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00:00 [Musique]
00:08 Alors je suis Marianne Kler, je travaille au Centre national des essais spatials depuis 1983
00:17 et je suis accrochée par les affaires du spatial depuis que toute petite, j'avais 10 ans,
00:22 j'ai vu l'homme marcher sur la Lune, donc c'est à ce moment-là que dans ma tête,
00:26 il y a eu un déclic qui s'est produit et j'ai eu envie de participer à cette aventure.
00:31 Alors pas en tant qu'astronaute parce que ça n'a jamais été une de mes envies,
00:36 je préfère le plancher des vaches on va dire, mais en revanche,
00:40 tout ce rêve et cette ambition de mettre de l'humanité m'a beaucoup motivée pour continuer mes études
00:47 et ensuite pour rentrer au Centre national d'études spatiales.
00:50 Donc je suis une mordue du spatial depuis toute petite et je suis loin d'être toute petite maintenant
00:56 et je continue à être mordue du spatial.
00:58 Alors quel a été votre parcours d'étudiante ?
01:02 Alors, j'ai fait un bac scientifique évidemment, ensuite j'ai fait des classes préparatoires,
01:09 j'ai fait une école d'ingénieur, j'ai fait l'EPF avec une spécialisation en aéronautique et spatial
01:16 et voilà, donc un parcours je dirais assez classique d'ingénieur, ni trop ni trop peu.
01:22 Alors quel a été votre parcours professionnel ?
01:27 Et bien donc en 1983, je me suis retrouvée dotée d'un diplôme d'ingénieur et à l'époque,
01:33 on pouvait travailler, il y avait plusieurs offres d'emploi qui s'offraient à nous,
01:38 c'était une période plus faste peut-être qu'aujourd'hui.
01:41 En tout cas, j'ai hésité longuement entre aller chez Dassault pour travailler sur le Rafale
01:45 qui était en cours de développement à l'époque ou venir au CNES,
01:49 mais l'attrait du spatial me tenaillait vraiment et donc je suis rentrée au CNES
01:54 comme ingénieur d'études au début sur les lanceurs à Évry.
01:58 Et puis ensuite, j'ai quitté Évry en 88 pour rejoindre les équipes satellites à Toulouse
02:06 et c'est là où j'ai fait le plus gros de ma carrière, mon parcours professionnel.
02:11 J'ai été successivement responsable des opérations de mise à poste de Spode 2,
02:17 j'ai été en charge de la phase propulsée d'Hermès,
02:22 donc des interfaces entre Ariane 5 et Hermès à l'époque où on parlait de cette navette spatiale.
02:27 Et puis l'issue d'Hermès étant ce qu'il a été, je suis ensuite partie côté projet scientifique,
02:35 donc j'ai été à la tête de pas mal de projets à vocation scientifique d'astrophysique, d'astronomie,
02:41 d'exploration de l'univers, donc on peut citer Intégrale, Microscope, Déméter
02:46 et beaucoup d'autres, Corot sur lesquels j'ai aussi pas mal travaillé.
02:51 Voilà, donc ça, ça m'a conduit à grimper aussi dans la hiérarchie.
02:55 J'ai d'abord été ingénieur d'études, puis ingénieur système, puis chef de projet,
03:00 puis chef de chef de projet, et puis enfin sous-directrice.
03:04 Et là, je suis partie m'occuper des affaires de ballons stratosphériques du CNES,
03:08 encore des missions scientifiques, mais d'observation de la Terre.
03:11 Et ça a été une période très intéressante et très enrichissante,
03:15 puisque c'est une activité tout à fait spécifique au CNES,
03:19 puisqu'on quitte les lanceurs et les satellites, mais on va quand même très haut dans l'atmosphère,
03:24 jusqu'à 40, 45 kilomètres, avec des objets fascinants, parce que c'est des gros ballons,
03:30 qui nous permettent d'emmener jusqu'à une tonne de télescopes au-dessus de l'atmosphère,
03:35 ou quasi au-dessus de l'atmosphère, pas complètement,
03:37 parce que s'il n'y avait plus d'atmosphère du tout, il n'y aurait plus de ballons non plus.
03:39 Voilà, donc j'ai fait ça quelques années, et puis ensuite,
03:43 je suis revenue dans le monde des lanceurs comme directrice adjointe.
03:47 Ça, c'était en 2013, pour m'occuper notamment du dossier Ariane 6
03:52 et de la préparation du dossier Ariane 6 pour la ministérielle de 2014.
03:55 Et puis ensuite, je suis revenue dans le monde des satellites comme directrice.
04:03 Jean-Yves Le Gall, qui était président du CNES à cette époque,
04:08 m'a demandé de monter la direction des systèmes orbitaux,
04:12 qui était donc une nouvelle direction à Toulouse, qui s'occupait du développement des satellites.
04:16 Voilà, et puis au bout de trois ans de cette activité de direction,
04:20 j'ai proposé la direction du Centre spatial guyanais,
04:23 qui était un poste assez emblématique dans mon imaginaire,
04:28 puisqu'en charge du lancement des lanceurs Ariane 5, Ariane Vega, et puis Ariane 6 à venir.
04:36 Donc, quelque chose d'emblématique dans ce que j'avais envie de faire
04:43 en continuité de mes activités professionnelles.
04:47 Avez-vous une rencontre particulière durant votre parcours d'étudiante ou professionnelle
04:52 qui vous a influencées pour vous orienter sur cette très belle carrière ?
04:57 Il y a plusieurs personnes qui ont compté dans mon exercice professionnel,
05:03 mais peut-être j'en citerai deux.
05:05 D'une part, un de mes anciens directeurs de Toulouse,
05:08 qui s'appelait Michel Courtois à l'époque, que peut-être certains d'entre vous connaissent,
05:11 qui était à la retraite depuis quelques années.
05:13 Et alors lui, je ne sais vraiment pas ce qui lui a pris.
05:15 Je lui dis souvent, puisque je continue à le voir.
05:18 Je ne sais pas ce qui lui a pris de nommer chef de projet d'un projet important du CNES,
05:23 une jeune femme qui n'était pas polytechnicienne et qui était encore en âge de faire des enfants.
05:28 Donc, je dirais quand même qu'à cette époque-là, il a pris une espèce de risque,
05:34 je ne sais pas s'il faut dire un risque, mais il m'a fait confiance.
05:37 Puisque c'est lui qui m'a proposé de prendre ce poste.
05:41 Et quand j'y réfléchis encore maintenant, je me dis, mais dans le monde dans lequel on vivait à cette époque,
05:46 qui était très masculin, c'était dans les années 90,
05:51 il m'a vraiment offert une opportunité que j'ai saisie, bien sûr,
05:57 mais qui était quasi inattendue dans le monde dans lequel on vivait,
06:01 en tout cas qui était très surprenante.
06:03 Donc, lui vraiment, il m'a ouvert les portes de la maison.
06:08 Et puis, ce qui a été également déterminant et qui a confirmé,
06:11 conforté ou encore plus ancré mon goût du spatial, ça a été la rencontre des astrophysiciens.
06:18 Là, je ne m'attendais pas à voir des gens aussi passionnés, aussi passionnants.
06:22 Je me souviens beaucoup de missions où on parlait de la création de l'univers,
06:26 ils me faisaient des dessins sur les tables des restaurants en papier.
06:29 Et moi, j'en portais la table du restaurant parce que c'était trop fascinant, trop intéressant.
06:34 Alors ça aussi, si vous voulez, ça m'a donné une espèce de souffle intérieur
06:38 qui m'a porté durant toutes ces années.
06:41 Très bien.
06:43 Alors, pouvez-vous nous présenter la réalisation de trois grands projets actuels d'UPNES
06:49 sur la base de lancement du Centre spatial Guyanais ?
06:53 Alors, trois projets emblématiques ici, je dirais d'abord, il y a la rénovation de la base
07:01 puisque nous avons décidé en 2019 de mener un certain nombre d'actions de rénovation de la base.
07:08 Cette base, elle avait été remise complètement à niveau pour les lancements d'Ariane 5
07:13 à la fin des années 90.
07:15 Donc depuis, effectivement, on n'avait pas fait encore de ce qu'on appelle le grand carénage
07:21 et donc de revisite complète de nos installations et de nos moyens.
07:26 C'est ce qu'on est en train de faire.
07:27 On a démarré ça en 2019 pour une première phase.
07:30 Donc ça, c'est un projet très emblématique qui va toucher un nouveau centre de contrôle
07:34 qui va permettre de gérer plusieurs lancements en parallèle et du coup d'avoir des durées,
07:40 des temps entre deux lancements qui vont être réduits, qui vont passer de 11 jours à 48 heures.
07:45 Donc ça, ça nous permettra d'avoir une base très flexible et donc d'améliorer notre compétitivité.
07:51 On va également améliorer tous nos réseaux, nos réseaux d'eau, nos réseaux d'énergie
07:55 en verdissant cette énergie avec des centrales photovoltaïques, avec, on l'espère,
08:00 des centrales biomasse qui vont venir compléter notre jeu de génération d'énergie.
08:05 Et puis également des rénovations sur nos radars,
08:08 les radars qui sont nécessaires pour la sauvegarde des populations au sol puisqu'ils suivent le lanceur
08:14 pendant les premières phases notamment de la trajectoire
08:17 et ils permettent indépendamment du lanceur de savoir où il est.
08:21 Et donc dans un cas évidemment qu'on ne souhaite pas, mais ça peut arriver,
08:27 on peut pouvoir détruire le lanceur s'il devait quitter sa trajectoire nominale.
08:32 Donc ça, c'est un des projets emblématiques de la base qui occupe beaucoup les ingénieurs actuellement.
08:38 Deuxième projet emblématique, c'est l'arrivée d'Ariane 6 puisque l'année prochaine, en 2022,
08:43 nous allons voir au CSG l'arrivée d'Ariane 6.
08:46 Donc on va inaugurer le pas de tir d'Ariane 6 qui s'appelle le LA-4,
08:50 l'ensemble de lancement numéro 4, il va être inauguré fin septembre.
08:54 Donc on va pouvoir démarrer en suivant de nombreux essais de compatibilité
08:59 entre le lanceur et le pas de tir pour un premier lancement entre mi-2022 et l'automne 2022.
09:07 La date, je ne l'ai pas exactement en tête, mais ça sera dans ces eaux-là.
09:11 Donc ça, c'est le deuxième projet emblématique.
09:13 Puis je dirais qu'on a un troisième projet emblématique aussi au CSG,
09:16 c'est de s'ouvrir à des nouveaux opérateurs de lancement.
09:19 On parle beaucoup des micro-lanceurs qui fleurissent partout en Europe et ailleurs.
09:25 Donc il y a beaucoup de candidats, je ne sais pas s'il y aura beaucoup d'élus,
09:28 mais en tout cas, nous, on discute avec de nombreux industriels,
09:33 de nombreuses start-up de ces micro-lanceurs de façon à ce qu'elles soient séduites
09:38 par les installations du CSG.
09:40 Je crois qu'on a vraiment comme atout dans notre manche le fait qu'on ait une base opérationnelle,
09:45 on peut réaliser 11 à 12 lancements par an de façon régulière.
09:51 On a tous les moyens techniques humains qui sont disponibles sur cette base
09:55 pour réaliser ces lancements en toute sécurité et dans de bonnes conditions de mise en œuvre.
09:59 Donc je crois que par rapport à tout ce qu'on peut trouver ailleurs,
10:02 de gens qui parlent en ce moment, nous, les faits sont de notre côté, je crois.
10:07 Mais c'est pas pour nous de se reposer sur nos lauriers, bien sûr.
10:10 Et on est convaincus aussi que de discuter avec ces nouveaux entrants
10:14 va nous permettre aussi, nous, de revisiter nos façons de faire
10:17 et de nous orienter probablement à faire des méthodes plus compétitives et plus agiles,
10:22 puisque c'est quand même ce que le New Space, je dirais,
10:26 apprend en ce moment à l'activité classique du spatial.
10:31 C'est vrai, oui.
10:33 Alors, que représente le Centre spatial guyanais ?
10:38 Combien, dit autrement, combien de personnes y travaillent ?
10:41 Quels sont les différents métiers, les collaborations internationales ?
10:45 Et combien effectuez-vous de lancements, des différents lanceurs par an,
10:50 notamment Ariane 5, Soyouz et Vega ?
10:54 Alors, le CSG, ça représente 1 700 personnes à peu près,
10:59 1 700 salariés qui sont répartis dans 42 entreprises.
11:03 Donc, ce n'est pas 1 700 salariés CNES, sûrement pas.
11:06 Donc, ils sont répartis dans différentes entreprises
11:09 et qui ont la mission de produire ces lancements.
11:14 Donc, ça veut dire évidemment des activités de fin d'intégration des lanceurs.
11:20 Donc, ça, ce sont des activités qui sont portées par les grands maîtres d'œuvre lanceurs,
11:24 que sont Ariane Group et Avio pour Vega, Ariane Group pour N5 et Avio pour Vega.
11:31 Deux monnaies, les opérations des lanceurs qui sont essentiellement portées par Ariane Espace,
11:36 qui est donc l'opérateur européen qui met en œuvre,
11:39 qui est responsable de ces lancements Ariane et Vega.
11:43 Et puis, d'une gestion technique de la base, qui est donc la responsabilité du CNES,
11:49 donc mise à disposition de tous les moyens communs, de tous les réseaux,
11:54 qu'ils soient eaux, énergie, à ces opérateurs de lancement,
11:59 ainsi que tous les moyens de poursuite,
12:01 puisque nous sommes en quelque sorte à la fois responsables de la gestion de l'aéroport,
12:06 mais également nous sommes la tour de contrôle,
12:09 si je fais une analogie avec des aéroports classiques.
12:14 Nous sommes également la tour de contrôle,
12:16 puisque c'est nous qui autorisons les lancements,
12:19 suivant les trajectoires proposées par les lanceurs.
12:22 C'est nous qui sommes les garants de la sécurité, de la sûreté des biens
12:26 et des personnes au sol et dans les établissements qui sont présents au CSG.
12:32 Donc, ça, c'est la responsabilité du CNES d'assurer cela.
12:36 Et avec ces industriels, puisqu'on est à peu près sur les 1 700 personnes,
12:40 on est 250 personnes CNES et il y a à peu près 600 à 700 personnes
12:44 qui travaillent pour l'aéroport,
12:46 le reste étant plutôt dédié sur les affaires lanceurs.
12:49 Voilà, ça, c'était la première partie de votre question.
12:52 La deuxième partie de votre question concernait…
12:55 [inaudible]
13:00 Aujourd'hui, on peut lancer de 11 à 12 lancements par an sur cette base.
13:05 On pourrait faire un peu plus si on nous le demandait.
13:07 Je dirais que c'est notre cadence assez classique.
13:13 Nous lançons des Ariane 5, nous lançons des Vega et nous lançons des Soyuz.
13:18 Donc, la répartition entre les lancements Vega, Soyuz ou Ariane
13:22 dépend essentiellement du plan de commande, du carnet de commande d'Ariane Espace
13:29 puisque c'est Ariane Espace qui commercialise ces lanceurs.
13:32 Très bien, très, très bien.
13:35 Selon votre expérience sur les satellites,
13:37 quels sont les défis à prendre en considération
13:40 sur le développement des satellites d'application,
13:44 des satellites scientifiques,
13:46 en tenant compte du développement non négligeable
13:50 sur la scène internationale des CubeSats, bien entendu ?
13:53 Évidemment, il y a l'enjeu de la miniaturisation.
13:58 Le CNES travaille sur la miniaturisation des satellites depuis les années 2000.
14:02 Moi-même, j'avais été chef de projet de la filière Myriad,
14:05 qui était donc une filière de microsatellites.
14:08 C'est-à-dire que c'était des satellites qui étaient autour de 200 kg.
14:11 Donc, ça, c'était dans les années 2000,
14:13 enfin fin des années 90, le premier lancement de Déméter,
14:16 qui s'appelait Déméter, a eu lieu en 2002.
14:19 C'est un satellite qui faisait 180 kg.
14:22 Donc, à l'époque, c'était quelque chose de révolutionnaire
14:25 puisqu'on n'était pas du tout dans ces gammes de satellites habituelles.
14:29 Donc, on avait déjà cette préoccupation de la miniaturisation.
14:32 Et je dois dire que c'est une préoccupation qui ne nous a pas lâchées
14:37 et on a continué à travailler sur ces sujets.
14:41 Et maintenant, d'ailleurs, nous avons, avec la société Myriad,
14:45 créé une filière de nanosatellites opérationnels
14:51 qui s'appelle les satellites, dont le premier du nom a été Angels,
14:56 et qui a donné lieu d'ailleurs à la base technique
15:00 pour la constellation Kineis,
15:03 qui est une constellation d'Aïti qui a notamment récupéré la mission Argos.
15:08 Donc, cette préoccupation de la miniaturisation, on l'a toujours eue.
15:12 Alors, les CubeSats en tant que tels, si vous voulez,
15:15 les très petits nanosatellites, c'est-à-dire la taille d'une boîte de chaussures,
15:19 voire même un peu moins, un CubeSat, ça peut même être une canette de Coca-Cola,
15:24 eh bien, c'est vrai qu'on n'a pas été jusque-là parce que,
15:28 de notre point de vue et compte tenu de l'état de l'art actuellement,
15:33 la plupart de ces satellites n'ont pas de vraies missions opérationnelles,
15:37 c'est plutôt des missions de démonstration.
15:39 Ça peut être très intéressant pour des étudiants, pour des universités,
15:44 pour comprendre comment marche un satellite.
15:46 On peut les réaliser en assez peu de temps,
15:48 on peut les lancer depuis la station spatiale,
15:50 on n'a même pas besoin d'avoir un lanceur dédié.
15:53 On a effectivement toute cette population de vraiment tout petits nanosatellites
15:59 que nous, on n'a pas vraiment développé en interne au CNES.
16:03 On développe des technos, on essaie de miniaturiser de plus en plus
16:06 les technos élémentaires, l'électronique, la propulsion, le pilotage des satellites,
16:13 essayer de trouver des moyens et des équipements de plus en plus miniaturisés
16:17 et qui consomment de moins en moins.
16:19 Là, oui, on est dans une stratégie de R&D sur ces sujets.
16:23 En revanche, le fait d'assembler vraiment des satellites de la taille d'une canette de coca,
16:28 ça, on ne le fait pas, nous, au CNES, c'est l'apanage des milieux universitaires
16:33 et c'est très bien, il en faut pour tout le monde.
16:36 On pense quand même que pour des missions qui commencent vraiment à être opérationnelles,
16:40 qui ont un objectif commercial ou une vraie mission scientifique,
16:45 ces satellites-là sont un peu trop petits dans l'état de l'art actuel.
16:50 Donc, il faut travailler sur les briques élémentaires et on verra après
16:55 ce qu'il en est de ces tout petits satellites nano-satellites.
16:58 C'est un des premiers enjeux, mais ce n'est pas le seul.
17:02 Je pense qu'il y a d'autres enjeux côté satellite que la miniaturisation.
17:07 Moi, j'ai longtemps milité, sans succès d'ailleurs, mais c'est comme ça,
17:12 pour que l'on développe le rôle en formation, c'est-à-dire que les satellites
17:16 se parlent en orbite et se calent les uns aux autres pour avoir une mission
17:22 plus autonome de leur partie orbitale, sans lien avec le sol.
17:28 On n'a pas jusqu'à présent trouvé de mission suffisamment intéressante
17:32 qui pourrait justifier ce type de développement, mais je suis convaincue
17:36 que c'est une autre façon de penser la constellation des satellites.
17:39 Aujourd'hui, les satellites parlent avec le sol.
17:42 Chaque satellite parle avec le sol et quand vous avez des vols en constellation,
17:47 ils sont phasés par le sol.
17:50 Je pense que s'ils pouvaient, et ça commence d'ailleurs dans les constellations
17:54 de télécom, il commence à y avoir des choses de cette nature,
17:56 s'ils pouvaient se phaser entre eux directement sans passer par le sol,
18:00 on gagnerait en réactivité et en opérationnalité, et donc en compétitivité aussi.
18:06 Très intéressant en tout cas.
18:10 Sur votre passionnante et riche carrière, pouvez-vous nous citer un projet
18:18 que vous avez préféré, même si je sais que c'est très difficile
18:21 vu tous les projets auxquels vous avez participé, et un projet
18:27 qui s'est terminé par un échec et qui vous a le plus touché ?
18:31 Le problème, c'est que j'ai une carrière qui commence un peu long,
18:37 donc ce n'est pas le projet, sinon ça aurait été un peu pauvre.
18:40 Le projet qui m'a vraiment mis le pied à l'étrier et qui m'a donné la possibilité
18:47 de faire tout ce que j'ai fait après, c'est le projet du spectromètre Intégral.
18:51 Intégral, c'était une mission de l'Agence spatiale européenne
18:54 qui avait vocation à étudier les trous noirs et les étoiles à neutrons
18:59 dans le domaine des rayons gamma.
19:01 Le CNES avait en charge, en maîtrise d'œuvre interne, c'est-à-dire en réalisation interne,
19:06 la réalisation d'un spectromètre qui avait un plan de détection
19:10 qui était refroidi à 85 Kelvin.
19:13 C'était une mission excessivement complexe et difficile.
19:18 J'ai eu la chance, c'est ce fameux projet dont je vous parlais tout à l'heure,
19:22 d'avoir été nommée chef de projet de la réalisation de cet instrument.
19:26 C'est là que j'ai rencontré tous ces astrophysiciens,
19:29 tous ces gens absolument passionnés et fascinants.
19:33 Et puis aussi une équipe CNES assez conséquente que j'ai eu le plaisir de diriger.
19:38 C'est grâce à l'investissement de tous, je dois dire, le travail en équipe,
19:43 qui a vraiment fait sortir cet instrument en temps et en heure.
19:47 Ça n'a pas été simple.
19:49 J'y ai passé 7-8 ans de ma carrière professionnelle
19:52 et ça a été vraiment très riche et très chargé d'enseignement.
19:56 Après, les missions, je dirais, celles qui vous font vraiment battre le cœur,
20:02 c'est typiquement dernièrement l'atterrissage sur Mars de Perseverance ou d'InSight.
20:09 Là, c'est quand même les dernières minutes d'atterrissage.
20:13 C'est mieux que la foire du trône en termes d'émotion,
20:17 en termes de diversité interne.
20:20 C'est vrai, oui.
20:22 Vous avez passé beaucoup de temps sur ces missions.
20:24 Vous voyez ça atterrir sur Mars.
20:26 C'est une satisfaction personnelle qui est absolument énorme
20:30 et que rien ne peut remplacer, avec une satisfaction aussi personnelle,
20:34 je dirais, d'équipe.
20:35 C'est-à-dire que, comme je le dis, peut-être dans nos missions du spatial,
20:39 c'est ça aussi qui m'a beaucoup intéressée, c'est qu'on ne fait rien tout seul.
20:43 Je veux dire, on n'est pas un chercheur dans un coin tout seul
20:45 qui écrit des papiers et qui change le monde.
20:47 Non, ce n'est pas ça, notre boulot.
20:49 C'est de travailler en équipe et avec toutes les compétences,
20:52 tous les métiers, et d'arriver à produire des objets qui ont des destins fascinants.
20:57 Et puis, la mission, je dirais, phare qui a bercé aussi mon enfance
21:05 et même ma carrière professionnelle,
21:07 à delà de l'homme qui a marché sur la nulle,
21:09 c'est les missions Voyager qui, actuellement, sont en train de quitter le monde.
21:12 Voyager, oui.
21:13 Et là, franchement, on ne peut rien dire d'extraordinaire.
21:18 C'est fascinant.
21:20 Alors, les missions tristes, c'est les échecs.
21:23 Hermès qui a été une grande déception pour moi.
21:26 Et à l'époque, je me souviens très bien, ma fille avait 4-5 ans,
21:30 donc elle était toute petite et elle nous voyait vraiment tristes et pleurés,
21:34 parce que j'ai pleuré quand on a arrêté Hermès.
21:36 Et elle m'a demandé pourquoi, et je lui ai dit qu'on n'avait pas assez d'argent.
21:40 Et elle m'a dit « Mais maman, si tu veux, moi je peux arrêter de manger
21:43 pour qu'il y ait plus d'argent pour faire le projet Hermès ? »
21:46 Je vais vous dire que quand même, ça me marquait,
21:49 puisque, manifestement, sa réaction était à hauteur de mon émotion d'époque.
21:56 Une autre mission plus récente sur laquelle j'ai pas mal travaillé
22:00 et qui a eu un destin funeste, c'est Taranis.
22:03 Non seulement, j'étais à l'origine de ce projet de microsatellite
22:07 qui fait partie de la filière des Myriades,
22:10 mais en plus, j'étais au CSG en charge au Centre spatial Guyanais,
22:14 directrice du Centre spatial Guyanais,
22:16 pour le lancement qui a vu la perte de Taranis.
22:19 Et je sais combien, sur la durée de développement de ce projet,
22:24 ça a été plus d'une quinzaine d'années pour des équipes très motivées.
22:28 Évidemment, c'est un drame personnel aussi pour ces gens-là,
22:32 on avait passé tant de temps, et pour le résultat qu'on connaît.
22:36 Mais ça fait partie de la vie du spatial, il ne faut pas s'arrêter à ça.
22:41 De l'aventure spatiale, oui, c'est vrai.
22:43 Le chèque est près de la réussite, très près.
22:46 Que conseillez-vous aux jeunes filles et aux jeunes garçons
22:52 intéressés par les sciences en général,
22:55 et le spatial et l'aéronautique en particulier ?
22:58 Je leur conseille, évidemment, de faire des études
23:04 et de trouver le moyen de décrocher le bon diplôme.
23:08 Mais je vais déjà dire qu'on peut être fasciné par le spatial
23:11 d'être ingénieur ou technicien.
23:13 Les gens de la communication, Tiffany Boujul, vous voyez,
23:18 est fascinée par le spatial, je l'espère en tout cas,
23:20 sinon ça n'ira pas, mais elle n'est pas ingénieure.
23:23 Vous avez aussi des gens de la communication,
23:25 vous avez aussi des juristes, parce qu'il y a beaucoup de choses
23:27 qui se passent au niveau du droit, du spatial,
23:30 donc il y a aussi des juristes, il y a des acheteurs, évidemment,
23:33 des gens qui savent faire des contrats,
23:35 qui aussi peuvent trouver dans le monde du spatial
23:40 des métiers qui conviennent à la fois à leurs compétences
23:44 et à leurs aspirations.
23:45 Déjà, je pense qu'il ne faut pas limiter l'intérêt qu'on peut avoir
23:49 sur le spatial au seul métier qui relève de l'ingénieur
23:52 ou du technicien, ça serait assez réducteur.
23:55 Le spatial, c'est une aventure qui dépasse largement
23:59 la dimension technique qu'elle a,
24:01 et donc chacun peut trouver sa place là-dedans.
24:04 Alors ça, c'est le premier point.
24:06 Après, il faut quand même faire des études, c'est sûr,
24:09 donc il faut avoir le goût des études, soit d'un côté, soit de l'autre.
24:12 Et puis enfin, moi ce que je recommanderais,
24:16 c'est souvent les gens qui sont fascinés par le spatial,
24:18 c'est une forme de ressort interne, il ne faut pas le perdre,
24:21 ce ressort interne, je crois qu'il faut au contraire
24:23 l'entretenir pendant toute sa carrière,
24:25 pendant toute sa vie professionnelle,
24:27 parce qu'évidemment, on a des moments moins gays que d'autres,
24:30 parce qu'on rencontre des difficultés de toute nature,
24:34 des promotions qu'on n'a pas, des postes qu'on avait envie d'avoir
24:37 qu'on n'a pas, des collègues avec qui on n'a pas toujours envie de travailler,
24:40 il y en a d'autres, c'est mieux.
24:42 Donc, on rencontre aussi ou simplement le réveil qui sonne le matin
24:45 et franchement, on n'a pas envie de ça.
24:48 Donc, évidemment, ça c'est vrai pour tout le monde
24:52 et il faut entretenir cette petite flamme intérieure
24:54 qui vous permet de vous dire, de vous rattraper quand même aux branches,
24:57 en vous disant, ouais, c'est sûr, il y a tout ça,
24:59 mais quand même, on atterrit sur l'art, quand même, on décolle du CIG,
25:04 quand même, on fait l'observation de la Terre,
25:06 quand même, on participe à la charte des événements catastrophiques.
25:10 Voilà, tout ça.
25:12 Merci.
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