois moins.
08:39 Donc, c'est déjà assez énorme.
08:41 En plus de ça, nous, on travaille avec un laboratoire aux États-Unis qui est partenaire et qui utilise de l'énergie verte et de l'énergie renouvelable
08:49 pour la fabrication de ces diamants-là et qui est certifié neutre pour le climat.
08:54 Ça dépend effectivement du partenaire.
08:55 S'il est situé en Chine ou en Pologne où on fabrique de l'électricité à partir de centrales à charbon, ça ne va pas être exactement le même.
09:01 Comme dans toute industrie, en fait, il y a des partenaires qui suivent des pratiques responsables et d'autres non.
09:07 Vous l'avez évoqué rapidement, mais c'est un élément important, le fait d'être certifié Bicorp.
09:12 Parce qu'on en parle souvent dans Smart Impact, c'est une certification qui n'est pas si simple à obtenir.
09:19 C'était un souhait dès le départ quand vous avez créé l'entreprise ?
09:22 C'était un souhait dès le départ.
09:24 On a travaillé pendant à peu près un an et demi pour obtenir cette certification-là.
09:29 C'était très important pour nous parce que c'est une certification qui ne prend pas uniquement en compte nos responsabilités
09:37 et les initiatives qu'on met en place au niveau environnemental,
09:41 mais aussi qui prend en compte tout ce qu'on met en place au niveau de nos responsabilités sociales,
09:49 de nos responsabilités envers nos partenaires, envers nos clients.
09:52 C'est vraiment une vision 360 des responsabilités et des engagements d'une entreprise et d'une société.
10:00 C'est un travail qu'on fait au quotidien avec nos partenaires.
10:05 C'était très important pour nous parce qu'aujourd'hui, il y a énormément de greenwashing.
10:10 On retrouve beaucoup sur les réseaux sociaux de marques qui disent qu'on est écoresponsable.
10:16 Mais qu'est-ce que ça veut dire être écoresponsable ?
10:18 Qu'est-ce que vous utilisez comme matériaux ? D'où est-ce qu'ils proviennent ?
10:22 Quelle est votre chaîne de valeur ? Qu'est-ce que vous mettez en place pour la communauté, pour vos clients ?
10:27 Pour nous, avoir cette certification-là, c'est un peu une sorte de récompense pour tous les efforts qu'on met.
10:42 Surtout quand on voit face à nous beaucoup de greenwashing, de se dire qu'en fait, nous, on a toutes ces démarches-là et elles sont réelles.
10:50 Et cette certification, il faut continuer de maintenir le niveau d'exigence pour la conserver.
10:56 Exactement.
10:57 Donc c'est aussi un défi.
10:58 Exactement. Ce n'est pas vraiment un truc ponctuel.
11:01 Non, et ce n'est pas pour toute la vie de l'entreprise. Merci beaucoup Maïs Hazard et à bientôt sur BISmart.
11:05 Merci à vous.
11:06 On passe à notre débat Zoom sur l'architecture durable.
11:09 [Musique]
11:15 Le Zoom de Smart Impact. Je vous présente mon invité Nadia Ouillet. Bonjour.
11:20 Bonjour.
11:21 Bienvenue. Vous êtes architecte, professeure émérite de l'École nationale supérieure d'architecture de Versailles dans le domaine des matériaux et du développement durable.
11:28 Vous avez d'ailleurs publié un livre sur ces matériaux et architecture durable aux éditions du Nau.
11:34 J'ai retenu un chiffre pour démarrer, pour informer nos téléspectateurs sur la part de la consommation d'énergie en France due aux bâtiments.
11:42 C'est 44% premier secteur en matière de consommation d'énergie.
11:47 Mais il y a évidemment tout ce qui concerne aussi la production, la construction des bâtiments.
11:54 Je vais commencer par une question toute simple. La réponse n'est pas forcément évidente.
11:57 C'est quoi votre définition de l'architecture durable ? Ça veut dire quoi pour vous ?
12:01 Je vais vous répondre simplement. C'est celle qui a le moins d'impact environnemental.
12:06 Aussi bien, comme vous l'avez dit, au niveau de son fonctionnement quotidien que dans son élaboration au moment de sa construction.
12:15 Ça, je pense qu'on aura le temps de le détailler.
12:18 Bien sûr, on va détailler ça.
12:19 Pour faire image, on pourrait prendre un archétype de l'habitat, on va dire l'habitat durable qui est le plus durable.
12:28 C'est celui qui est construit avec le bois de la forêt d'à côté ou avec la terre qu'on a sous nos pas et avec la seule énergie humaine.
12:39 Alors ça, il y a encore des habitats qui sont construits comme ça par certains paysans, par certaines peuplades.
12:46 Mais évidemment, l'accroissement démographique nécessite qu'on construise autrement.
12:53 Avec effectivement des matériaux, des défis, comme vous le dites, des bâtiments de plus en plus grands pour loger de plus en plus de monde.
13:02 Et ça complique effectivement l'équation de départ.
13:06 Je vais parler réglementation pour démarrer avec cette RE20/20, réglementation environnementale qui incite à utiliser des matériaux, des matériaux bas carbone.
13:15 Ces règles s'appliquent depuis janvier 2022 dans les bâtiments neufs. Est-ce que ça change vraiment la donne pour vous ?
13:22 Oui, alors il faut peut-être la resituer dans le contexte réglementaire.
13:25 En fait, cette réglementation RE20/20 a été précédée de réglementations qui s'appelaient RT 2005 et RT 2012.
13:35 RT, c'était réglementation thermique, c'est-à-dire qu'on demandait aux bâtiments d'avoir un fonctionnement thermique et énergétique contraint.
13:47 Là, on définissait 2005, ça a été une chose, puis 2012, plus dure, et avec d'autres critères.
13:55 Réglementation environnementale, ça veut dire quoi ? C'est plus global ?
13:58 Là, c'est une réglementation énergétique, oui, c'est ça, qui tient compte de l'énergie qu'il y a dans les matériaux de construction.
14:10 C'est-à-dire que quand vous construisez, vous devez donner un bilan énergétique des matériaux qui entrent dans la construction.
14:20 Cette énergie qu'on appelle énergie grise peut être énorme pour certains matériaux, et c'est celle-là qu'il faut tendre à diminuer.
14:27 Et alors donc, on va chercher des matériaux qui sont des matériaux biosourcés, par exemple.
14:33 Alors, on prépare une émission, biosourcés, géosourcés.
14:36 Donc là, déjà, il y a des différences qui sont peut-être un peu compliquées. On fait de la pédagogie aujourd'hui.
14:40 Matériaux biosourcés, c'est quoi ? C'est le bois, par exemple ?
14:43 C'est le matériau qui pousse, oui, c'est ça. C'est le bois, c'est la paille, c'est le chanvre, c'est le lin.
14:49 Ce sont des matériaux qui absorbent du CO2 en se constituant.
14:55 Donc ça, c'est assez précieux. Bon, si après, il y a besoin d'un peu d'énergie pour les transformer, pour qu'ils entrent dans le bâtiment.
15:04 Un autre matériau qui est assez faible, qui a un impact carbone assez faible, ce sont les matériaux qu'on sort du sol,
15:12 sans trop les transformer pour les mettre en œuvre.
15:15 Donc c'est la terre, la terre crue. On aura peut-être l'occasion d'en parler un peu plus. Et puis la pierre aussi.
15:21 Donc ça, c'est ce qu'on appelle les matériaux géosourcés ?
15:23 Ce sont les matériaux géosourcés.
15:25 La terre crue, ça veut dire quoi ? On construit en terre crue ?
15:27 Absolument. Il y a un laboratoire Crater, situé à Grenoble, qui depuis plusieurs décennies fait des recherches sur le sujet.
15:39 Il disait que 30% de la population globale du monde habite dans une maison en terre crue.
15:47 Donc effectivement, elle est présente dans l'habitat mondial.
15:50 Bon, alors là, peut-être que la donne a un peu changé, parce que cette étude est un peu lointaine.
15:55 Mais il y a aussi 15% de l'habitat traditionnel paysan en France qui est en terre.
16:03 Oui, donc c'est pas... J'étais en train de me dire "oh, mais ça concerne d'autres pays, d'autres civilisations, d'autres sociétés".
16:11 Ça existe en France aussi ?
16:12 Oui, oui.
16:13 Terre crue, pourquoi on dit terre crue ? C'est de la terre.
16:15 C'est de la terre, c'est de la terre, mais elle n'est pas cuite.
16:17 Ok, très simplement.
16:19 La différence entre une brique de terre crue qu'on appelle adobe et la brique de terre cuite, c'est 1000 degrés.
16:27 Et donc de l'énergie, et donc un bilan carbone qui est évidemment pas du tout le même.
16:31 Voilà, c'est ça.
16:32 Alors, de la même façon, les termes "acier vert" ou "béton vert", quand je les prononce, je me dis "c'est un oxymore", il y a une contradiction dans les termes.
16:41 Donc on peut quand même faire baisser le bilan carbone de l'acier ou du béton ?
16:46 Oui, oui.
16:48 Comment ?
16:49 Et ces deux matériaux majeurs de l'industrialisation vont devoir le faire parce qu'ils sont extrêmement consommateurs à la fois d'énergie pour être produit, et ils dégagent du CO2.
17:05 Leur fabrication même dégage du CO2.
17:08 Et ces deux aspects, dégagement de CO2 et puis consommation énergétique, sont travaillés par les industriels pour être diminués.
17:20 C'est ce qu'on appelle l'acier vert ou le béton vert.
17:23 Est-ce que vous trouvez que l'appellation est un peu exagérée quand même ?
17:28 Non, c'est une façon de dire qu'on va travailler l'acier autrement et qu'il a des qualités, qu'il est un peu décarboné.
17:38 Mais ça va rester beaucoup plus carboné que les matériaux biosourcés ou géosourcés, évidemment.
17:46 Est-ce qu'il y a des contraintes quand même ? Je reviens aux matériaux biosourcés, le bois, la paille, le chanvre, le lin, vous les avez cités.
17:54 Oui.
17:55 Est-ce qu'il y a des contraintes dans leur utilisation ? On ne peut pas les utiliser pour tout type de chantier, de bâtiment ?
18:02 Oui, tout à fait. Finalement, la bonne construction, c'est celle qui emploie le bon matériau au bon endroit.
18:11 C'est certain qu'on ne pourra pas faire une tour de 50 étages en...
18:17 C'est beaucoup, 50.
18:19 Disons 30 étages en terre ou en bois.
18:23 Mais toutefois, les pays du Nord construisent des immeubles de 10 niveaux en bois quand même.
18:30 Donc, c'est vrai que les matériaux biosourcés ont des limites techniques qui ont été dépassées justement par les matériaux de l'industrie.
18:45 Je pense que la grosse limite, elle est mentale.
18:49 C'est-à-dire que s'ils ne se développent pas beaucoup, la terre, par exemple, qui peut permettre de construire beaucoup de choses
18:58 et qui est là en énorme quantité quand vous faites des routes ou des infrastructures, vous sortez beaucoup de terre.
19:07 Et donc là, c'est quelque chose de disponible.
19:10 Et si on ne l'emploie pas, c'est qu'il y a encore des freins.
19:15 Une sorte de blocage mental ou l'impression qu'on revient en arrière dans le temps ?
19:19 Oui, peut-être.
19:21 Et pourtant, il y a une chose rigolote.
19:23 La terre, elle peut être mise en œuvre de beaucoup de façons.
19:27 Mais il y a une façon, c'est de faire du pisé.
19:30 Le pisé, c'est entre deux banches.
19:32 On tasse la terre entre deux banches.
19:34 Ça ne vous fait pas penser au béton coulé entre deux banches ?
19:37 Oui, c'est ça.
19:39 Et aujourd'hui, il y a des gens qui construisent en terre, qui utilisent la technologie du béton,
19:45 c'est-à-dire les banches maintenant en acier, etc., qui se manipulent plus facilement que celles en bois,
19:50 et qui construisent en terre en pisé.
19:53 Voilà, ça ouvre des perspectives.
19:55 On parle de la consommation des bâtiments.
19:57 On essaie de construire des bâtiments.
20:00 Déjà, on peut considérer que c'est mieux de rénover que de détruire et reconstruire.
20:04 Ça, c'est un point de départ.
20:06 On construit des bâtiments avec des matériaux biosourcés, géosourcés, très bien.
20:11 Ensuite, faire en sorte qu'ils consomment peu d'énergie ou même qu'ils en produisent plus qu'ils n'en consomment.
20:18 Ça, c'est vraiment l'architecture durable ?
20:20 Dans les projets d'aujourd'hui, on voit ça de plus en plus ?
20:22 Oui, c'est-à-dire qu'elle est équipée de panneaux solaires ou de chauffe-eau solaire.
20:31 Oui, de géothermie, etc.
20:34 Donc, effectivement, si elle ne consomme presque pas pour se chauffer ou se refroidir,
20:42 parce qu'elle a été bien conçue, bien isolée, etc.,
20:45 et qu'elle a des panneaux solaires sur le toit, elle est à énergie positive.
20:50 C'est ça, ce sont les bâtiments à énergie positive.
20:52 Allez, il nous reste une minute.
20:54 Je voudrais qu'on parle quand même de ce forum mondial "Bâtiment climat"
20:58 qui a abouti à Chaillot le 8 mars, l'adoption par des représentants de 70 pays
21:04 de ce qu'on a appelé la déclaration de Chaillot.
21:07 Beaucoup parlent d'un texte fondateur.
21:09 Oui, ça peut l'être, parce que finalement, c'est une déclinaison des accords de Paris
21:14 sur un secteur de production extrêmement consommateur.
21:17 Donc là, c'est assez fort.
21:21 Bon, alors après, qui fera les réglementations ?
21:25 Si c'est la finance et les lobbies derrière, là, bon, ça ne changera pas trop la donne.
21:31 Mais si ça ouvre aussi à des partages d'expérience,
21:35 et si ça ouvre aux nouveaux récits qu'il faut absolument inventer,
21:39 y compris dans l'architecture, c'est positif.
21:42 Merci beaucoup, on termine là-dessus.
21:44 Merci, Nadiya Oyeh, à bientôt sur Bismarck.
21:46 On passe à notre rubrique "Start-up".
21:49 On parle alimentation avec une alternative à la viande.
21:52 [Musique]
21:58 Smart Ideas, la bonne idée du jour, elle est signée, Hugo Valentin, bonjour.
22:02 Bonjour.
22:03 Bienvenue, vous êtes le fondateur d'Edonia, créée il y a un an, avec quelle idée, donc ?
22:08 L'idée, c'est de trouver les usages alimentaires des micro-algues.
22:11 Chez Edonia, on est vraiment passionné par les micro-algues.
22:13 On a la conviction qu'elles peuvent jouer un rôle intéressant dans la transition protéique qui s'opère,
22:18 que ça peut être un outil formidable pour créer un système alimentaire plus durable.
22:21 Pour trois raisons principales, c'est un aliment qui est très nutritif,
22:25 très bon pour la santé, riche en protéines, en minéraux.
22:27 C'est un aliment qui est durable, on peut le cultiver avec peu d'eau, peu d'énergie, peu de surface au sol.
22:32 Et troisièmement, c'est un aliment qui est déjà disponible.
22:34 On sait le cultiver, c'est autorisé sur le marché.
22:36 Donc pour nous, ça représente une vraie opportunité.
22:38 Il y a quand même besoin d'un petit peu d'innovation pour en faire un aliment
22:41 qu'on peut consommer à grande échelle dans nos assiettes.
22:43 Et c'est précisément là qu'on veut intervenir.
22:45 Donc c'est une alternative à la viande, très clairement, que vous êtes en train de créer.
22:51 Comment on produit cet aliment ?
22:54 Je crois qu'il y a un premier produit qui est baptisé Edo 1.
22:57 Comment vous le produisez ?
22:59 Il faut déjà faire pousser les micro-algues, j'imagine ?
23:02 Absolument. Nous, on travaille avec des cultivateurs de micro-algues,
23:05 dont le métier est de cultiver ces micro-algues.
23:08 Et nous, on est concentrés sur la transformation.
23:10 Aujourd'hui, nous, ce qu'on a identifié comme le vrai frein à résoudre, c'est la forme des micro-algues.
23:14 Elles sont présentées déshydratées, sous forme de poudre verte.
23:17 Donc elles ont un peu du mal à trouver leur place à grande échelle dans les habitudes alimentaires.
23:20 Et nous, on veut résoudre ce problème, et on le fait par la technologie.
23:23 On a développé un procédé unique qui s'appelle l'édonisation,
23:26 qu'on a construit avec les meilleurs scientifiques en Europe,
23:28 et qui nous permet de transformer ces micro-algues brutes en un super ingrédient texturé délicieux
23:34 qui peut en effet venir remplacer la viande hachée, par exemple, dans des préparations.
23:38 C'est vraiment ça le cœur de notre savoir-faire.
23:40 C'est ce procédé de transformation qui nous permet de transformer les algues en un ingrédient délicieux.
23:44 Et c'est ça qui est vraiment unique dans notre proposition.
23:46 Donc avec un travail de recherche, vous êtes accompagné, accéléré, à la fois par AgroParisTech et par Central Superleg, c'est ça ?
23:55 Vous en êtes sorti, vous êtes encore étudiant ? On en est où du projet, en quelque sorte ?
24:00 On est en effet associé avec AgroParisTech, la société domiciliée sur leur loco.
24:06 On a collaboré avec les unités de recherche d'AgroParisTech,
24:11 qui font partie vraiment des meilleurs scientifiques en Europe sur ce sujet, pour co-construire cette technologie.
24:16 Aujourd'hui, on est également accéléré par 21st, l'accélérateur de Central Superleg, en effet,
24:19 pour vraiment nous apporter la connaissance la plus pointue en science pour mener à bien notre mission.
24:27 Donc voilà, on a...
24:29 Vous êtes bien avancé, puisqu'il y a déjà un produit ?
24:31 Il y a déjà un produit.
24:32 Qui est destiné à qui d'ailleurs ? Qui sont les clients d'Edonia, en quelque sorte ?
24:35 Il y a déjà un produit qu'on a vocation à industrialiser, à produire à plus grande échelle.
24:39 Et nos clients, ce sont des acteurs de l'agro-industrie qui vont produire des plats préparés, par exemple,
24:46 et qui ont envie de proposer aux consommateurs une alternative végétale saine, hautement nutritive, qui a bon goût.
24:53 Et c'est ce qu'on leur promet avec notre ingrédient, c'est de proposer une alternative végétale à des plats préparés,
24:59 qui sont même plus nutritives que les versions à partir de boeuf haché.
25:04 Ça veut dire qu'il y a un côté itératif, quand vous dites que ça a bon goût ?
25:08 Vous testez, vous cherchez ? C'est une dimension importante du produit, évidemment ?
25:13 C'est la dimension peut-être la plus importante de notre savoir-faire.
25:17 L'édonisation, notre procédé, il a vraiment trois rôles principaux.
25:20 Le premier, c'est celui-ci. C'est de créer de l'aromatique.
25:23 On arrive à générer des notes fumées, grillées, umamis.
25:28 Notre produit est vraiment très bon.
25:30 Les trois autres rôles, c'est de transformer la couleur, de se décontraindre de la couleur verte des micro-algues,
25:34 qui peut bloquer, surtout quand on le propose en alternative à la viande.
25:37 Et c'est aussi de générer de la texture, c'est ça qui est très nouveau dans notre approche.
25:40 On arrive à créer un grain mouelleux avec une petite mâche souple,
25:44 assez proche finalement de la viande hachée.
25:46 Ce qui fait que ce produit, vous pouvez directement l'intégrer dans une sauce tomate, par exemple,
25:50 et vous avez une bolognaise végétale qui est vraiment délicieuse,
25:53 qui est très bonne pour votre santé et qui est aussi très bonne pour la planète,
25:56 et qui fait que l'impact environnemental est bien plus faible qu'un plat à partir de viande hachée.
26:00 Évidemment, l'objectif général, c'est de réduire la consommation de viande.
26:04 C'est une demande du secteur, de l'industrie agroalimentaire ?
26:07 Ils sont en recherche d'alternatives aux protéines carnées ?
26:12 Absolument, et pour deux raisons principales.
26:15 La première, c'est de, eux, en tant qu'entreprise, de réduire leur impact environnemental.
26:19 Et tous nous disent que remplacer progressivement la viande hachée par des matières végétales
26:24 a plus faible impact environnemental et est un des leviers majeurs pour travailler leur logique RSE
26:29 et diminuer l'impact environnemental de leur entreprise.
26:31 Et la deuxième raison, c'est que c'est une attente du consommateur.
26:34 Le marché des alternatives végétales est en croissance.
26:38 La majorité des consommateurs déclarent vouloir petit à petit végétaliser leur alimentation.
26:42 C'est le cas d'un européen sur deux.
26:44 Et aujourd'hui, pour entrer un petit peu plus finement sur le sujet,
26:47 il y a une attente d'un végétal qui est peut-être moins transformé,
26:51 qui a meilleur goût pour vraiment favoriser cette végétalisation de l'alimentation.
26:55 Il faut travailler sur la qualité et c'est ça qu'on veut.
26:58 Oui, moins transformé, c'est une dimension importante parce qu'on cherche aussi,
27:02 alors là, on est plutôt dans des logiques de santé publique,
27:04 à avoir moins d'aliments ultra transformés.
27:06 Donc, si on remplace la viande par un aliment qui est lui-même déjà transformé,
27:10 vous voyez ce que je veux dire.
27:11 C'est une dimension que vous avez intégrée dans le plan de montée en compétences ?
27:16 Absolument, c'est une dimension qui est très importante.
27:19 Aujourd'hui, le marché tend vers des choses de plus en plus naturelles
27:22 parce que justement, il y a une tension entre l'attente du consommateur,
27:26 qui est de manger plus naturel et plus sain,
27:28 et aujourd'hui, la réalité de la majorité des alternatives végétales à la viande,
27:31 qui sont souvent faites avec beaucoup d'ingrédients.
27:33 Nous, on se démarque vraiment drastiquement à ce sujet,
27:35 puisqu'on n'utilise aucun additif, que ce soit aromatique ou texturant.
27:38 On a vraiment un procédé naturel.
27:40 On utilise uniquement la biomasse de micro-algues
27:43 et par de l'innovation très fine sur le procédé,
27:45 on arrive, comme je le disais, à générer cette aromatique et cette texture
27:49 sans passer par les traditionnelles extractions, extrusions, procédés d'hypertransformation,
27:54 voire par des additifs aromatiques et texturants
27:57 qui sont maintenant de plus en plus décriés et qui ne devraient pas s'inscrire dans la longueur.
28:00 Merci beaucoup Hugo, Valentin et bon vent à Edonia.
28:03 Merci beaucoup.
28:04 Voilà, c'est la fin de ce numéro de Smart Impact.
28:06 Merci à toutes et à tous de votre fidélité à BeSmart,
28:10 la chaîne des audacieuses et des audacieux.
28:12 Salut !
28:13 [Musique]