L’histoire littéraire est jalonnée d’écoles ou de courants, ou pour le moins de regroupements d’écrivains qui s’accordent sur une esthétique et la défendent. Le symbolisme, le naturalisme, les Hussards ou le Nouveau Roman sont quelques-uns de ces courants dont le souvenir est arrivé jusqu’à nous. D’autres ont été avalés par l’Histoire. C’est le cas du populisme qui, avant d’être l’offre politique que l’on connaît, a été un courant littéraire qui a irrigué le roman français durant l’entre-deux-guerres et nous a laissés quelques pépites.
On doit ce mouvement à deux écrivains : André Thérive, le « chef de file », un auteur aujourd’hui oublié mais qui jouissait de son vivant d’une reconnaissance considérable, et Léon Lemonnier, son « théoricien », oublié lui aussi, auteur d’un manifeste publié en 1929 et réédité en 2017 par une petite maison d’édition de qualité, La Thébaïde, qui inaugurait ainsi une collection intitulée « L’Esprit du peuple ».
Dans populisme il y a peuple, et c’est bien vers une représentation du peuple que Lemonnier voulait tirer le roman. Il s’agissait en somme de le replacer au cœur de la création romanesque et de « suivre l’humble vérité » préconisée par Maupassant. Si la littérature des années 1920 proclamait « la faillite du monde extérieur », une nouvelle séquence s’ouvrait à la fin de cette décennie. Le roman quittait « la littérature d’inquiétude » liée aux répercutions psychologiques de la guerre, littérature dans laquelle de « jeunes bourgeois […] rejetés dans leur vie plate après une période d’action brutale et de danger quotidien, cherchaient à se chatouiller l’âme pour se faire frissonner » comme le proclamait le manifeste. Fini l’introspection maladive et la littérature du bizarre, fussent-elle virtuose, Lemonnier plaidait pour une exploration du réel, c'est-à-dire, au fond, pour une littérature réaliste qui puisait dans la grande tradition du roman français. Parmi ces écrivains « populistes » ou « prolétariens » remarquables, il y a Eugène Dabit, Henry Poulaille, Marc Bernard, Louis Guilloux, Panaït Istrati, Pierre Mac Orlan ou Jean Meckert mais aussi Emmanuel Bove, Jean Prévost, Marcel Aymé, Jean Giono, et jusqu’au grand Céline dont Voyage au bout de la nuit, s’il brise tout cadre, n’en est pas moins clairement d’inspiration populiste. Mais il en est d’autres pour qui la postérité n’a pas été aussi généreuse, ceux que la Thébaïde a entrepris de rééditer à la suite du manifeste de Lemonnier : Louis Chaffurin, auteur de Pique-Puce, un « tableau des mœurs des tailleurs lyonnais » datant de 1928 ; la féministe Marcelle Capy qui dans Des Hommes passèrent… (1930) écrit la chronique d’un village du Sud-Ouest durant la guerre de 14-18 ; Jean Pallu qui dans L’Usine (1931) dresse un portrait pudique et pathétique de la condition morale des ouvriers à l’heure du taylorisme ; André Thérive, enfin, le chef de file du mouvement, et son magnifique roman intitulé Anna, qui date de 1932 et a été réédité en 2020.
On doit ce mouvement à deux écrivains : André Thérive, le « chef de file », un auteur aujourd’hui oublié mais qui jouissait de son vivant d’une reconnaissance considérable, et Léon Lemonnier, son « théoricien », oublié lui aussi, auteur d’un manifeste publié en 1929 et réédité en 2017 par une petite maison d’édition de qualité, La Thébaïde, qui inaugurait ainsi une collection intitulée « L’Esprit du peuple ».
Dans populisme il y a peuple, et c’est bien vers une représentation du peuple que Lemonnier voulait tirer le roman. Il s’agissait en somme de le replacer au cœur de la création romanesque et de « suivre l’humble vérité » préconisée par Maupassant. Si la littérature des années 1920 proclamait « la faillite du monde extérieur », une nouvelle séquence s’ouvrait à la fin de cette décennie. Le roman quittait « la littérature d’inquiétude » liée aux répercutions psychologiques de la guerre, littérature dans laquelle de « jeunes bourgeois […] rejetés dans leur vie plate après une période d’action brutale et de danger quotidien, cherchaient à se chatouiller l’âme pour se faire frissonner » comme le proclamait le manifeste. Fini l’introspection maladive et la littérature du bizarre, fussent-elle virtuose, Lemonnier plaidait pour une exploration du réel, c'est-à-dire, au fond, pour une littérature réaliste qui puisait dans la grande tradition du roman français. Parmi ces écrivains « populistes » ou « prolétariens » remarquables, il y a Eugène Dabit, Henry Poulaille, Marc Bernard, Louis Guilloux, Panaït Istrati, Pierre Mac Orlan ou Jean Meckert mais aussi Emmanuel Bove, Jean Prévost, Marcel Aymé, Jean Giono, et jusqu’au grand Céline dont Voyage au bout de la nuit, s’il brise tout cadre, n’en est pas moins clairement d’inspiration populiste. Mais il en est d’autres pour qui la postérité n’a pas été aussi généreuse, ceux que la Thébaïde a entrepris de rééditer à la suite du manifeste de Lemonnier : Louis Chaffurin, auteur de Pique-Puce, un « tableau des mœurs des tailleurs lyonnais » datant de 1928 ; la féministe Marcelle Capy qui dans Des Hommes passèrent… (1930) écrit la chronique d’un village du Sud-Ouest durant la guerre de 14-18 ; Jean Pallu qui dans L’Usine (1931) dresse un portrait pudique et pathétique de la condition morale des ouvriers à l’heure du taylorisme ; André Thérive, enfin, le chef de file du mouvement, et son magnifique roman intitulé Anna, qui date de 1932 et a été réédité en 2020.
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00:23 L'histoire littéraire est jalonnée d'écoles ou de courants,
00:27 ou pour le moins de regroupements d'écrivains qui s'accordent sur une esthétique et la défendent.
00:33 Le symbolisme, le naturalisme, la hussard ou le nouveau roman
00:35 sont quelques-uns de ces courants dont le souvenir est arrivé jusqu'à nous.
00:40 D'autres ont été avalés par l'histoire.
00:42 C'est le cas du populisme qui, avant d'être l'offre politique que l'on connaît,
00:47 a été un courant littéraire qui a irrigué le roman français durant l'entre-deux-guerres
00:51 et nous a laissé quelques pépites.
00:54 On doit ce mouvement à deux écrivains.
00:57 André Thérive, le chef de file, un auteur aujourd'hui oublié
01:00 mais qui jouissait de son vivant d'une reconnaissance considérable.
01:03 Et Léon Lemoynier, son théoricien, oublié lui aussi,
01:08 auteur d'un manifeste publié en 1929 et réédité en 2017
01:13 par une petite maison d'édition de qualité, la Tebaïd,
01:17 qui inaugurait ainsi une collection intitulée "L'esprit du peuple".
01:24 Dans le populisme, bien sûr, il y a peuple.
01:26 Et c'est bien vers une représentation du peuple que Lemoynier voulait tirer le roman.
01:31 Il s'agissait en somme de replacer ce peuple au cœur de la création romanesque
01:36 et de suivre l'humble vérité préconisée par Maupassant.
01:42 Si la littérature des années 1920 proclamait la faillite du monde extérieur,
01:46 une nouvelle séquence s'ouvrait à la fin de cette décennie.
01:50 Le roman quittait, je cite, "la littérature d'inquiétude
01:53 liée aux répercussions psychologiques de la guerre".
01:57 Littérature dans laquelle de jeunes bourgeois,
01:59 rejetés dans leur vie plate après une période d'action brutale
02:03 et de danger quotidien, cherchaient à se chatouiller l'âme
02:06 pour se faire frissonner, comme le proclamait le manifeste.
02:12 Fini l'introspection maladive et la littérature du bizarre,
02:16 fustelle virtuose, le Monnier plaidait pour une exploration du réel,
02:21 c'est-à-dire au fond pour une littérature réaliste
02:24 qui puisait dans la grande tradition du roman français.
02:29 Parmi ces écrivains populistes ou prolétariens remarquables,
02:31 il y a Eugène Dabit, Henri Poulail, Marc Bernard, Louis Guillaume,
02:36 Panaït Istrati, Pierre Macorland, Jean Mekert, mais aussi Emmanuel Bove,
02:41 Jean Prévost, Marcel Aimé, Jean Gionnot et jusqu'au grand Céline,
02:45 dont le voyage au bout de la nuit, s'il brise tout cadre,
02:48 n'en est pas moins clairement d'inspiration populiste.
02:52 Mais il en est d'autres pour qui la postérité n'a pas été aussi généreuse.
02:56 Ceux que la tébaïde a entrepris de rééditer à la suite du manifeste de Le Monnier.
03:01 Il y a Louis Chaffurin, auteur de "Picpus",
03:05 un tableau des mœurs des tailleurs lyonnais qui date de 1928.
03:08 Il y a la féministe Marcel Capi, qui, dans "Les hommes passèrent" 1930,
03:12 écrit la chronique d'un village du sud-ouest de la France durant la guerre de 1914-1918.
03:18 Il y a l'excellent Jean Pallu, qui dans "L'usine", qui date de 1931,
03:22 dresse un portrait pudique et pathétique
03:26 de la condition morale des ouvriers à l'heure du taylorisme.
03:30 Il y a enfin André Terrive, le chef de file du mouvement,
03:34 et son magnifique roman intitulé "Anna", qui date de 1932
03:39 et qui a été réédité par la tébaïde en 2020.
03:43 Figure importante de la vie intellectuelle de l'entre-deux-guerres,
03:46 critique littéraire faisant autorité au temps,
03:49 romancier de première importance dans cette veine populiste,
03:52 intellectuelle tentée dans sa jeunesse par Maurras,
03:55 Roger, putoste à l'État civil, a brutalement disparu des librairies
04:00 au lendemain de sa mort en 1967.
04:03 "Anna" est son premier livre post-mortem.
04:07 L'intrigue se déroule en 1900
04:10 et met en scène une jeune épouse de 21 ans
04:12 et son mari, Édouard Chantiran,
04:14 sergent-chef au 80 Régiment d'Infanterie basé à Tulle.
04:19 Au retour d'une visite à son mari en manœuvre,
04:21 ayant raté son train,
04:23 la jeune femme va être aidée par un voyageur de commerce
04:26 et elle va passer la nuit dans une auberge de Traignac
04:30 avec une bande de joyeuderies
04:32 qui la prennent pour la maîtresse du commerçant.
04:35 Insignifiantes aventures qui se terminent
04:38 par la mort accidentelle du fêtard
04:40 et qui va prendre chez cette cousine de Madame Bovary
04:44 des proportions inquiétantes.
04:46 "Anna" se convainc en effet au fil des semaines
04:49 qu'elle a réellement été la maîtresse de l'homme
04:53 et s'invente une vie à frissonner au risque de se perdre.
04:57 Il serait criminel de dévoiler la suite du roman
05:00 et notamment la seconde partie centrée sur le mari qui rejoint l'Algérie
05:03 et qui lui aussi sera victime de son imagination.
05:06 Notons simplement que tout sonne juste
05:10 dans ce roman très pessimiste
05:12 et notamment les différents tableaux de mœurs
05:15 qui font revivre les petites gens de Corrèze et du Limousin en 1900,
05:20 loin, très loin de la belle époque.
05:22 Sous-titres réalisés para la communauté d'Amara.org
05:25 Sous-titrage Société Radio-Canada